30/05/2009

Le réchauffement provoque 300 000 morts par an



31 mai 2009


Dans le sud du Bangladesh, une famille fuit les inondations après le passage du cyclone Aila, jeudi 28 mai. ABIR ABSULLAH/EPA

Malnutrition et propagation des maladies... Un rapport évalue l'impact humain des changements climatiques

Le réchauffement climatique n'est plus une menace virtuelle, mais une réalité d'ores et déjà responsable de 300 000 morts par an - l'équivalent du tsunami de 2004, selon les conclusions du rapport rendu public vendredi 29 mai par le Forum humanitaire mondial, la fondation présidée par l'ancien secrétaire général des Nations unies Kofi Annan.

Ce rapport, intitulé " L'impact humain du changement climatique - anatomie d'une crise silencieuse ", se veut le premier travail de synthèse sur un sujet jusqu'à présent davantage abordé de manière prospective, à l'image des prévisions de l'ONU annonçant 250 millions de réfugiés climatiques à l'horizon 2050. Alors que les négociations internationales sur le climat reprennent la semaine prochaine à Bonn (Allemagne), ses conclusions chargent d'un poids supplémentaire les épaules des gouvernements, responsables de parvenir d'ici au sommet de Copenhague, en décembre, à un accord permettant de réduire de manière drastique les émissions de gaz carbonique dans l'atmosphère.

" Nous sommes à un moment crucial. Les négociateurs ne peuvent ignorer l'impact actuel du changement climatique. La responsabilité des pays à Copenhague n'est pas seulement de contenir une menace future très sérieuse mais aussi de répondre à une crise contemporaine majeure ", estime Kofi Annan. L'élévation des températures agit notamment sur les rendements agricoles, l'accès à l'eau et, en conséquence, sur la pauvreté, dont le niveau est étroitement lié à la qualité du milieu naturel dans les pays les moins développés. Selon le rapport, 325 millions de personnes sont chaque année affectées par la dégradation sévère de leur environnement ou les catastrophes climatiques plus fréquentes, comme les inondations ou les cyclones. La très grande majorité d'entre elles vivent dans les pays les plus pauvres. Il évalue à 125 milliards de dollars (90 milliards d'euros) les pertes économiques qui en découlent.

Tous ces chiffres pourraient être multipliés par deux au cours des vingt prochaines années, selon les auteurs, qui voient dans cette évolution les germes de la plus grave crise humanitaire jamais connue.

Les conséquences les plus marquées du changement climatique se lisent sur la malnutrition, puisque la moitié des 300 000 décès annuels qui lui sont imputés sont des victimes de la faim. Vient ensuite la santé, le réchauffement apparaissant comme le vecteur d'une diffusion plus large de certaines maladies. Dix millions de nouveaux cas de malaria et environ 55 000 morts ont ainsi été identifiés. Les pays pauvres - et là le rapport ne fait que reprendre un constat déjà établi - sont aussi les plus exposés. Du Sahara au Moyen-Orient, jusqu'à l'Asie centrale et à certaines régions d'Asie du Sud-Est, ils forment cette ceinture semi-aride où les sécheresses récurrentes et la désertification sont déjà à l'oeuvre. Somalie, Burundi, Yémen, Niger, Erythrée, Afghanistan, Ethiopie, Tchad, Rwanda et Comores sont à la fois les pays les plus vulnérables au réchauffement et ceux qui ont la plus faible capacité financière pour y répondre.

EFFORT D'ADAPTATION

D'où la nécessité, affirme Kofi Annan, de revoir les scénarios de développement que la Communauté internationale s'était engagée à financer (sans jusqu'à présent tenir ses promesses) au travers des Objectifs du millénaire.

Dans une récente étude, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) estimait que, dans certains domaines, un tiers des projets financés par l'aide publique au développement pourrait ne pas aboutir du fait du réchauffement. Le Forum humanitaire mondial estime qu'il faudrait multiplier par cent l'argent actuellement affecté à l'effort d'adaptation pour déjouer ses sombres prévisions, qui menacent des pays qui ne portent aucune responsabilité dans la situation actuelle.

Laurence Caramel

© Le Monde

29/05/2009

Un essai de vaccin contre le paludisme est lancé en Afrique


30 mai 2009

Les tests portent sur des bébés, principales victimes d'une épidémie qui fait de un à trois millions de morts par an.

Un essai international à grande échelle avec un candidat vaccin contre le paludisme a démarré, mardi 26 mai à Bagamoyo (Tanzanie). Il évaluera chez 16 000 enfants et nourrissons l'efficacité du vaccin expérimental " RTS, S ", mis au point par le laboratoire GlaxoSmithKline (GSK) Biologicals, avec lequel des résultats encourageants ont été obtenus (Le Monde du 10 décembre 2008).

Financé par l'Initiative pour un vaccin contre le paludisme (en anglais " MVI "), l'essai est dirigé en Tanzanie par le docteur Salim Abdulla, du Centre de recherche et de formation Bagamoyo de l'Institut de santé d'Ifakara. Au total, onze sites participeront à cet essai international. Outre la Tanzanie, l'essai démarrera dans les mois à venir au Burkina Faso, Gabon, Ghana, Kenya, Malawi et Mozambique. Le suivi des enfants participants durera deux ans.

Le paludisme tue entre un et trois millions de personnes chaque année dans le monde. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime qu'un enfant en meurt toutes les 30 secondes, principalement en Afrique. Des progrès ont été accomplis dans la lutte contre la maladie et sa transmission, grâce aux nouvelles combinaisons de médicaments à base d'artémisinine, aux moustiquaires imprégnées d'insecticide et aux pulvérisations intradomiciliaires d'insecticide. Cependant, l'absence d'un vaccin se fait lourdement sentir.

Parmi les candidats vaccins expérimentés, le RTS, S est à la fois le plus avancé dans les étapes de validation et le plus soutenu financièrement, puisque MVI, lancée par l'organisation humanitaire américaine PATH, bénéficie depuis l'origine du soutien de la Fondation Bill et Melinda Gates.

" Nous espérons confirmer le niveau d'efficacité constaté dans les précédents essais, qui était de 53 % sur les formes cliniques chez les enfants âgés de 5 à 17 mois, ainsi que la diminution du nombre de cas de paludisme sévère et l'impact général du vaccin sur la santé et le nombre d'hospitalisations ", déclare le docteur Christian Loucq, directeur de MVI.

Le RTS, S représente plus de vingt ans de recherche et développement pour GSK Biologicals, implanté en Belgique où le vaccin est fabriqué. " Je ressens beaucoup d'excitation et d'humilité en pensant que ce vaccin pourrait sauver des centaines de milliers de vie. Il est le seul qui se soit révélé efficace chez des enfants et il cible une étape très précoce dans le cycle du parasite responsable du paludisme. Ce serait le premier vaccin humain contre un parasite ", confie Joe Cohen, l'un des " pères " du candidat vaccin chez GSK Biologicals.

Les promoteurs de l'essai insistent sur le fait qu'il sera conduit en accord avec les règles de bonnes pratiques édictées internationalement et que les parents des enfants participants auront accordé leur consentement éclairé. " Nous espérons disposer de premiers résultats après douze à dix-huit mois de suivi. Nous soumettrons alors le produit à l'Agence européenne du médicament pour avis scientifique puis, si l'avis est favorable, à l'OMS pour la procédure de préqualification. Si l'OMS donne son feu vert, alors, le vaccin pourra être acheté par l'Unicef et être financé par la Global Alliance for Vaccines Initiative - GAVI, " Initiative Alliance mondiale pour les vaccins - ", précise le docteur Loucq.

Paul Benkimoun

© Le Monde

25/05/2009

Les paysans africains écartés des transactions sur les terres arables


26 mai 2009

Un rapport sur huit pays du continent noir dénonce l'opacité des investissements d'origine étrangère

Les investisseurs internationaux jettent leur dévolu sur les terres agricoles - surtout les meilleures. Elles constituent pourtant le moyen de subsistance des populations locales, qui risquent d'en perdre l'accès. Mais les gouvernements font peu de cas de ces dernières.

Ce phénomène vient, pour la première fois, d'être analysé en détail dans huit pays africains par des experts de l'Institut international de l'environnement et du développement (IIED), en collaboration avec deux institutions de l'ONU, le Fonds international de développement agricole (FIDA) et l'Agence pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).

Intitulé " Accaparement des terres ou opportunité de développement ? ", leur rapport, publié lundi 25 mai et dont Le Monde a eu connaissance, appelle à la consultation des populations rurales menacées et à une meilleure prise en compte de leurs intérêts dans les transactions. Il souligne un manque de transparence dans les processus de décision et les circuits d'investissement. De quoi alimenter les craintes de corruption.

Le rapport confirme l'accroissement des transactions à grande échelle. En cinq ans, en Ethiopie, au Ghana, au Mali, à Madagascar et au Soudan, ce sont 2,5 millions d'hectares sur lesquels les investisseurs se sont rués. Comme souvent en Afrique, ces terres sont propriété des Etats, et les paysans ne détiennent qu'un droit d'usage.

Les droits sur les terres offerts aux investisseurs sont très bas, car la priorité est donnée aux contreparties en termes d'emplois ou d'infrastructures. Mais les contrats examinés sont presque tous " courts et simples, comparé à la réalité économique de la transaction ", note le rapport. Les engagements des investisseurs y restent vagues et la question de la répartition des récoltes entre exportation et consommation locale pas vraiment évoquée.

Surtout, les populations concernées sont tenues à l'écart des négociations et les données sur la superficie ou la nature des contrats ne sont pas publiques. Si les transactions commerciales privées peuvent demander une certaine confidentialité, " le manque de transparence paraît problématique " quand il s'agit de discussions entre gouvernements.

" ABSENCE DE DIALOGUE "

" Cette absence de dialogue est un problème. Dans toutes nos actions, nous nous attachons à ce qu'il y ait un consentement libre et informé des populations quand il est question de ressources naturelles ", explique Jean-Philippe Audinet, directeur de la division des politiques au FIDA, qui regrette de voir des gouvernements préférer " le business au développement ".

Faut-il pour autant condamner ces acquisitions - ou plutôt ces concessions qui peuvent aller jusqu'à 99 ans, car il s'agit rarement de ventes ? IIED, FIDA et FAO ne sont pas si catégoriques. " Le phénomène existe et il est massif. Il faut faire en sorte que ses effets soient positifs et ses dégâts minimes ", estime Paul Mathieu, expert à la FAO. " Tout dépend des termes de la négociation et de l'implication des acteurs, qui ne doivent pas inclure que les investisseurs et les Etats ", estime l'un des auteurs, Lorenzo Cotula (IIED).

Si l'accaparement de terres peut choquer, surtout dans des zones importatrices de denrées, les trois institutions veulent aussi y voir l'occasion, pour ces pays, de rendre leur agriculture plus productive. Les rapporteurs ne mettent pas moins les investisseurs, et tout autant les Etats, devant leurs responsabilités. " Les efforts pour attirer les investissements de grande échelle ne doivent pas détourner l'attention sur les besoins d'améliorer la sécurité des populations locales ", jugent ainsi les auteurs.

Ils invitent les investisseurs à communiquer sur leurs véritables intentions dès le début des transactions. Concernant les pays hôtes, ils leur recommandent de clarifier leur politique en matière d'accueil d'investissements, de mettre l'accent sur le partage des bénéfices, de réorienter les transactions vers la qualité, et non plus vers la quantité. Ils demandent la publication de toute décision et le respect des droits fonciers locaux.

Car, pour les auteurs, le phénomène va s'accentuer, entraînant des transformations économiques et sociales en Afrique et ailleurs. Ce qui se joue là aura donc de fortes implications pour l'avenir de l'agriculture mondiale, où " l'agribusiness " pourrait encore plus dominer.

Sur le Web

Laetitia Clavreul

http ://www.fao.org/nr/tenure/

infores/newpubs/en

© Le Monde

23/05/2009

En Afrique, l'Européen filme la tragédie, l'Africain la vie


24 mai 2009




















" Mon voisin, mon tueur ", d'Anne Aghion. DR

" Min Ye " est un drame de la bourgeoisie de Bamako raconté par l'un des siens, Souleymane Cissé

L'Armée silencieuse Sélection officielle/ Un certain regard

Mon voisin mon tueur Sélection officielle/ Hors compétition

Min Ye Sélection officielle/ Hors compétition

Sur la planète cinéma, la place de l'Afrique n'est pas très différente de celle qu'elle occupe dans le monde globalisé. Les réalisateurs des pays plus riches y trouvent la matière première de fictions ou de documentaires. Et pas plus que l'on achète des chaussures ou des voitures fabriquées au sud du Sahara, on ne va voir des films qui y ont été produits.

Cette année à Cannes, trois films ont illustré cet état de fait. L'Armée silencieuse, du Néerlandais Jean Van De Velde, met en scène, à la mode du film d'aventures, la tragédie des enfants soldats d'Ouganda. Documentaire réalisé par une Française, Anne Aghion, Mon voisin mon tueur évoque avec précision et rigueur les tribunaux mis en place par le pouvoir rwandais dans le but proclamé de soigner les séquelles du génocide de 1994. Et comme un pied de nez à ces tragédies automatiquement associées à l'Afrique, Min Ye, du vétéran malien Souleymane Cissé, seul film réalisé par un Africain, est un drame bourgeois de la jalousie.

A plusieurs reprises, les personnages de L'Armée silencieuse reprochent au monde son indifférence face au drame des enfants enrôlés de force. Les rebelles chrétiens du film de Van De Velde sont inspirés de l'Armée de résistance du seigneur qui terrorise le nord de l'Ouganda depuis plus de vingt ans. Sans doute dans l'espoir de briser cette indifférence, le scénario imagine que l'un des enfants enlevés, forcé de tuer un parent, puis un camarade, est l'ami d'un petit Européen, Néerlandais en l'occurrence. Le jeune Tommy et son père se lancent sur les pistes dans l'espoir de libérer l'enfant.

PUDIQUES ELLIPSES

Le jeu incertain des acteurs néerlandais et les libertés résolument prises avec la vraisemblance s'entrechoquent violemment avec ce que L'Armée silencieuse veut montrer du sort des enfants soldats. La transformation de petits enfants en êtres dépourvus d'affect, prêts à tous les crimes, réclame une mise en scène autrement réfléchie que les pudiques ellipses qu'a choisies Van De Velde entre deux scènes d'action, qui ressemblent aux parents désargentés des films hollywoodiens sur ce sujet, Blood Diamond ou Lord of War.

Le génocide des Tutsi rwandais par le pouvoir hutu est l'autre stigmate que porte l'Afrique, depuis 1994. Pour, sinon l'effacer, du moins le rendre supportable, le pouvoir rwandais a institué les tribunaux gacaca, une dizaine d'années après l'assassinat d'environ 800 000 morts, tutsi ou opposants hutu aux tueurs. Les tribunaux gacaca ne sont pas destinés à punir les génocidaires mais à les forcer à reconnaître leurs crimes et à demander pardon aux survivants. Les sessions se tiennent sur chaque colline. Sur l'une d'elles, Anne Aghion a suivi le difficile travail qui oppose plusieurs femmes (une Hutu a vu ses enfants, nés d'un Tutsi, massacrés à coup de machettes sous ses yeux) au chef local des tueurs.

Réalisé avec une extrême sobriété, monté rigoureusement, si bien qu'aucun commentaire n'est nécessaire, Mon voisin mon tueur ignore délibérément le contexte politique, la stratégie de maintien au pouvoir du Front patriotique rwandais de Paul Kagame et la contribution que les tribunaux gacaca y apportent. Mais il était sans doute plus important de saisir la réalité humaine de ces confrontations, ces moments où l'indicible est dit, où les limites de la justice et du pardon sont atteintes et où pourtant, la vie continue.

Ce n'est peut-être pas tout à fait un hasard si Souleymane Cissé a choisi d'ignorer la violence, la misère ou la maladie. En 1995, son précédent film, Waati, évoquait la fin de l'apartheid. Revenu filmer au Mali, Cissé raconte l'histoire d'un cinéaste qui aime une femme impossible, médecin brillante et ambitieuse, infidèle de surcroît. Mimi (Sogona Gakou) est une force de la nature auprès de laquelle les autres pâlissent. Elle prend de front les obstacles qu'elle rencontre, la première épouse de son mari, la jalousie de la femme de son amant.

Souvent répétitif, et donc trop long, Min Ye n'en reste pas moins une double bonne nouvelle : Souleymane Cissé s'est remis au cinéma, et il a réalisé un film entièrement nouveau.

Thomas Sotinel

L'Armée silencieuse, film néerlandais de Jean Van De Velde.

Avec Marco Borsato, Andrew Kintu. (1 h 32)

Mon voisin mon tueur, film documentaire français d'Anne Aghion.

(1 h 20)

Min Ye (Dis-moi qui tu es), film malien de Souleymane Cissé.

Avec Assane Kouyaté, Sogona Gakou. (2 h 15)

© Le Monde



La guerre du pétrole a commencé au Nigeria


24 mai 2009

Dans le delta du Niger, une guerre curieusement parée de qualificatifs hauts en couleur mais qui refuse de dire, tout simplement, son nom, a commencé. Sur fond d'exploitation pétrolière, le sang coule dans le sud du Nigeria, premier producteur de brut d'Afrique subsaharienne. La région de mangroves perdue entre les bras du fleuve et polluée par cinquante ans d'extraction voit s'étendre un conflit annoncé depuis plusieurs mois par les activistes armés de la région.

En septembre 2008, les " militants " rebelles du Mouvement pour l'émancipation du delta du Niger (MEND), qui ont pris les armes pour défendre les populations bafouées du delta et oscillent entre cet objectif et le banditisme, avaient annoncé le début de l'opération " Ouragan Barbarossa ". Ils voulaient le faire souffler jusqu'à balayer toutes les compagnies pétrolières de la région.

Pendant huit mois, ils se sont contentés, entre pics de violence et trêves consacrées à des négociations, de vaquer à leurs habituelles attaques contre l'industrie pétrolière tout en remplissant leurs caisses grâce aux enlèvements d'expatriés et aux détournements de cargaisons de pétrole brut. Depuis, la force conjointe police-armée (JTF) déployée dans le delta depuis 2003 et parée de noms déconcertants, de " Tirez la chasse d'eau " à " Restaurer l'espoir " (emprunté à l'opération américaine en Somalie de 1993 qui s'était terminée par un désastre) a été restructurée pour passer à l'offensive.

Depuis la mi-mai, les affrontements ont commencé. Il y a deux semaines, le MEND, réactivant l'opération " Ouragan Barbarossa ", a ordonné aux compagnies pétrolières d'évacuer leur personnel du delta. Les jours suivants, le mouvement lançait de nouvelles attaques, prenant d'assaut un cargo ukrainien dont l'équipage, retenu en otage, a été libéré par les forces gouvernementales au prix de deux morts parmi les marins. Le MEND affirme aussi avoir attaqué et détruit " cinq gun boats - vedettes armées - et plusieurs navires de soutien " de la JTF, selon un communiqué transmis par Internet.

La JTF est aussi passée à l'offensive dans l'Etat du Delta, l'un des neuf (sur les trente-six de la fédération nigériane) qui composent la région où le Niger étend son delta. Dans les creeks (lacis des multiples bras du fleuve et de rivières), deux dizaines de vedettes armées des forces de sécurité cherchent les embarcations du MEND et de ses groupes affiliés. Sur terre, un bon millier d'hommes de la JTF a entrepris un " ratissage au peigne fin " de la région pour détruire les camps des groupes armés du delta, selon le porte-parole de l'opération, le colonel Rabe Abubakar.

Depuis quelques jours, sont spécialement visées les zones abritant les membres du Federated Niger Delta Ijaw Communities (FNDIC), la faction du MEND opérant dans l'Etat du Delta. Son chef, Chief Government Ekpemupolo, dit " Tompolo ", est recherché, " mort ou vif ", par les forces gouvernementales, alors que les hommes du FNDIC ont tué onze soldats dans une embuscade.

Vendredi 22 mai, les hélicoptères gouvernementaux ont attaqué la région d'Oporoza, fief de " Tompolo ", mais aussi petite capitale du royaume de Gbaramatu. Un festival traditionnel y rassemblait des foules de l'ethnie Ijaw, qui ont subi tirs de mitrailleuse et roquettes, tout comme la région voisine du " camp numéro 5 ". Des groupes de centaines de soldats investissent la région. Le colonel Abubakar affirme que les troupes ont saisi de " grosses quantités d'armes et de munitions, incluant des armes antiaériennes, des mitrailleuses lourdes (GPMG), des lance-roquettes (RPG), des fusils traditionnels et des gris-gris ". Depuis, l'opération s'intensifie. Vendredi, des informations non confirmées faisaient état d'une possible extension des combats et des ratissages dans les Etats voisins, notamment le Bayelsa, majoritairement peuplé d'Ijaw.

Amnesty International estime que 20 000 personnes pourraient avoir été chassées de cette zone, et de nombreux villages incendiés. Selon l'organisation de défense des droits de l'homme, plusieurs centaines de personnes pourraient avoir été tuées ou blessées. Aucune source indépendante ne permet de vérifier ces chiffres, faute d'accès dans la zone, coupée du monde par les forces de sécurité.

Le MEND est apparu en décembre 2005 lorsqu'il a fait sauter un premier oléoduc. Depuis, une série de groupes armés entretenant des liens avec les responsables traditionnels et les hommes politiques s'est puissamment armée et opère dans le delta. Les factions du MEND participent à des opérations de bunkering, un détournement pur et simple de cargaisons de pétrole brut transportées clandestinement dans des raffineries d'Afrique de l'Ouest pour y être raffinées et réinjectées sur le marché régional. Le bunkering exige de solides relations, et la coopération apparemment contre-nature entre les militants armés du delta et les responsables politico-militaires. La contradiction n'est qu'apparente. Une partie des activités des groupes armés du delta, discrètement affiliés à des responsables politiques locaux, sert à amasser des fonds pour ces mêmes responsables.

Mais le MEND est aussi impliqué dans la lutte armée pour la défense des populations locales, demandant notamment que le pourcentage des recettes pétrolières nigérianes au niveau fédéral revenant à la région d'extraction passe de 17 % à 25 %, voire, selon les plus exigeants, à 50 %. Entre ses attaques contre les installations pétrolières, les sabotages d'oléoducs qui quadrillent la région, au besoin pour en pomper le contenu, la production de brut nigériane s'est effondrée. Cette baisse conjuguée de la production et du prix du brut, dans un contexte de crise politique intérieure liée aux interrogations sur l'état de santé du chef de l'Etat, a poussé les autorités centrales à lancer une offensive dans le delta. Lors de son élection en 2007, le président Umaru Yar'Adua avait défini le problème du delta comme l'une des " sept priorités " de son mandat. Depuis, les mesures prises tardent à se traduire par des effets perceptibles par les populations. Des organismes ont été créés, un ministère des affaires du delta a même été inauguré, mais ces structures sont plus engagées dans une compétition pour les ressources que pour changer la vie dans le delta.

Jean-Philippe Rémy

© Le Monde

URGENCE, une pièce de théâtre de Pépito Matéo

L' Amicale laïque La Glacière à Clermont-Ferrand vous propose une soirée théâtre

Le samedi 23 mai 2009 à 20h30

Salle Pierre et Marie Curie 178 rue Abbé Prévost








19/05/2009

Osman M. F., pêcheur somalien devenu pirate " parce que la mer est vide "

20 mai 2009

Arrestation, dans le golfe d'Aden, de pirates présumés par des commandos de la frégate française " Floréal ". CHAMUSSY/SIPA

La Haye Correspondance
Emprisonné aux Pays-Bas, il sera bientôt jugé à Rotterdam avec ses quatre complices.
Il y a deux sortes de pirates pour Osman M.F. : " Les professionnels et ceux qui les aident pour un peu d'argent ", explique ce Somalien âgé de 30 ans à la police néerlandaise. Il existe aussi, aurait-il pu ajouter, une troisième catégorie, la sienne, celles des apprentis pirates malchanceux. L'horizon d'Osman M.F. s'arrête désormais aux miradors de Krimpen, une prison des Pays-Bas. Il sera bientôt jugé par une cour de Rotterdam aux côtés de quatre autres pirates. Loin, très loin de Ras Assair, " le point le plus au nord de la Somalie ", d'où, pour la dernière fois, il a largué les amarres le 1er janvier.

Son aventure avait commencé au village de Bulo Hayo, près de Kismayo (Sud). Avec d'autres hommes, il achète l'équipement du parfait pirate : une embarcation et des armes. " Il y a une organisation qui donne gratuitement des bateaux aux gens. Je crois que ça s'appelle l'Unicef. Nous avons acheté 800 dollars un bateau à des gens qui l'avaient reçu de l'Unicef ", dit-il.

A bord, les hommes embarquent un AK47, un fusil d'assaut HKG3, un fusil automatique léger (FAL) et un lance-roquettes acquis " sur le marché pour 1 300 dollars ". " Sayyed a reçu de l'argent de son père, qui avait de la terre. Moi aussi, j'ai vendu de la terre. " Lestés de 300 litres d'essence, de biscuits, de cigarettes, " de 20 litres d'eau et de quelques dattes ", les cinq pirates mettent le cap au nord-est.

Direction le Yémen, " en nous orientant avec les étoiles, car nous sommes des nomades ". " Sur la radio BBC en somali, nous avons entendu qu'il fallait naviguer en direction du Yémen et que nous aurions de fortes chances de rencontrer des bateaux. " A bord, " Sayyed barrait le bateau et nous tenions les armes à tour de rôle ".

Quatorze jours plus tard, l'équipée tombe sur le Samanyulo, cargo battant pavillon des Antilles néerlandaises, conduit par un équipage turc. Et l'attaque tourne mal. Osman M.F. raconte sa version des faits. Accusé d'avoir conduit l'attaque, il affirme, dans le procès-verbal de son audition, avoir agi en état de légitime défense... A court de nourriture et poussé par un moteur toussotant, les pirates sont accueillis par l'équipage du Samanyulo à coups de cocktails Molotov. Touchée, l'embarcation rejoint les fortunes de mer.

Les cinq hommes sont repêchés peu après, à 160 milles (296 km) au nord-est des côtes somaliennes, par l'Absalon, une frégate de la marine danoise appartenant à la CFT 150, une coalition de lutte contre le terrorisme en mer, qui, croisant dans les environs, avait répondu à l'appel de détresse du Samanyulo.

A la demande de La Haye, les cinq hommes sont envoyés aux Pays-Bas pour y être jugés. Si l'expédition n'avait pas échoué, Osman M.F. aurait conduit les " négociations ". " Je devais aller à bord du navire et m'occuper des contacts entre les otages et notre groupe. " Osman, illettré et ne parlant que somali - " Je peux poser des questions en faisant des gestes " -, avait embarqué un " traducteur ".

" JE NE SUIS PAS UN CRIMINEL "

Face à la justice néerlandaise, il reconnaît en partie ses torts. " Je sais que - la piraterie - est criminelle, mais quand on a faim, pas de travail et qu'il y a une guerre depuis très longtemps dans le pays, alors tu cours le risque ", se justifie-t-il. Puis il avance un argument bien fragile : " L'attaque sur le navire s'est faite à partir du territoire somalien, il n'y a pas de loi en Somalie, je ne suis donc pas un criminel. " Ni loi " ni police ", précise-t-il.

Mais ce qui est vrai en Somalie ne l'est pas ailleurs. D'autant que la communauté internationale a commencé à réagir face à la multiplication des actes de pirateries (plus d'une centaine d'attaques enregistrées depuis janvier dans le golfe d'Aden, selon l'Organisation maritime internationale). En 2008, les Nations unies ont obtenu de Mogadiscio l'autorisation de réprimer la piraterie dans les eaux territoriales somaliennes.

Loin de ces finesses juridiques, Osman a d'autres préoccupations. Il s'inquiète pour sa femme et son fils de 6 ans, dont il reçoit des nouvelles par l'intermédiaire d'une organisation de la diaspora somalienne aux Pays-Bas. " Si l'épicier n'est pas payé, ma femme n'aura rien à manger ", se plaint-il.

Avant la piraterie, Osman était pêcheur. " Si les compagnies de pêche occidentales n'avaient pas massivement pillé les fonds marins, il ne serait pas devenu pirate ", défend son avocat, Haroon Raza. Depuis Kismayo, Osman embarquait " sur les bateaux des autres ", et la plupart du temps, " recevait sa part de la recette ". Cent cinquante dollars par an, " c'est très peu pour la Somalie ", commente-t-il.

En 2008, la piraterie a rapporté des dizaines de millions de dollars aux pirates somaliens. Osman résume sa conversion en quelques mots : " Je suis pêcheur... Enfin, plus maintenant. La mer est vide. "

Stéphanie Maupas

© Le Monde

15/05/2009

Areva au Niger : Imouraren, un désastre annoncé !

L'association Survie milite en faveur de l'assainissement des relations franco-africaines, de l'accès de tous aux biens publics et contre la banalisation du génocide.





Pour lire l'article cliquer ici

10/05/2009

L’Afrique attend toujours la rupture


n° 966 07.05.2009
Deux ans après l’élection de Nicolas Sarkozy, les espoirs de justice qu’il a suscités pour l’Afrique se sont envolés. La Françafrique est toujours bien présente et Omar Bongo, toujours en cour.

Le président français, Nicolas Sarkozy, fête ses deux ans de présence à l’Elysée. Déjà ! Le temps passe si vite ! Car on se souvient comme d’hier de la cérémonie d’investiture, du brillant discours qu’il a prononcé pour l’occasion, dans lequel il affichait sa ferme volonté de changement, d’innovation et de rupture. A l’époque, et vu d’Afrique, il forçait l’admiration. Mais, deux années plus tard, les Africains n’affichent plus les mêmes convictions et, surtout, ne nourrissent plus les mêmes ambitions. Car, quelque part, Sarko les a déçus. La rupture annoncée n’a pas eu lieu. Et si elle a eu lieu, elle ne s’est pas opérée dans la direction que l’on l’attendait. Les pontes africains de la désormais célèbre Françafrique sont toujours là, plus que jamais solidement installés, agrippés à des fauteuils présidentiels [africains] presque synonymes de pouvoir à vie. Les démarches judiciaires que l’on osa entreprendre contre certains d’entre eux, au regard de leurs fortunes colossales, si elles n’ont pas été balayées d’un revers de la main, ont néanmoins fini sous l’éteignoir. Plus que jamais, la Françafrique règne. Peuples africains, tremblez de tous vos os !

Mais il y eut aussi le désormais fameux “discours de Dakar”, discours au cours duquel l’Africain réalisa avec stupéfaction qu’il n’était pas entré dans l’Histoire. La petite phrase serait restée inaperçue si elle avait été prononcée par un quidam. Mais, venant de la part du chef de l’Etat français, elle avait de quoi surprendre et valait sans doute son pesant de supputations. L’un des tout premiers chefs d’Etat à être reçu par le nouveau locataire de l’Elysée sera le Gabonais Omar Bongo. Et la toute première visite du président français fraîchement élu se fera en terre… gabonaise. On prend acte, mais le plus douloureux dans cette affaire, c’est qu’on ne peut même pas qualifier de “gaffes” ces faits et gestes de Sarkozy. Ils traduisent les options et les convictions d’un homme qui sait ce qu’il fait, agit à bon escient et choisit librement ses amis. Tant pis pour ceux qui, sur le continent noir, en attendaient autre chose. Les crises politico-diplomatiques sont légion : l’Algérie, la Côte-d’Ivoire, Djibouti, le Mali, le Rwanda. Ce dernier pays, sous la houlette de l’intrépide Kagame, ira jusqu’à renoncer à la francophonie pour frapper à la porte du Commonwealth. Plus qu’une crise de confiance, on constate aujourd’hui comme un sentiment de lassitude qui se traduit par un sentiment antifrançais dans certains pays africains.

Paradoxalement, l’ère Sarkozy se présente comme du pain bénit pour bon nombre de chefs d’Etat africains. Preuve s’il en fallait que l’officiel est souvent à mille lieues du populaire. La France de Sarkozy est plus que jamais présente sur le continent africain avec ses argentiers et ses multinationales. De juteux contrats s’établissent avec la bénédiction de gouvernants africains, qui traitent et signent au nom de leurs pays. Les tout-puissants groupes Bolloré, Bouygues, Total, Elf sont désormais ancrés sur le continent au point qu’on finit par se demander s’ils le quitteront un jour.

Et c’est là aussi que le paradoxe choque et révolte. La rupture annoncée n’aura imposé que l’immigration choisie, privant de nombreuses contrées de la manne indispensable à la nécessaire survie. En contrepartie, les nations africaines devront subir le choix de lourdes multinationales qui n’ont comme critères que le profit et la rentabilité financière. A sa décharge, on peut le dire, Sarkozy a été élu par des Français pour des Français. Devait-on s’attendre à le voir mettre en place une politique qui vise essentiellement au bien-être de l’homme africain ? On peut se permettre d’en douter. Bien au contraire, les Africains seraient bien inspirés de prendre l’initiative de la vraie rupture, celle qui conduit à choisir, diversifier ses amis, relations et partenaires. Que l’ancienne métropole ne le voie pas d’un bon œil ne regarde qu’elle, en définitive.

Car cette France-là, sous Sarko, a fini de faire la preuve que de Gaulle avait raison : elle n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts. Vu d’Afrique, la rupture promise par Sarkozy se fait toujours attendre. Et elle risque sans doute de jouer pour toujours l’Arlésienne. Les peuples de ce continent espéraient de la fermeté contre les dictateurs, ainsi qu’une promotion réelle de la véritable et saine démocratie. Ils ont dû déchanter. Ils n’auront vu à la place que des cautions apportées à des régimes totalitaires et impopulaires, justifiées par la recherche effrénée d’un partenariat gagnant-gagnant avec des dictatures qui règnent de manière éhontée et gèrent à leur profit les misères de leurs peuples.
Les Africains l’auront sans doute compris : le second sommet de La Baule n’aura pas lieu sous Sarko. Plus, ils auront découvert qu’il leur faut se prendre en charge et assumer courageusement leur destin. Malheureusement, ils devront le faire sans aucune aide de bon nombre de leurs dirigeants. Car ces gouvernants aiment et apprécient ce qui se passe. Ils ont sans doute leurs raisons. Et ils n’entendent pas du tout changer des équipes qui gagnent, fussent-elles mauvaises. Mais c’est déjà un gain de le savoir.

06/05/2009

L'affaire des " biens mal acquis " relancée à Paris


7 mai 2009

Trois chefs d'Etat africains pourraient répondre d'accusation de prédation devant la justice

Trois chefs d'Etat africains pourraient répondre devant la justice française d'accusation de prédation commis au détriment de leur peuple. Juridiquement incertaine, politiquement explosive, l'affaire des " biens mal acquis " a rebondi, mardi 5 mai, lorsque Françoise Desset, doyenne des juges d'instruction du pôle financier de Paris, a jugé recevable la plainte pour " recel de détournement de fonds publics " visant les présidents Omar Bongo du Gabon, Denis Sassou-Nguesso du Congo et Teodoro Obiang de Guinée équatoriale. Conséquence : une information judiciaire peut être ouverte.

La procédure met en cause l'acquisition par ces chefs d'Etat en France d'un imposant patrimoine d'immeubles et de voitures de luxe, au détriment du budget de leur pays (Le Monde du 1er février 2008).

Cette plainte avec constitution de partie civile avait été déposée le 2 décembre 2008 par la section française de l'organisation non gouvernementale (ONG) Transparency international (TI), et par un contribuable gabonais. Sa recevabilité supposait l'existence d'un " intérêt à agir " des plaignants. La juge a estimé que cette exigence était satisfaite s'agissant de TI dont l'objet d'" engager toutes actions ayant pour effet de (...) lutter contre les pratiques illégales - et - toutes formes de corruption ". En revanche, elle a déclaré irrecevable la plainte déposé par Gregory Ngbwa Mintsa, un ressortissant gabonais qui estimait avoir été lésé en tant que contribuable par les détournements attribués au président Bongo.

Cette décision, qualifiée d'" historique " par Daniel Lebègue, président de TI-France, a été rendue contre l'avis du Parquet de Paris. Dans une note adressée le 8 avril à la juge d'instruction, le procureur de la République estimait que l'ONG ne pouvait justifier d'un " préjudice personnel et direct " liés aux agissements qu'elle entend dénoncer. Il estimait que l'association " ne saurait être directement et spécialement touchée par - ces - faits, eux-mêmes peu circonscrits ".

LA FIN DE L'IMPUNITÉ

La juge a préféré donner raison à William Bourdon, l'avocat de TI qui, dans une note en réplique, avait souligné la tendance de la Cour de cassation à reconnaître plus extensivement le droit des associations à se porter partie civile. Il avait ainsi plaidé l'existence d'une " corrélation extrêmement étroite entre les faits dénoncés - communément qualifiés de - grande corruption internationale, et l'objet de l'association ".

C'est la première fois que la justice reconnaît la légitimité d'une action pénale diligentée par une association contre des chefs d'Etat en exercice pour des faits de corruption, soulignent les auteurs de la plainte. M. Lebègue salue " le début de la fin de l'impunité " et rappelle son but ultime : obtenir la " restitution des avoirs volés " aux populations privées de soins ou d'écoles du fait des détournements présumés. On en est loin. La décision rendue mardi est soumise à l'appel du Parquet.

Philippe Bernard

© Le Monde

05/05/2009

Le président nigérien ouvre la voie du dialogue avec la rébellion touareg


6 mai 2009

Pour la première fois depuis 2007, Mamadou Tandja a rencontré les groupes insurgés





Au dernier moment, le président nigérien, Mamadou Tandja, a modifié sa liste d'invités à la cérémonie marquant, lundi 4 mai, la pose de la première pierre de la mine géante d'uranium d'Imouraren, dans le nord désertique du pays. Dans l'assemblée, aux côtés des officiels nigériens, du ministre français de la coopération, Alain Joyandet, et d'Anne Lauvergeon, la présidente du directoire du groupe nucléaire Areva exploitant la mine, figuraient en effet des chefs de la rébellion touarègue.

La présence de ces invités surprise - qualifiés jusqu'à récemment encore de " bandits " et de " trafiquants de drogue " par le président Tandja - porte l'espoir d'un règlement de paix dans le nord où des groupes touaregs luttent à nouveau contre le régime de Niamey. La veille des festivités d'Imourarem, le président avait rencontré, à Agadez, les représentants du Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ), du Front des forces de redressement (FFR) et du Front patriotique nigérien (FPN), les trois principaux mouvements rebelles touaregs.

Le président Tandja est sorti " satisfait " de " ce contact " avec ceux qu'il appelle dorénavant " les enfants du Niger ". " Nous leur avons réitéré notre position : déposer les armes et rejoindre le bercail pour mener avec nous le combat du développement. Je crois qu'il y a une entente ", a-t-il expliqué.

Jusqu'à ce jour le chef de l'Etat refusait obstinément tout contact avec ces groupes capables de mobiliser plusieurs milliers d'hommes évoluant dans l'immensité hostile de l'espace sahélien. Les insurgés réclament le respect des accords de paix de 1995 prévoyant notamment une meilleure répartition des richesses minières exploitées dans le nord. Plus de 300 rebelles et 80 militaires ont été tués depuis la reprise des combats début 2007. Mais lundi, le colonel Maikido, chef d'état-major adjoint de l'armée de terre et grand artisan de la lutte anti-insurectionnelle, pensait " que la paix est sur les rails ".

" Le changement d'attitude du président est louable mais ce n'est qu'un premier pas ", avertit cependant Mohammed Ewangaye, vétéran de la première génération de rebelles touaregs du Niger post-colonial au début des années 1990. " Aucun problème de fond concernant les conditions d'un désarmement ou le règlement des problèmes politiques n'a encore été abordé ", nous explique-t-il au téléphone depuis Niamey. " Aucun calendrier n'a été établi ", confirme Saïdou Kaocen Maïga, délégué du FFR, cité par Radio France Internationale.

Mohammed Ewangaye se demande notamment si la démarche conciliatrice du président Tandja dépasse le " double coup médiatique ". A savoir, apparaître comme un dirigeant responsable auprès de la France, l'ancienne puissance coloniale, et d'Areva, soucieux d'une sécurité durable dans cette zone minière stratégique ; et un homme de paix auprès de son opinion publique alors qu'il n'exclut plus de briguer un troisième mandat fin 2009.

Lundi, dans une mise en scène simulant la spontanéité d'un soutien populaire, un griot hurlait : " Que le président reste ! " Quelques minutes plus tard, le chef de l'Etat annonçait sa volonté d'organiser un référendum modifiant la Constitution afin de l'autoriser à se représenter. " Parce que le peuple demande que je reste ", a-t-il expliqué, levant ainsi des mois d'incertitude.

Les Touaregs doutent aussi de la sincérité des initiatives lancées depuis des mois par le colonel Khadafi avec lequel les Touaregs entretiennent des relations compliquées. " Faute de médiation internationale, l'implication libyenne n'est qu'un mal nécessaire ", résume Mohammed Ewangaye. Mais il soupçonne le guide libyen de " prendre une posture de médiateur parce qu'il préside actuellement l'Union africaine ". Lundi, les autorités nigériennes ont remis à l'ambassadeur de Libye un chameau pour le colonel Khadafi, en remerciement de ses " efforts de paix ".

Christophe Châtelot et Jean-Michel Bezat (à Imourarem)
© Le Monde