22/12/2010

Tourisme : Une randonnée au Sahara, envers et contre tout


23 décembre 2010
Face aux mises en garde du Quai d'Orsay concernant certains pays d'Afrique, des voyagistes imaginent des destinations inédites
 Randonnée à dos de chameau à Tataouine, dans le sud Tunisien.
Où partir cet hiver si on aime marcher dans le désert ? La question, au moment où le ministère des affaires étrangères cherche à dissuader les voyages dans la plupart des pays du Sahara, est moins futile qu'elle ne le paraît. En septembre 2009, l'enlèvement dans le nord du Niger de sept personnes travaillant pour le groupe industriel français Areva, revendiqué par l'organisation Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), a déclenché l'alarme.
Le Niger, mais aussi la Mauritanie, l'Algérie et une partie du Mali ont été placés en " zone rouge ", c'est-à-dire fortement déconseillée par le quai d'Orsay. Tant pis pour les 50 000 à 100 000 voyageurs qui effectuent, chaque année, une " randonnée chamelière " : un circuit à pied accompagné de chameaux transportant les vivres. Privés de désert, ils ont renoncé aux sables de Chinguetti (Mauritanie) et aux rocailles du Hoggar, dans le Sud algérien.
Sur place, les conséquences sont parfois dramatiques. Il y a un an exactement, la compagnie Point Afrique inaugurait en grande pompe, avec 150 invités venus de France, un vol direct entre Paris et Timimoun, une oasis située en plein centre de l'Algérie. Aujourd'hui, les vols ont été suspendus et la petite ville a retrouvé sa torpeur, plongeant hôteliers, guides et chameliers dans l'inactivité.
Tamanrasset, plus au sud, ne mise que sur la clientèle locale, " Algériens ou expatriés vivant à Alger ", témoigne Nicolas Loizillon, conseiller de l'agence Akar-Akar.
La malédiction frappe aussi le port de Mopti, sur le fleuve Niger, au Mali, et atteint le pays dogon, qui concentre, en temps normal, 80 % du tourisme malien. Dans cette région - marquée en orange (" déconseillée sauf raisons impérieuses ") par le Quai d'Orsay depuis la mi-novembre -, " on ne court aucun danger, par plus que dans l'Adrar, en Mauritanie ", affirme pourtant Maurice Freund, fondateur de Point Afrique.
Afin de surmonter la peur des voyageurs et de leur entourage, la compagnie proposait, voici quelques semaines, des vols Paris-Mopti au prix concurrentiel de 99 euros l'aller. Sans aucun succès. " Ça m'a rapporté quatre clients ", lâche le voyagiste.
Seuls quelques habitués bravent les interdits. Anne-Marie Yeromonahos, une voyageuse francilienne qui ne saurait vivre sans sa " dose de désert " annuelle, passera la semaine du Nouvel An en Mauritanie. " Si les voyageurs anonymes cèdent à un excessif principe de précaution, les Sahariens seront les premières victimes ", affirme-t-elle, en ajoutant que le voyage dans ces pays menacés constituerait " un moyen de combattre le terrorisme ".
D'autres touristes, moins conscients ou plus craintifs, se rabattent vers des destinations considérées comme sûres. L'Egypte, où le tourisme constitue un produit à haute valeur ajoutée, en profite pour vanter son " désert blanc ". Située à cinq heures de route au sud-ouest du Caire, cette petite région réserve " des paysages tout à fait originaux, faits de pitons de craie qui rappellent un musée d'art moderne ", assure Thierry Laprévote, fondateur de l'agence de voyages Zig-Zag à Paris. La destination, assure le spécialiste, " attire des centaines de personnes, soit le double de l'an dernier ", au point d'obliger les voyagistes à une logistique complexe, car " la région compte peu de chameaux ".
La Tunisie et le Maroc, bien que peu réputés pour le tourisme de désert, redeviennent attrayants. Le Sud marocain constitue, cet hiver, la première destination vendue par l'agence La Balaguère. La Tunisie souffre certes " de son image de destination de masse, mais on y trouve, loin des lieux fréquentés, de grandes dunes propices à la réflexion intérieure ", détaille Elisabeth Verret, fondatrice de l'association L'Ami du vent, un voyagiste spécialisé situé à Thionville (Moselle). Au Moyen-Orient, le Wadi Rum (Jordanie) et le sultanat d'Oman bénéficient également du report d'une partie de la clientèle saharienne. Toutefois, pour Christophe Leservoisier, fondateur du tour-opérateur lyonnais Atalante, " seul le Sahara offre à la fois la beauté des paysages et la saveur des rencontres denses avec des nomades ".
Tablant sur cette passion des Français pour le Sahara, M. Freund ouvrira, en février 2011, une ligne aérienne entre Paris et Faya-Largeau, au nord du Tchad. Le massif de l'Ennedi, avec ses " tassilis remarquables et ses arches de 30 mètres de haut ", réunit, selon lui, " toutes les conditions " pour satisfaire les marcheurs, qui doivent jusqu'à présent atterrir à N'Djamena puis rouler trois jours sur de redoutables pistes avant d'atteindre le lieu de randonnée. La menace terroriste favorise aussi la conversion touristique de la riche Libye, désireuse de ne plus compter sur les seuls revenus du pétrole.
" On sent une augmentation de la clientèle touristique ", admet Najoua Mahmoud, responsable de la compagnie libyenne Afriqiyah Airways à Paris. Le désert libyen, boudé par les Français au lendemain de la visite de Mouammar Kadhafi à Paris, fin 2007, redevient tendance, malgré l'obligation de se faire accompagner d'un détachement de la " police touristique " au service du colonel. Car, en Libye comme en Tunisie ou en Egypte, la dictature " présente au moins l'avantage de permettre une protection des touristes ", estime Mme Verret, de L'Ami du vent.
Olivier Razemon
© Le Monde

14/12/2010

SOLUTIONS LOCALES POUR UN DESORDRE GLOBAL

« Les films d'alertes et catastrophistes ont été tournés, ils ont eu leur utilité, mais maintenant il faut montrer qu'il existe des solutions, faire entendre les réflexions des paysans, des philosophes et économistes qui, tout en expliquant pourquoi notre modèle de société s'est embourbé dans la crise écologique, financière et politique que nous connaissons, inventent et expérimentent des alternatives. »
Coline Serreau

Dépassant la simple dénonciation d'un système agricole perverti par une volonté de croissance irraisonnée, Coline Serreau nous invite dans « Solutions locales pour un désordre global » à découvrir de nouveaux systèmes de production agricole, des pratiques qui fonctionnent, réparent les dégâts et proposent une vie et une santé améliorées en garantissant une sécurité alimentaire pérenne.

Caméra au poing, Coline Serreau a parcouru le monde pendant près de trois ans à la rencontre de femmes et d'hommes de terrain, penseurs et économistes, qui expérimentent localement, avec succès, des solutions pour panser les plaies d'une terre trop longtemps maltraitée.
Pierre Rabhi, Claude et Lydia Bourguignon, les paysans sans terre du Brésil, Kokopelli en Inde, M. Antoniets en Ukraine... tour à tour drôles et émouvants, combatifs et inspirés, ils sont ces résistants, ces amoureux de la terre, dont  le documentaire de Coline Serreau porte la voix.

Cette série d'entretiens d'une incroyable concordance prouve un autre possible : une réponse concrète aux défis écologiques et plus largement à la crise de civilisation que nous traversons.

 


Pour acheter le DVD vous pouvez aller sur le site des Editions Montparnasse.

13/12/2010

Energie et Climat, la fin de l'âge d'or


Jean-Marc JANCOVICI donne des conférences très intéressantes sur l'énergie et le climat.
Je vous conseille de naviguer sur son site internet : http://www.manicore.com et de regarder la conférence de Jean-Marc Jancovici chez SPIE en mars 2008, illustrée d'un diaporama sur : http://storage02.brainsonic.com/customers2/entrecom/20080227_Spie/session_1_fr_new/files/index.html


Vous pouvez aussi télécharger le diaporama au format ppt en cliquant ici.


11/12/2010

Optimisme après l'accord sur le climat à Cancun

     
12 décembre 2010
Cancun (Mexique) Envoyé spécial
Les pays émergents ont joué un rôle moteur dans le succès de la conférence des Nations unies


Un accord presque unanime et relativement ambitieux était sur le point d'être conclu à Cancun, samedi 11 décembre à 2 heures du matin, alors que s'achevait la conférence des Nations unies sur le climat. La conférence de Cancun aura donc rempli son objectif, celui de traduire dans un " paquet équilibré " de décisions onusiennes, l'accord de Copenhague, adopté en 2009 par une majorité de chefs d'Etat mais non approuvé à l'époque par la conférence.
Après deux semaines d'une négociation souvent tendue, plusieurs fois bloquée, ce succès permet de créer la boîte à outils de la lutte contre le changement climatique, de remettre la négociation climat sur les rails et par là-même de sauver le processus onusien.
Un seul pays, la Bolivie, s'opposait encore au document, dans la nuit de vendredi à samedi. " Nous ne pouvons pas accepter ce texte qui revient à augmenter la température moyenne de plus de 4°C ", a dénoncé le chef de la délégation bolivienne, Pablo Solon, trop isolé pour être entendu.
" Cette proposition est équilibrée, tous les éléments sont présents d'une manière ou d'une autre, je ne vois pas pourquoi nous perdrions plus de temps à discuter des détails ", a répliqué le représentant des Maldives. Même l'envoyé spécial des Etats-Unis, Todd Stern, a approuvé sans conditions un texte qu'il a qualifié de " bonne base pour avancer ", tandis que le représentant chinois, Xie Zhenhua, se déclarait " satisfait ".
Comment en est-on arrivé à une telle unanimité, après dix jours de guerre de tranchées entre des positions apparemment irréconciliables ? Par un tour de magie doublé d'un coup de poker.
La magie, c'est celle des " formules ambiguës " suffisamment habiles pour satisfaire l'ensemble des parties sans vider le document de son ambition. C'est ce sens de la formule qui a permis de maintenir dans le texte l'objectif d'une deuxième période d'engagement du protocole de Kyoto, une condition exigée par les pays en développement, alors même que le Japon, rejoint par la Russie, avait fermé l'horizon de la conférence en refusant, dès les premiers jours, cette perspective.
Le coup de poker est celui, risqué, qu'a joué la présidente de la conférence, la ministre mexicaine des affaires étrangères, Patricia Espinosa, vendredi, pour sortir les négociations de l'impasse, alors qu'une première nuit d'intenses tractations n'avait pas permis aux négociateurs de finaliser des textes consensuels sur les différents chapitres du futur accord.
Tandis que le temps semblait s'être figé dans le décor luxueux du Moon Palace, la présidente, enfermée dans son bureau, a convoqué toute la journée les acteurs de la négociation pour forcer le compromis, sans que personne ne sache ce qu'il en sortirait. Ce n'est qu'à 17 heures que le texte sera finalement distribué, provoquant une belle bousculade... et une vraie surprise.
Alors que les derniers documents sur la table étaient encore truffés d'options, Mme Espinosa a décidé de rédiger une proposition d'accord achevé, sans plus aucun choix à trancher. Une stratégie du quitte ou double qui s'est révélée payante, tant la plupart des délégations craignaient par-dessus tout un nouvel échec, après la déroute de Copenhague en 2009. A 18 heures, c'est par une standing ovation que les centaines de délégués réunis en assemblée plénière ont accueilli la Mexicaine, émue aux larmes et visiblement épuisée.
Le feu d'artifice consensuel des dernières heures masque une profonde recomposition des forces. Divisés sur le protocole de Kyoto, les pays industrialisés se sont révélés incapables de prendre le moindre leadership dans la négociation. " Le vieux monde est mort à Copenhague. On a vu à Cancun les pays émergents devenir une véritable force de proposition ; même le groupe africain a réussi à parler d'une seule voix pour la première fois ", analyse Laurence Tubiana, la directrice de l'Institut du développement durable et des relations internationales.
Sur les points les plus conflictuels, les compromis décisifs sont venus de l'Inde - dont le ministre indien de l'environnement, Jairam Ramesh, restera l'un des acteurs clés de cette négociation -, du Brésil et de la Chine. En face, l'Europe a donné l'image d'une diplomatie paralysée par le processus communautaire, tandis que les Etats-Unis, dénués de marge de manoeuvre depuis la victoire des républicains aux élections de mi-mandat, restaient sourds à tout rapprochement. Ce constat présage de futures difficultés pour la prochaine conférence à Durban, en 2011, quand il s'agira de donner un contenu détaillé au cadre général approuvé à Cancun.
Grégoire Allix
© Le Monde

Les bases d'un futur traité sur le changement climatique se dessinent

Cancun (Mexique) Envoyé spécial
Le texte qu'ont réussi à élaborer les diplomates rassemblés à Cancun (Mexique) représente une avancée réelle dans la mobilisation internationale contre le changement climatique. Un an après l'échec de Copenhague, les négociateurs ont fait mentir ceux qui jugeaient que les Nations unies étaient disqualifiées. Au contraire, et notamment grâce à l'attitude très ouverte et transparente de la présidence mexicaine, le processus s'est révélé adéquat pour parvenir à une décision commune et substantielle. Il est relégitimé, et pourra donner sa mesure à Durban (Afrique du Sud), fin 2011, lorsqu'il s'agira de mettre au point un nouveau traité sur le changement climatique.
Les bases de ce traité sont posées dans la décision de Cancun. En premier lieu, celle-ci intègre l'objectif de limiter le réchauffement planétaire à 2 °C par rapport à l'époque préindustrielle : si cette référence avait déjà été acceptée par les pays du G8, elle ne l'avait pas été par les grands pays émergents, jusqu'à l'accord de Copenhague. Le principal acquis de celui-ci était justement de leur faire accepter ce point, qui implique une limitation des émissions globales dans les prochaines décennies. Comme l'effort des pays riches ne suffira pas à atteindre l'objectif, ce seuil de 2 °C implique que les pays émergents devront, eux aussi, s'engager à limiter leurs émissions.
La décision de Cancun prépare cette limitation, en affirmant que les pays en développement mèneront des actions de façon à infléchir la tendance à la hausse des émissions. Ces actions - comme celles prises par les pays développés - seront inventoriées par le secrétariat de la Convention. Une procédure de " contrôle et de vérification " sera instaurée, sur la base de la proposition du ministre indien de l'environnement, Jairam Ramesh : les rapports d'action présentés par les pays seront analysés par des experts indépendants, d'une façon " non intrusive, non punitive et respectant la souveraineté nationale ". Cette proposition a été un des éléments du succès de Cancun en recueillant le soutien de la Chine, pour qui cette question de contrôle était très sensible.
Continuité
Ce pas majeur des pays en voie de développement vient en contrepartie de la satisfaction de deux de leurs exigences. D'une part, la légitimité du protocole de Kyoto est réaffirmée - une revendication essentielle, parce que le protocole, en engageant les pays industrialisés à une réduction nette de leurs émissions, marque la différence de responsabilité entre les deux groupes. Mais la décision de Cancun vise à assurer la continuité entre la première période du protocole - qui s'achève en 2012 - et la période suivante, il n'y a pas d'engagement formel. La plaie est soulagée, elle n'est pas guérie.
D'autre part, la création d'un " Fonds vert du climat ", doté de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020, est actée. Sa gouvernance sera assurée par un bureau de 24 membres composé à parité par des représentants des pays riches et des pays en développement. La gestion technique du Fonds sera assurée par la Banque mondiale. La nécessité d'engager 30 milliards de dollars (23 milliards d'euros) d'ici à 2012 est réaffirmée.
La décision de Cancun comporte d'autres volets sur l'adaptation au changement climatique, le transfert de technologie propre, et la déforestation. Sur ce point, il entérine des mesures discutées depuis plusieurs années. A la demande de la Bolivie, elles n'évoquent pas les mécanismes de marché comme possible mode de financement.
Le texte posé par la ministre mexicaine Patricia Espinosa est étonnamment substantiel. Son adoption manifeste la relance du dialogue climatique après le chaos de Copenhague. Un traité sur le climat, unissant la communauté internationale, devient un horizon crédible pour Durban.
Hervé Kempf
© Le Monde

09/12/2010

La Chine en Afrique : une menace et des mésaventures


10 décembre 2010
L'appétit du géant asiatique pour les matières premières africaines inquiète les Etats-Unis. Mais le forcing de Pékin rencontre parfois des obstacles
Au cours des cinq dernières années, Washington a pris conscience que l'envergure de la politique africaine du gouvernement chinois, destinée notamment à garantir l'accès aux ressources du continent noir, est devenue une menace pour ses propres intérêts. Rien d'étonnant que les diplomates américains suivent avec attention certains dossiers liés à la présence chinoise en Afrique, et tentent de voir plus clair dans la politique de Pékin, même lorsqu'il s'agit d'une affaire de corruption.
Le Kenya en fournit un exemple. L'ambassade américaine décortique, selon les télégrammes diplomatiques obtenus par WikiLeaks et révélés par Le Monde, un cas de pot-de-vin versé lors d'une attribution de marché de la compagnie de téléphone Telkom Kenya à une entreprise chinoise, Zhongxing Telecommunications Equipment Company (ZTE) - dont les produits envahissent l'Afrique - dans le cadre d'un marché d'équipement des services de renseignement, le NSIS.
Pour les diplomates, l'attribution du marché repose sur un " pot-de-vin ", qui a " conduit Telkom à attribuer ce marché - à ZTE - après y avoir été contrainte " par le directeur général du NSIS, Michael Gichangi, et le directeur de la division des opérations, Joseph Kamau. " La préférence de Gichangi pour ZTE est basée sur une commission reçue au cours d'un voyage en Chine. Kamau a reçu des paiements mensuels de 5 000 dollars - 3 800 euros - de ZTE, utilisés pour payer des factures médicales. "
" Plus important partenaire "
Puis l'auteur du télégramme passe à d'autres aspects de la présence chinoise, notamment le fait que le pays est " submergé " par de la " contrefaçon chinoise " qui concurrence des produits américains, tandis que des masses de travailleurs chinois arrivent au Kenya et menacent l'emploi dans le pays.
Au Nigeria, les ambitions de la Chine intéressent et inquiètent beaucoup plus. Le pays est le premier fournisseur africain de pétrole de la Chine, et pour Pékin, il s'agit d'y " sécuriser " la continuité de ses approvisionnements pétroliers. Pour cela, tous les moyens sont bons, selon les diplomates américains, qui voient avec effarement qu'en 2004 la Chine " a promis de financer le creusement de près de 600 puits " au Nigeria, tandis que les Etats-Unis n'en " finançaient que 50 ".
L'auteur du télégramme relève qu'à une réception à l'ambassade de Chine un ministre nigérian a qualifié le pays de ses hôtes de " plus important partenaire de l'Afrique ".
De même, les diplomates américains scrutent les activités de la Chine en Angola, riche de ses ressources pétrolières et minières. L'Angola est le premier pays d'Afrique où Pékin a mis en oeuvre une formule associant des déboursements de gros montants (des milliards de dollars) à des travaux de grande ampleur dans les infrastructures et des remboursements garantis par des livraisons de matières premières. Un télégramme décrit comment, après la fin de la guerre civile qui avait dévasté le pays, " en l'absence de bailleurs de fonds occidentaux pour l'aider à financer sa reconstruction, l'Angola s'est tourné vers les Chinois ".
Le financement chinois s'est matérialisé par une ligne de crédit de 4 milliards de dollars auprès de la Eximbank chinoise, garantie sur du pétrole. Ce n'est qu'une première étape. Des " rapports non confirmés font état d'une ligne de crédit supplémentaire de 4 à 6 milliards de dollars ", s'inquiète l'auteur d'un télégramme, qui relève cependant quelques difficultés : ce second afflux de milliards doit être financé par un fonds d'investissement basé à Hongkong, le China Investment Fund (CIF), une structure opaque. Dans un premier temps, l'ambassade " doute que - ce projet - attire suffisamment d'investisseurs chinois dans le secteur des infrastructures ".
Peu à peu se dessine une série de ratés dans la machine des financements de Pékin. " Le rythme endiablé des engagements chinois en Angola s'est considérablement ralenti en 2009 quand la crise financière globale a taillé dans les revenus du pétrole et des diamants angolais, entraînant des réductions des dépenses du gouvernement angolais. Selon l'ambassadeur chinois à Luanda, la Chine a été obligée de rapatrier plus de 25 000 travailleurs(...)faute d'argent du gouvernement angolais pour les payer. "
Est-ce en raison de ces difficultés que les relations entre diplomates chinois et américains à Luanda semblent s'améliorer au fil du temps ? En 2008, les deux ambassadeurs tentent d'identifier des projets communs, bien qu'un peu limités dans leurs efforts par le fait que le Chinois " ne parle ni portugais ni anglais, et juste un peu d'espagnol ".
Projets de coopération
L'année suivante, les relations diplomatiques sino-américaines en Angola continuent de se réchauffer. En janvier, un responsable de l'ambassade chinoise fait part de ses doutes au sujet d'une nouvelle tranche de financements chinois. Le " nombre à un chiffre de milliards - de dollars - " susceptibles d'être déboursés ne sera plus garanti sur des livraisons de pétrole mais nécessitera un engagement direct du gouvernement angolais. Continuer à garantir des prêts sur des livraisons de brut " serait trop humiliant pour l'Angola ", estime-t-il.
Lors d'une visite récente en Chine, le président angolais, Eduardo Dos Santos, a fait part des besoins courants de son pays en matière de financements chinois : " 12 milliards supplémentaires ". Le diplomate chinois estime que son pays ne pourra pas faire face aux " besoins de l'Angola ".
Au final, pourquoi la Chine et les Etats-Unis ne s'associeraient-ils pas dans des projets de coopération en Angola ? On envisage de chercher des pistes dans les secteurs de l'agriculture ou la santé. " Il est important que les Angolais et d'autres observateurs de l'Afrique puissent voir comment nos deux pays peuvent coopérer dans le cadre d'une vision pour un Angola meilleur ", conclut diplomatiquement l'auteur du télégramme.
Jean-Philippe Rémy
© Le Monde