18/02/2010

Inquiétudes sur le sort de l'otage français détenu par des islamistes dans le nord du Mali


19 février 2010

Les mauvaises relations entre Alger et Paris ne facilitent pas la libération de Pierre Camatte

Le sort de Pierre Camatte, l'otage français détenu quelque part dans le nord du Mali par la branche maghrébine d'Al-Qaida (AQMI), reste suspendu à des tractations qui, outre Bamako, impliquent Paris et Alger.

Les ravisseurs du Français ont fixé au samedi 20 février la nouvelle date butoir pour trouver un accord conduisant à sa libération, faute de quoi ils menacent de l'exécuter.

Travaillant pour une organisation non gouvernementale (ONG) engagée dans l'aide au développement, M. Camatte, 61 ans, aurait été enlevé, le 26 novembre 2009, par les habitants d'une localité du nord du Mali, des Touaregs, avant d'être remis à un groupe de l'AQMI actif dans la bande sahélienne.

A la mi-janvier, sept semaines après l'enlèvement, le groupe islamiste avait demandé à l'opinion publique française de " faire pression sur le gouvernement Sarkozy pour l'empêcher de commettre la même bêtise que Gordon Brown - le premier ministre britannique - contre ses citoyens ". La phrase faisait référence à l'exécution six mois auparavant par ce même groupe d'un touriste britannique après le refus de Londres de céder au chantage.

Cette fois, outre une rançon, les ravisseurs exigent la libération de quatre islamistes incarcérés au Mali : un Burkinabé, deux Mauritaniens et un Algérien.

Le refus de Bamako

Depuis, l'ultimatum, initialement fixé au 31 janvier, a été repoussé au 20 février sur fond de tractations conduites par des négociateurs maliens qui se trouvent dans le nord du pays.

Les discussions butent sur l'élargissement des " combattants islamistes " détenus au Mali. Bamako refuse de les libérer. " Nous vivons dans un environnement où il y a des règles en matière de sécurité, de lutte contre le terrorisme. Il faut les respecter. C'est ce que fait le Mali en refusant de libérer les terroristes ", faisait valoir, il y a quelques jours, une source malienne anonyme citée par l'Agence France-Presse.

Les propos visaient les autorités françaises, partie prenante dans l'affaire. Bernard Kouchner, le ministre des affaires étrangères, a fait à deux reprises un déplacement éclairs à Bamako au cours desquels il s'est entretenu avec le président malien, Amadou Toumani Touré. Le dernier remonte au samedi 13 février. M. Kouchner était accompagné ce jour-là du secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant.

Paris veut que Bamako libère les quatre terroristes en échange de M. Camatte. Mais, à un moment où les relations entre Paris et Alger traversent une crise, la France doit compter avec l'Algérie, pays voisin du Mali et acteur de poids dans la région. L'armée algérienne fournit des véhicules, du carburant et des armes à son homologue malienne.

Or les autorités algériennes refusent de voir libérer celui des quatre islamistes incarcérés qui a la nationalité algérienne. Pour une raison simple : l'homme, selon une source proche du président algérien, Abdelaziz Bouteflika, a été jugé et condamné à mort par contumace par la justice algérienne pour sa participation aux attentats-suicides d'avril 2007 perpétrés au coeur de la capitale algérienne (plusieurs dizaines de morts). Alger a demandé à Bamako son extradition.

" L'Algérie pourrait accepter son placement en résidence surveillée au Mali ", nuance la même source Et d'ajouter : " Encore faudrait-il que le président Sarkozy prenne la peine d'en parler avec M. Bouteflika. Et que M. Kouchner, avant de se rendre à Bamako, passe par Alger. "

Philippe Bernard et Jean-Pierre Tuquoi

© Le Monde

L'essor de l'élevage, une menace pour la planète



19 février 2010






Dans son rapport 2009, la FAO souligne les conséquences dramatiques des nouvelles habitudes alimentaires

La consommation mondiale d'aliments issus de l'élevage (viande, oeufs, produits laitiers) progresse à une vitesse vertigineuse. Aujourd'hui, par exemple, un Chinois mange en moyenne 59,5 kg de viande par an, contre 13,7 kg en 1980. Il a aussi multiplié sa consommation de produits laitiers par dix sur la même période, à 23,2 kg !

Cette expansion soutenue ne va pas sans poser une multitude de défis, estime le rapport annuel sur " La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture ", publiée, jeudi 18 février, par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) : " La croissance rapide du secteur de l'élevage (...) a engendré des risques systémiques qui pourraient avoir des conséquences catastrophiques pour les moyens de subsistance, ainsi que pour la santé humaine et animale et pour l'environnement. "

C'est la première fois, depuis 1982, que la FAO décide de consacrer le thème-clé de son principal rapport annuel à l'élevage. L'enjeu est donc bien de taille.

Le phénomène est planétaire. Dès lors que le niveau de vie moyen augmente, les modes de consommation alimentaire changent en profondeur. Les régimes à base de céréales, tubercules et autres racines sont complétés par des produits issus de l'élevage.

Dans les pays en développement, à l'exception de l'Afrique subsaharienne, la consommation de lait a presque doublé depuis les années 1960, celle de viande triplé, tandis que celle d'oeufs a quintuplé.

Dans les pays développés, les habitants mangent, eux aussi, toujours plus d'aliments issus de l'élevage, même si cette croissance s'est fortement tassée. La consommation de viande y est passée de 76,3 kg par personne, en 1980, à 82,1 kg aujourd'hui.

Les fréquents appels à manger moins de viande au nom de l'environnement, comme celui lancé en décembre 2009 par l'ancien Beatles, Paul McCartney, n'ont pas encore inversé la tendance au sein de la plupart des pays les plus riches.

Pour répondre à cet appétit et à l'accroissement démographique de la planète, qui devrait compter 9 milliards d'habitants en 2050, le nombre de bovins devrait passer de 1,5 à 2,6 milliards de têtes et celui des ovins de 1,7 à 2,7 milliards d'individus d'ici à quarante ans, selon l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI).

Si l'abus des produits issus de l'élevage peut favoriser l'obésité ou le développement de maladies cardio-vasculaires, ces nouveaux régimes alimentaires gardent toutefois un impact positif sur la santé des individus, selon la FAO : ces denrées sont une " excellente source de protéines de haute qualité, de micronutriments essentiels comme la vitamine B, et d'oligo-élements cruciaux comme le fer ou le zinc ".

Or aujourd'hui, 4 à 5 milliards de personnes souffrent dans le monde de carences en fer, avec parfois des conséquences dramatiques sur les femmes enceintes ou sur la croissance des enfants.

Pour autant, ces nouvelles habitudes alimentaires comportent des risques majeurs. A commencer par de très lourds enjeux économiques, car près de un milliard de personnes vivent de l'élevage dans les pays en développement. Or les nouveaux comportements pour se nourrir s'accompagnent d'une mutation en profondeur des modes de production : les petites exploitations qui survivent avec quelques volailles, porcs ou vaches, sont remplacées par des entités spécialisées sur un seul produit, qui pratiquent un élevage intensif à grande échelle, et se montrent donc bien plus compétitives.

Ce modèle, largement développé au Brésil, en Chine ou en Thaïlande, est appelé à se propager à l'ensemble de la planète. Mais, comme le note la FAO, " lorsque la transition est extrêmement rapide, (...) les implications pour la pauvreté et la sécurité alimentaire peuvent se révéler dramatiques et justifier l'intervention publique ".

Et l'agence des Nations unies d'appeler les Etats à favoriser l'intégration de certains exploitants à des coopératives, gage en principe d'une plus grande compétitivité et d'une meilleure valorisation de leurs produits. Cela ne suffira pas. Il faudra aussi favoriser la reconversion professionnelle de beaucoup d'autres, car " la plupart des petits éleveurs finiront par quitter le secteur ".

Autre risque majeur engendré par ces nouvelles habitudes alimentaires : le coût environnemental. Les chiffres sont accablants : l'élevage est responsable, aujourd'hui, de 18 % des émissions totales de gaz à effet de serre (davantage que les transports) ; est à l'origine de 8 % de la consommation mondiale annuelle d'eau, et occupe près de 80 % de la superficie agricole de la planète, entre les zones de pâturage et celles produisant l'alimentation des animaux.

Là encore, la FAO juge " nécessaire " l'intervention des pouvoirs publics, car " le secteur de l'élevage a un potentiel énorme en matière de contribution à l'atténuation " du réchauffement climatique. Et l'organisme de lister de multiples mesures pour restreindre l'impact environnemental de l'élevage : d'abord, pénaliser financièrement les abus, car " les prix actuels des terres ou de l'eau (...) ne reflètent pas la vraie valeur rare de ces ressources, ce qui entraîne leur surconsommation " ; ensuite, améliorer l'alimentation du bétail, notamment par le biais d'additifs, pour réduire les émissions de méthane ; enfin, favoriser la consommation de porc ou de poulet plutôt que de boeuf, qui consomme davantage de calories végétales pour produire une calorie animale.

Reste un défi majeur : celui de la santé publique. " Environ 75 % des nouvelles maladies qui ont affecté les humains depuis dix ans sont causées par des pathogènes provenant d'animaux ou de produits d'origine animale ", rappelle la FAO.

Or les nouvelles exploitations intensives dans les pays en développement se sont souvent implantées à proximité des centres urbains afin de limiter les transports. Autant de conditions propices à la propagation des maladies à l'homme.

D'où l'impérieuse nécessité de les relocaliser loin des villes. A cela s'ajoutent les failles béantes des systèmes publics de contrôle sanitaire des aliments, ou l'importance des marchés informels. Une nouvelle fois, la FAO en appelle aux pouvoirs publics pour prévenir et maîtriser ces risques sanitaires.

Comme pour les défis économiques et environnementaux, " une action est nécessaire à tous les niveaux : du local, en passant par le régional et le national, jusqu'à l'international ".

Clément Lacombe
© Le Monde


1,02 milliard de personnes sous-alimentées

Faim L'envolée des cours des produits agricoles entre 2006 et 2008, puis la crise économique mondiale ont fait basculer des dizaines de millions de personnes dans la sous-alimentation.

Actuellement, selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), quelque 1,02 milliard d'individus (contre 870 millions de personnes en 2005) n'ont pas un apport alimentaire suffisant pour combler leurs dépenses énergétiques journalières. Un chiffre jamais atteint jusqu'alors. Selon l'agence onusienne, la région la plus touchée est l'Asie-Pacifique, avec 642 millions de sous-alimentés, devant l'Afrique subsaharienne (265 millions de personnes).

Démographie D'ici à 2050, selon la plupart des projections, la planète devra nourrir 9 milliards de personnes, soit 34 % de bouches de plus qu'aujourd'hui.

Pour relever ce défi, la FAO a calculé qu'il faudra augmenter de 70 % les productions agricoles de la planète, et cela sans tenir compte de l'essor des biocarburants, qui vont eux aussi mobiliser des terres. Pour y parvenir, deux solutions sont préconisées : une amélioration des rendements agricoles ou un accroissement des surfaces cultivées.

06/02/2010

L'objectif de l'éducation pour tous ne sera pas atteint en 2015

7 février 2010

72 millions d'enfants ne sont pas scolarisés dans le monde. Ils seront encore 56 millions dans cinq ans, déplore l'Unesco

Sombre tableau que celui dressé par le rapport mondial de suivi sur l'éducation pour tous de l'Unesco, paru fin janvier. Avec 72 millions d'enfants encore non scolarisés, des budgets nationaux en berne et des aides bilatérales et internationales en baisse, la réalisation de l'enseignement primaire universel pour 2015, un des objectifs du Millénaire fixés par les Nations unies, est quasiment hors de portée.

" La bataille est en voie d'être perdue ", estiment les experts qui exhortent les gouvernements et les donateurs à tout faire pour éviter de " créer dans les pays les plus pauvres du monde une génération d'enfants aux chances irrémédiablement compromises par le défaut de protection de leur droit à l'éducation ".

Car si les tendances actuelles perdurent, il restera, en 2015, 56 millions d'enfants non scolarisés. Plus que tout autre, l'Afrique ainsi que tous les pays en conflit dans le monde risquent l'abandon.

Après une décennie plutôt faste, l'accès universel à l'école primaire a ralenti ces dernières années. " Depuis 1999, les taux de scolarisation en Afrique subsaharienne ont progressé cinq fois plus vite que dans les années 1990, avec des pays comme le Bénin, l'Ethiopie, le Mozambique et la Tanzanie enregistrant des progrès rapides ", note le rapport.

La qualité de l'éducation, voire l'éducation tout court, dans certaines zones rurales est cependant menacée par le manque d'enseignants : il faudrait 10,3 millions d'enseignants supplémentaires dans le monde pour atteindre l'objectif d'ici à 2015.

Différence

Derrière des moyennes parfois avantageuses, les inégalités sont criantes. En Egypte, les enfants des ménages les plus riches ont vingt-huit fois plus de chances de suivre un enseignement préscolaire que les enfants des familles les plus pauvres. Aux Philippines, on observe une différence de quatre années d'enseignement entre les foyers les plus riches et ceux les plus pauvres.

Cette différence atteint sept ans en Inde. " Les pays ne doivent plus se contenter d'améliorer leur taux moyen de scolarisation mais focaliser leurs efforts sur ces enfants les plus vulnérables ", explique Kevin Watkins, directeur général du rapport mondial, piloté par l'Unesco.

Les inégalités entre les sexes demeurent : les filles représentent encore 54 % des enfants non scolarisés. Dans 22 pays, 30 % ou plus des jeunes âgés de 17 à 22 ans ont été scolarisés pendant moins de quatre ans tandis que dans 26 autres, 20 % des jeunes de 17 à 22 ans ont été scolarisés moins de deux ans. La Turquie, par exemple, pourrait ne pas atteindre l'objectif de 100 % d'enfants à l'école primaire en raison d'inégalités subies par la communauté kurde.

Les craintes de ne pas atteindre les objectifs du millénaire fixés à Dakar sont d'autant plus élevées que le contexte de récession risque d'anéantir les fragiles succès obtenus jusque-là. L'aide actuelle - 2,7 milliards de dollars (2 milliards d'euros) - concédée aux 46 pays les plus pauvres, est très loin du compte. Selon le rapport, 11,7 milliards d'euros par an seront nécessaires pour réaliser la scolarisation pour tous. Un montant qui représente " environ 2 % des montants mobilisés pour sauver seulement quatre grandes banques des Etats-Unis et du Royaume-Uni ", note M. Watkins.

Or, en Afrique subsaharienne, " la perte potentielle de fonds " liée à la crise pourrait atteindre 4,6 milliards de dollars (près de 3, 4 milliards d'euros) en 2009 et en 2010, soit une baisse de la dépense par élève du primaire de 10 % en 2010.

Brigitte Perucca

Un reportage et un portfolio

sur une école nomade au Kenya

Sur lemonde.fr

© Le Monde

Forte inquiétude sur la sécurité alimentaire au Sahel


7 février 2010

Alerte au Sahel : dans cette région où 300 000 enfants meurent chaque année de malnutrition, la situation alimentaire, consécutive à une sécheresse persistante, suscite une forte inquiétude. Selon une note interne de deux agences onusiennes, le Programme alimentaire mondial (PAM) et l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), les productions céréalières 2009-2010 de plusieurs pays ont été sérieusement amputées : - 34 % au Tchad, - 26 % au Niger et - 10 % au Burkina Faso.

Pour le PAM et la FAO, les indicateurs disponibles révèlent " l'existence d'un risque imminent d'insécurité alimentaire élevé pour les ménages vulnérables de l'est du Sahel ". Au Niger, le gouvernement a reconnu que 20 % de la population, soit 2,7 millions de personnes, nécessite " un appui urgent dans le court et moyen terme ", soit trois fois plus que les années précédentes.

Selon une étude réalisée par Action contre la faim, le Tchad serait " très affecté ". Dans la région du Kanem, le taux de malnutrition aiguë serait de 26,9 %, très au-dessus du taux d'urgence, fixé à 15 %.
















Le manque de pluie a compromis les récoltes. Au Niger, 20 % de la population a besoin d'une aide urgente






La situation alimentaire dans le Sahel, où 300 000 enfants meurent déjà chaque année de malnutrition, suscite un nombre croissant d'inquiétudes. L'année écoulée ayant été marquée par un fort déficit pluviométrique, les productions céréalières 2009-2010 de plusieurs pays ont été sérieusement amputées : - 34 % au Tchad, - 26 % au Niger et - 10 % au Burkina Faso, selon une note interne de deux agences onusiennes, le Programme alimentaire mondial (PAM) et l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Le Mali et le Sénégal s'en sortent cependant bien mieux, avec des productions céréalières respectivement en hausse de 13 % et 7 %.

" Les indicateurs disponibles concourent à montrer l'existence d'un risque imminent d'insécurité alimentaire élevé pour les ménages vulnérables de l'est du Sahel ", jugent le PAM et la FAO. Un constat partagé, fin janvier devant des journalistes à Dakar, par le responsable Afrique de l'Ouest de l'Office d'aide humanitaire de la Commission européenne (ECHO) : " Nous sommes déjà dans ce qui ressemble à une période (...) de difficulté extrême pour les populations les plus désavantagées. "

Au Niger, un rapport gouvernemental vient d'ailleurs de reconnaître que 20 % de la population, soit 2,7 millions de personnes, nécessite " un appui urgent dans le court et moyen termes ", soit presque trois fois plus que les années précédentes. Quelque 5,1 millions d'autres Nigériens, soit 38,2 % de la population, sont " dans une situation de vulnérabilité modérée ". Une reconnaissance officielle qui représente déjà, selon plusieurs ONG, une réelle avancée : en 2005, dans les mois précédents la famine qu'avait subie le pays, Niamey avait longtemps minoré les alertes des organisations humanitaires et sous-estimé la crise.

Forte augmentation des prix

Sur le terrain, certains paysans du Niger sont ainsi déjà entrés en " période de soudure ", ce laps de temps entre l'épuisement des réserves et la nouvelle récolte. " C'est excessivement tôt, explique, sous couvert d'anonymat, un membre d'une grande ONG présent sur place. Normalement, pour les plus vulnérables, la période de soudure débute en avril-mai, pour des récoltes ayant lieu fin septembre-début octobre. " A fin décembre 2009, les stocks alimentaires de l'ensemble des ménages du pays ne leur permettaient de couvrir leurs besoins, en moyenne, que pour 2,8 mois.

En temps normal, les populations les plus vulnérables se fournissent en denrées sur les marchés locaux durant la période de soudure. Mais les prix des aliments y ont fortement augmenté récemment : sur le marché de Niamey, le kilo de mil se vendait ainsi aux alentours de 220 francs CFA fin 2009, contre environ 170 francs CFA en moyenne lors des cinq dernières années, selon FewsNet, le réseau d'alerte alimentaire des Etats-Unis.

" Face à cette situation, la population devient plus mobile et se déplace notamment vers les centres urbains pour y trouver du travail, note Olivier Longué, directeur général d'Action contre la faim Madrid, la branche de l'ONG opérant au Niger. Dans de grandes villes, les salaires les plus bas ont ainsi reculé de 10 % à 15 %. "

Si la situation est également préoccupante dans certaines régions du Mali, au nord-est du Burkina Faso, et que l'état de la Mauritanie reste flou en raison de faibles statistiques, certains jugent le Tchad " très affecté " : une étude réalisée par Action contre la faim dans la région du Kanem (est du pays) rapporte ainsi un taux de malnutrition aiguë de 26,9 %, le seuil d'urgence étant habituellement fixé à 15 %. Dans ce pays, les stocks nationaux de sécurité de mil ne s'élèvent ainsi qu'à 9 000 tonnes, soit environ un quart du niveau désiré : un montant jugé " particulièrement faible " par la FAO et le PAM.

Dans ces pays du Sahel, la situation peut toutefois être encore renversée, selon plusieurs ONG, à condition de détecter de façon précoce les personnes atteintes de malnutrition et de dégager des fonds supplémentaires pour l'aide alimentaire, ce qui permettrait aux paysans de reconstituer des stocks. Mais, comme le juge un humanitaire, " nous sommes passés de l'alerte précoce à l'alerte ".

Clément Lacombe

© Le Monde