19/12/2013

A Gao, la population dénonce les carences de l'Etat malien


 20 décembre 2013

Gao (Mali) Envoyée spéciale
L'armée française, qui finance des programmes de réhabilitation, jouit d'une bonne popularité


Cela fait trois jours qu'il souffle sur Gao. Un vent de sable qui s'insinue partout, assèche et enveloppe la ville d'une drôle de brume. Pour y échapper, ce matin-là, plusieurs militaires ont enroulé un chèche autour de leur bouche et de leur nez. Comme chaque jour, les soldats de la force française " Serval " patrouillent, en blindé et à pied, dans la ville. Ils appartiennent au 92e régiment d'infanterie de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) et sont presque au bout de leur mission de quatre mois. " Le plus délicat, c'est de rester vigilant jusqu'au bout, de ne pas se laisser piéger par l'habitude ", explique le lieutenant Thomas.
Gao, la grande cité du nord du Mali, a été libérée le 26 janvier par les forces françaises et maliennes des groupes islamistes qui l'occupaient. Aujourd'hui, la ville reste sous haute protection. Aux côtés des casques bleus de la Minusma, et de l'armée malienne, 1 400 soldats français (sur 3 000) y sont déployés. Dans les rues, dix mois après le départ des djihadistes, le soulagement est toujours palpable chez ceux qui ont subi la loi d'airain des groupes armés. Maître de la ville à partir d'avril 2012, le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) s'y était livré à de nombreuses exactions, avant de se faire chasser, en juillet 2012, par son allié du Mujao, une émanation d'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), qui avait à son tour imposé un ordre islamique implacable. " Ils frappaient les gens et voulaient nous obliger à porter ce truc-là ", raconte Ami Diallo, une marchande de fruits, en montrant un niqab.
Depuis, Gao a retrouvé un semblant de normalité. Les radios recommencent à diffuser de la musique ; l'activité économique reprend, elle aussi, progressivement. Au marché Damien-Boiteux, baptisé en hommage au premier soldat français tué au Mali, les marchandes de poisson, d'igname et d'épices se sont réinstallées.
Pourtant, la situation reste fragile. Les autorités maliennes ne sont qu'en partie revenues. Un gouverneur et un préfet sont présents à Gao, mais toutes les administrations sont loin d'avoir repris leur place. Et si une partie de la population qui avait fui la ville est rentrée, tous les déplacés ne sont pas revenus, notamment des Arabes et des Touareg qui craignaient des représailles. " Ça va mieux, confirme Mme Cissé, professeur de français, mais les gens ne se sentent pas encore totalement tranquilles. "
Déplacements risqués
Gao reste sous la menace d'actions ciblées des djihadistes qui, même s'ils sont affaiblis, conservent une capacité de nuisance. " Ce que l'on craint le plus, c'est l'action d'opportunité, comme ce qui s'est passé à Kidal avec les deux journalistes de RFI ", explique le colonel Christophe Combi, depuis le vaste camp Serval installé près de l'aéroport. Des petits groupes infiltrés dans la ville qui frappent, selon les circonstances, les symboles de l'Etat malien, ses alliés étrangers ou leurs ressortissants, avec l'aide de complicités locales. Depuis la fin de la saison des pluies, les déplacements sont plus faciles, accentuant les risques. A trois reprises, en septembre, octobre et novembre, la ville a été la cible de tirs de roquettes. " Tous tirés de la même zone, à 15-20 km, au nord de Gao ", décrit le colonel Combi. Sécuriser une agglomération est une chose, contrôler les vastes zones alentour quasi désertiques en est une autre.
Face à cet ennemi presque invisible, se rapprocher des populations est un enjeu clé pour les militaires français. " Ici, nous avons financé la rénovation de plusieurs salles ", explique ce jour-là le colonel Combi, au tribunal de Gao. Le bâtiment, à moitié détruit, avait été pillé par les occupants. Les papiers gisent encore dans la cour du bâtiment. Ces travaux permettront sa réouverture en janvier. Outre le palais de justice, Serval a participé à la réfection de l'institut de formation des maîtres et à celle d'un marché. A Radio Hanna, une station locale, c'est un don de matériel qui a été fait : des panneaux solaires et du matériel électrique. Si elles ne représentent pas des sommes colossales, ces actions civilo-militaires visent à renforcer la popularité de Serval et tisser des relations de confiance avec la population, précieuses pour obtenir des renseignements sur les mouvements suspects.
Dans les rues de Gao, la cote de popularité des militaires français reste pour le moment intacte. Pour beaucoup, Serval est synonyme de sécurité. Le mécontentement se tourne vers l'Etat malien. " Avant le conflit, 50 % des jeunes étaient au chômage ici. Aujourd'hui, c'est 90 % ", assure un habitant. En octobre, une manifestation a réuni un millier de personnes. Elles dénonçaient l'absence de l'Etat, l'insécurité, le manque d'emplois, les pénuries d'eau et d'électricité, la corruption, autant de maux qui existaient avant la crise de 2012. A Gao, les habitants espèrent beaucoup plus qu'un retour à la normale.
Charlotte Bozonnet
© Le Monde






33,6 millions d'euros accordés par le FMI
Le Fonds monétaire international a annoncé mercredi 18 décembre avoir accordé un nouveau plan d'aide de 46 millions de dollars (33,6 millions d'euros) au Mali. En échange, Bamako devra mettre en œuvre un certain nombre de réformes. Les perspectives économiques du pays (6,6 % de croissance attendue en 2014) font face à des risques liés à la production agricole et à la dépendance de l'économie vis-à-vis des cours du coton. Surtout, estime le FMI, " tout recul dans la consolidation de la paix pourrait (…) faire dérailler la reprise ".

Des soldats du 92 - sup - e - /sup - régiment d?infanterie de Clermont-Ferrand patrouillent dans une école de Gao, le 17 décembre.
PATRICK ROBERT POUR " LE MONDE "

17/10/2013

Le Fonio, ancêtre des céréales d’Afrique




dimanche 20 janvier 2013 / par Antoine Ganne

Le Fonio, de son nom scientifique Digitaria exilis (fonio blanc) ou Digitaria iburua (fonio noir), est considéré comme la céréale la plus ancienne d’Afrique. Longtemps délaissée, elle est depuis quelques années réintroduite dans la culture africaine en raison de sa croissance rapide et de ses grandes qualités nutritionnelles.

Dans la cosmogonie du peuple Dogon, au Mali, la graine de fonio, appelée põ, constitue le « germe du monde ». En couscous, beignets ou farines, le fonio est l’une des céréales les plus courantes en Afrique de l’Ouest. Elle a des vertus nutritionnelles importantes et, facile à digérer, elle est même recommandée aux diabétiques ! Pourtant sa culture a longtemps été freinée car jusqu’à l’introduction de nouvelles machines, il fallait près de deux heures pour piler deux kilos de graines. A compter du début des années 90, le fonio a connu une véritable démocratisation avec l’invention par Sanoussi Diakité, un enseignant de Dakar, du « décortiqueur ». Cette machine qui coûte environ 1000-1500 € permet d’épargner le long labeur du pilage en augmentant la productivité et le rendement à 75 kg en 2 heures.
Se contentant de sols pauvres, non fumés et adaptée aux pluviométries variables, la culture du Fonio a redémarré avec la mécanisation et le soutien financier de l’Union européenne (UE) pour le développement de la compétitivité de la filière. Cela doit permettre, en plus de l’utilisation sur les marchés locaux, de pouvoir exporter les surplus vers l’Europe ou les Etats-Unis.
La Guinée reste le premier producteur avec 222 000 tonnes, devant le Nigeria, 80 000 tonnes, le Mali, 26 000 tonnes, la Côte d’ivoire 14 000 tonnes et le Burkina Faso 9 500 tonnes. Au total, un peu moins de 500 000 hectares sont exploités.
Une céréale bien adaptée à la cuisine
Le fonio est une denrée de grande qualité au plan culinaire et diététique. Elle est plébiscitée pour ses propriétés gustatives et nutritionnelles exceptionnelles. « Plus riche que les autres graines en calcium, magnésium, zinc et manganèse, il contient également deux fois plus d’acides aminés que les autres céréales » annonce Top Santé. Très digeste, il est en outre parfaitement recommandé pour l’alimentation des enfants, des personnes âgées et pour les personnes souffrant de surpoids.
Le plus souvent consommé sous forme de couscous ou de bouillie épaisse, le fonio peut également être cuisiné en salade, beignets ou même en dessert. Le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) qui lui a même consacré un site conclut par un proverbe populaire qui résume bien son utilité : « Le fonio ne fait jamais honte à la cuisinière ».
- Découvrez quelques recettes à base de Fonio
- Lire aussi : L’Afrique et son haricot magique, le niébé

Alimentation : 842 millions d’affamés et 1,3 milliard de tonnes de nourriture jetées



10/10/2013

"Pas de développement agricole sans crédit agricole. Car le premier investisseur, c’est l’agriculteur"

Agriculture et développement rural

photo prise au Cambodge

"Pas de développement agricole sans crédit agricole. Car le premier investisseur, c’est l’agriculteur"

15/04/2012
Interview de Jean-Luc François, chef de la division Agriculture, développement rural et biodiversité de l'AFD. A l'heure où une nouvelle crise alimentaire se profile au Sahel, M. François revient avec nous sur les enjeux de la lutte contre la faim, les leviers d’actions pour répondre aux défis actuels et sur les outils mis en œuvre par l’AFD et ses équipes pour réduire l'insécurité alimentaire des pays pauvres.
Quel est l’enjeu que représente la lutte contre la faim aujourd’hui ?
La sécurité alimentaire concerne aujourd’hui toute la planète. Les désordres du monde sur les marchés agricoles, les décisions qui son prises à Bruxelles, Washington ou Pékin ont des répercussions sur le panier de la ménagère de Dakar, de Ouagadougou ou de Niamey, car elle achète des produits importés, ou des productions locales dont les prix sont influencés par les prix des marchés mondiaux. Au niveau mondial, il existe une très grande diversité des problématiques entre les pays du Nord et les pays du Sud, et parmi les pays du Sud, il y a une vraie spécificité de l’Afrique subsaharienne.
 
Face à cette situation, notre priorité à l’AFD, c’est l’agriculture, la sécurité alimentaire au sens large, mais en Afrique subsaharienne, sur laquelle il y a à la fois du potentiel et des besoins énormes. Le paradoxe de l’Afrique subsaharienne, c’est qu’elle est la partie du monde qui possède le plus de terres disponibles, le plus d’eau, une main d’œuvre abondante, mais qui voit se creuser le déficit alimentaire. Il faut corriger ce phénomène, tout d’abord à cause du déficit de la balance commerciale : pourquoi importer du riz, en Côte d’Ivoire ou au Nigéria  alors qu’on peut le produire ? D’autre part, il  existe une dynamique démographique telle, qu’il faut créer des emplois. Or l’agriculture est un secteur à très haute intensité de main d’œuvre. 

 
Quelles sont les causes des crises alimentaires sur le continent africain ?
 
Il y a deux types de causes : des causes naturelles, et des causes liées aux stratégies de développement. La bande sahélienne souffre de déficits pluviométriques fréquents, qui ont des conséquences considérables sur l’élevage et les récoltes.
 
Mais il y a d’autres parties de l’Afrique où il y a eu un déficit de politiques incitant les agriculteurs et les investisseurs à considérer l’agriculture comme un moyen de gagner sa vie, depuis des dizaines d’années.  
 
Cette année, il y a eu une crise relativement importante dans la corne de l’Afrique, qui était à l’origine liées à des causes naturelles, amplifiées par des troubles politiques. Cependant, cette zone pourrait très bien dans une vision de long terme, dans un contexte stabilisé, voir se développer l’irrigation, de nouvelles pratiques de cultures, respectant les traditions d’élevage. 
 
En ce moment, une crise se prépare au Niger et dans six autres pays d’Afrique de l’Ouest. A cela s’ajoutent les difficultés liées à la sécurité au Sahel, qui vont rendre les choses plus difficiles pour venir en aide aux populations. 
 
Il y a ensuite un problème de densité démographique, car on se trouve dans des pays où la transition démographique n’est pas encore assurée. L’urbanisation crée des clients pour les agriculteurs.
Il y a enfin des aspects de migrations, c’est pourquoi le problème de la sécurité alimentaire doit être envisagé à l’échelle sous-régionale en Afrique de l’Ouest. 
 
Si l'on ne réagit pas, la crise alimentaire pourrait être aggravée par la désertification grandissante et l'accroissement de la population africaine.
 
La lutte pour la sécurité alimentaire se limite-t-elle à l’agriculture ?
 
Si l'on raisonne de manière générale, le vrai problème c’est la pauvreté.
 
Dans certains pays riches, il y a des pauvres qui ne mangent pas suffisamment, ou mal. La planète produit sans doute suffisamment pour nourrir les habitants qu’elle porte. Si on se concentre sur l’Afrique, les pauvres sont en zone rurale. Il faut investir dans l’agriculture. En produisant plus, on peut nourir les urbains sans agraver le déficit de la balance commerciale, et on permet à des ruraux pauvres d'augmenter leurs revenus et donc de ne plus subir la faim.
 
En résumé, et du point de vue de l’Afrique, la faim reste un problème agricole. Il faut donc investir dans l’agriculture. 
 
Que signifie investir dans l’agriculture ? 
 
A l’AFD, on pense que le premier investisseur, c’est l’agriculteur. C’est lui qui investit, d’abord par son  travail, et dès qu’il le peut financièrement, en réinvestissant ses marges ou en ayant recours aux institutions de financement, microfinance ou crédit agricole... Aider des industriels à acheter son  produit à cet agriculteur un bon prix, à partager équitablement la valeur ajoutée, c’est aider l’agriculteur à investir. C’est que fait l’AFD en finançant les entreprises qui font le lien entre l’agriculteur et le marché dans le cadre de filières qui organisent les contrats entre industries et agriculteurs. et en renforçant les capacités des banques locales à faire du crédit à l’agriculture. Mais le privé ne peut pas tout. Les Etats doivent investir aussi, par exemple dans  les pistes rurales, l’irrigation, la formation et d’une façon générale dans ce qui améliore le fonctionnement des marchés, la fluidité des échanges entre villes et campagnes. C’est un autre domaine d’intervention de l’AFD. 
 

une famille d'agriculteurs au Cambodge, © Eric Beugnot, AFD
Quels sont les différents moyens d’action de l’AFD ? 
 
Un des piliers de l’action de l’AFD en Afrique de l’Ouest, c’est l’appui aux filières agro-industrielles. Ainsi, il devient possible d’organiser des relations équilibrées entre les agriculteurs, l’agro industrie et les marchés, par un système de règles et de contrats. Il faut rappeler que ces cultures d’exportation, comme les filières coton ou hévéa, que nous soutenons, n’empêchent pas les agriculteurs de cultiver des cultures vivrières. Ils peuvent même profiter des revenus qu’ils tirent de leurs exportations pour améliorer leurs exploitations vivrières. 
 
Un autre axe d’intervention important de l’AFD, c’est l’appui aux collectivités locales rurales. La dépense publique, la richesse est aujourd’hui concentrée dans les villes en Afrique. Equiper les campagnes suppose une réelle volonté politique. Il faut donc accompagner la décentralisation, en donnant les compétences à des élus locaux, et leur donner les moyens d’investir (transports, infrastructures, etc.) Le but est de rendre attractif, compétitif le territoire rural. S’y rajoutent deux dimensions : la préservation du patrimoine naturel et la sécurisation du foncier. 
 
Un des avantages remarquables de l’AFD, c’est qu’elle dispose d’une palette d’outils financiers qui lui permettent de financer l’investissement public comme l’investissement privé et de  le faire à des conditions financières (subventions ou prêts plus ou moins bonifiés) qui sont adaptéesà la nature du projet et de l’état de développement du pays. L’AFD a poussé encore plus loin la  complémentarité des outils financiers en contribuant à la création d’un fonds d’investissement entièrement dédié aux filières agricoles alimentaires  en Afrique.
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Commentaires de Nicolas MERLIN

je reprends quelques citations tirées de cette interview :

---> "Face à cette situation, notre priorité à l’AFD, c’est l’agriculture"

OUI, 1 000 fois !!!
il y a 20 ans presque personne ne disait ça ... (de rares exceptions ; voir "espoir pour l'Afrique noire", éd Présence africaine).

---> "Le paradoxe de l’Afrique subsaharienne, c’est qu’elle est (…) déficit alimentaire"

OUI, c'est très important de le dire - à condition de tout de suite distinguer la zone forestière de la zone sahélienne. En plus cette expression  "l’Afrique subsaharienne"   qui revient sans arrêt est peu claire ; l'expression "l’Afrique intertropicale" est dans certains cas plus adaptée ("l’Afrique subsaharienne" ça va jusqu'au Cap ?).
Concernant l'eau, je crois que le sous-sol africain en a de grands gisements, même  parfois en zone très sèche (voir article du Monde du ... ??? ...)

--->  "il y a d’autres parties de l’Afrique où il y a eu un déficit de politiques incitant les (…) dizaines d’années."  

OUI, oh combien !!!...

---> "Cette année, il y a eu une crise relativement (...)  traditions d’élevage."

OUI, c'est très important de le dire :  cette zone pourrait très bien dans une vision de long terme devenir une zone de production agricole importante et de sécurité alimentaire ... comme d'autres zones africaines ...  

---> "Il y a ensuite un problème de densité démographique, car (…) pas encore assurée."

NON, on ne peut pas affirmer, nous les européens « Il y a un problème de densité démographique ». Mais par contre l'explosion démographique que l'Afrique a connu (c'est pas fini!) impose probablement qu'elle donne la priorité absolue à son agriculture. Il faut le rappeler : c'est un élément souvent oublié il me semble

---> "L’urbanisation crée des clients pour les agriculteurs."

OUI, c'est très important de le dire. C'est un point mis en avant par le film « les sahéliennes peuvent nourrir le Sahel » (de l'ONG "Afrique Verte")  

--->"Il y a enfin des aspects de migrations, c’est pourquoi le problème de la sécurité alimentaire doit être envisagé à l’échelle sous-régionale en Afrique de l’Ouest."

OUI, c'est très important de le dire - à condition de tout de suite distinguer la zone forestière de la zone sahélienne et de souligner la complémentarité des deux (au sud : eau, terre fertile ; au sud : espace disponible, élevage)

---> "A l’AFD, on pense que le premier investisseur, c’est l’agriculteur."

OUI !

--->   "Il faut rappeler que ces cultures d’exportation, comme (…) améliorer leurs exploitations vivrières." 

OUI, c'est très important de le dire. L'affirmation inverse (les cultures d'exportation seraient dans tous les cas une calamité pour les petits agriculteurs) est un mythe ravageur (en même temps, il y a évidemment aussi du vrai dans ce mythe, comme dans beaucoup de mythes)


---> "Un des piliers de l’action de l’AFD en Afrique de l’Ouest, c’est l’appui aux filières agro-industrielles."

Bravo l'AFD !

---> "Un autre axe d’intervention important de l’AFD, c’est l’appui aux collectivités locales rurales."


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Il me semble qu'avec l'AFD nous (la France) avons un bel outil !... Il y a hélas beaucoup de vrai évidemment dans ce que disent ceux qui ne cessent - souvent à juste titre - de critiquer la politique de coopération de la France (françafrique ...), mais j'ai le sentiment qu'il y a parfois aussi beaucoup d'excès  dans leur propos - comme le montre l'action de l'AFD me semble-t-il.



Nicolas et/ou Elisabeth Merlin

09/10/2013

Le mil, perle nutritive de l’Afrique

 
Le mil, perle nutritive de l’Afrique
Le mil, consommé depuis la nuit des temps









Le mil représente la principale céréale consommée dans plusieurs régions du Niger, du Nigeria, du Mali et du Burkina Faso. L’Afrique est le premier producteur mondial de cette céréale, consommée depuis la préhistoire, et qui se satisfait de terres pauvres et de faibles pluies.

Le mil est une céréale consommée depuis les temps les plus reculés : on a trouvé des traces de sorgho - qui est l’une des variétés du millet - sur des grattoirs en pierre datant de 100.000 av.JC au Mozambique. En 2005, des archéologues ont trouvé en Chine des nouilles fabriquées avec de la farine de mil, datant de 4.000 av. JC. Dans l’Egypte pharaonique, l’on fabriquait du pain plat, type pita, avec de la farine de mil, et l’on buvait aussi de la bière de mil. La Bible décrit des cultures de mil en Palestine en 600 av. JC, et dans ses voyages en Orient, Hérodote en observe en Perse en 400 av. JC.
Dans la Rome antique, les populations pauvres faisaient une grande consommation d’une bouillie de mil, appelée "puls" - le nom latin du mil est millium - peut-être parce que ses graines viennent par "milliers" ? Jusqu’au Moyen-Age, les populations d’Europe méditerranéenne consommeront cette bouillie de mil. Au XVI° siècle, avec l’introduction du maïs venu des Amériques, la "polenta" en Italie sera fabriquée avec cette nouvelle céréale.
L’Afrique, principal producteur et consommateur de mil dans le monde
Aujourd’hui l’Afrique est le principal producteur, avec le Nigeria en tête, et consommateur de mil dans le monde. La production mondiale était estimée à 32 millions de tonnes en 2007 par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). L’Inde en produit à lui seul le tiers.
Les principaux producteurs de mil en 2007 :
Inde : 10 millions de tonnes
Nigeria : 8 millions
Niger : 3 millions
Chine : 2 millions
Burkina : 1 million
Mali : 1 million
Soudan : 800.000 tonnes
Ouganda : 700.000 t
Tchad : 500.000 t
Ethiopie : 500.000 t
La majorité de la production est auto-consommée : très peu de mil circule dans les circuits du commerce international. Outre l’Afrique, le mil est consommé dans les régions sèches et arides d’Inde (Etats du Rajasthan, du Gujarat et du Hayara) et de Chine (nord du pays), ainsi que dans certains Etats de l’ex-URSS (Ukraine, Kazakstan, Russie). Aux Etats-Unis il est utilisé comme fourrage, et en Europe, essentiellement comme nourriture pour oiseaux ! Mais en Occident, il fait aussi son apparition dans les magasins bio et diététiques, comme d’autres céréales exotiques ou oubliées, car c’est une céréale sans gluten très riche en vitamines et sels minéraux.
Le mil désigne en général la variété de millet appelée "millet perle" - à cause de la taille des graines, petites et rondes, de cette céréale, et qui concerne 50% des surfaces consacrées au mil en Afrique. Le “gros mil” est le sorgho, une autre variété parmi les centaines de variétés de millet.
Au Sahel, le mil représente une culture vivrière importante, et souvent la première céréale consommée. Au Niger, le mil et le sorgho constituent près de 3/4 de l’apport calorique quotidien. Au Mali et au Sénégal, le mil représente 40% des céréales consommées ; au Burkina, au Tchad et en Gambie, le mil compte pour 1/3 des céréales consommées. Selon les pays, en Afrique les consommations oscillent entre 20 et 50 kg/personne/an - les plus élevées du monde.
Car cette plante pousse vite, se satisfait de sols pauvres et de faibles pluies, et pousse là où d’autres céréales comme le blé, le maïs ou le riz, ne pourraient pas se cultiver. En outre, elle peut être stockée pendant 5 ans.
En Afrique, le mil est cultivé par des petits paysans, sans engrais, et selon des procédés entièrement manuels. Les rendements sont par conséquents très bas : entre 200 et 500 kg/ha. Mais une nouvelle variété de mil a été créée par des agronomes récemment, qui pousse en 70 jours au lieu de 140, et a été expérimentée au Burkina Faso.
Au Sahel, un dicton dit : « la meilleure épouse est celle qui préparer bien la boule de mil ». La préparation culinaire du mil est en effet du ressort des femmes, qui commencent par piler les graines dans un mortier. Leur gestuelle est d’ailleurs devenue une "image d’Epinal" des représentations de l’Afrique. « Celle qui n’a jamais soulevé le pilon ne se rend pas compte du travail que cela représente ! », raconte Brigitte, grande voyageuse. En Afrique de l’Ouest et au Sahel, le mil est souvent préparé en bouillie - comme au Burkina Faso, le célèbre "", ou au Sénégal, le "lakh", préparé avec du lait fermenté ; en couscous, comme le "Thierré Bassi", couscous de mil du Sénégal.
- Lire aussi : La bière de mil

Les bienfaits du mil
Le mil contient 11% de protéines, soit le même taux que le blé. Il est très riche en vitamines B, acide folique, calcium, fer, potassium, magnésium, et zinc.
Photo : Copyright fidafrique.net

17/09/2013

Six pépites contre la pauvreté


17 septembre 2013

     Le site de valorisation de déchets du malgache Madacompost, à Mahajanga, en juin. ETC TERRA

Des porteurs de projet nouent des alliances innovantes entre entreprises, associations et pouvoirs publics. Ils inventent de nouveaux modèles de développement durable. Le forum mondial Convergences 2015, en partenariat avec " Le Monde ", les réunit du 17 au 19 septembre à Paris




Pour sa sixième édition, le Forum mondial annuel Convergences 2 015 réunit, à Paris, du mardi 17 au jeudi 19 septembre, près de 4 000 personnes actives dans la microfinance, l'entrepreneuriat social, l'environnement ou la coopération internationale. Tous mobilisés afin d'atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement fixés par les Nations unies, dont le tout premier était de réduire l'extrême pauvreté de moitié entre 1990 et 2015.
C'est quasiment chose faite pour ce but initial. " En 2010, environ 700 millions de personnes en moins vivaient dans des conditions d'extrême pauvreté qu'en 1990 ", indique l'ONU. Mais " 1,2 milliard de personnes continuent de vivre avec moins de 1,25 dollar - 94 centimes d'euros - par jour " et, surtout, " une personne sur huit - dans le monde - continue de se coucher le ventre vide, en dépit de progrès importants ", précise le rapport 2013.
Qu'on crée de l'emploi en réduisant les déchets, comme Gevalor et Madacompost à Madagascar, que l'on réintègre les grands exclus comme Emmaüs Défi et le groupe Vinci, qu'on améliore l'alimentation des enfants comme le fait Blédina en partenariat avec la Croix-Rouge, de par le monde, les initiatives, les innovations et les partenariats public-privé qui développent une croissance créatrice d'emplois existent. Chaque année, six projets sont récompensés dans le cadre du Forum mondial Convergences 2015 pour leur potentiel et leur impact global sur la pauvreté, l'environnement, l'emploi. Les nominés 2013 sont microDON-Franprix, Emmaüs Défi-Vinci et le programme Malin de la Croix-Rouge française-Blédina au niveau français, et Gevalor-Madacompost, Sopreef-Performances et 1001 Fontaines pour demain au niveau international.
" Ambitions "
Pour les grandes entreprises, développer l'entrepreneuriat social - avec des effets économiques positifs indirects aujourd'hui, et directs à plus longue échéance - peut sembler moins légitime face aux préoccupations urgentes de la crise. " Nous devons faire preuve d'agilité et en aucun cas abaisser nos ambitions et les promesses faites à nos projets ", souligne néanmoins Miora Ranaivoarinosy, responsable de partenariats à Danone Communities. Quatre des dix projets soutenus (dont deux en phase pilote) liés à l'alimentation et à l'eau atteindront l'équilibre économique en 2014, ce qui valide la démarche et permet de la poursuivre. En grandissant et en se pérennisant, ils ont accès à de nouveaux débouchés et à d'autres modes de financement.
C'est aussi la démarche de la coopérative de microcrédit Oikocredit. " En Afrique, la force motrice, ce sont les pauvres. Ils ont besoin de financements importants, de tracteurs, d'équipements. Ils peuvent absorber de gros financements et les rembourser, même si cela comporte énormément de risques. Ensuite, les banques prennent le relais ", souligne Mariam Dao Gabala, sa représentante pour l'Afrique de l'Ouest, où 84 projets ont été financés pour un encours de 35 millions d'euros. Le système bancaire classique n'a pas, selon son expression, les mêmes " lunettes 3D " que les représentants d'Oikocredit pour appréhender les projets et les financer. Car l'enjeu est bien de faire de ces acteurs économiques " des citoyens à part entière et non plus entièrement à part ", créant une valeur ajoutée et un développement durables.
Anne Rodier et Adrien de Tricornot
© Le Monde

11/09/2013

Le Bangladesh veut poursuivre l'inventeur du micro-crédit pour irrégularités fiscales

  
12 septembre 2013

New Delhi Correspondant
Le conflit entre Dacca et Muhammad Yunus s'exacerbe

L'offensive du gouvernement du Bangladesh contre Muhammad Yunus, Prix Nobel de la paix (2006) et pionnier du microcrédit, a franchi un nouveau palier. Lundi 9 septembre, un officiel a annoncé à Dacca, la capitale bangladaise, qu'une action judiciaire allait être intentée contre M. Yunus pour " irrégularités fiscales " à l'époque où celui-ci dirigeait la Grameen Bank, l'institution de microcrédit qui lui a valu la notoriété et dont le modèle de lutte contre la pauvreté a essaimé à travers le monde.
Il lui est reproché de ne pas avoir déclaré aux autorités 506 millions de takas (4,8 millions d'euros) de revenus personnels gagnés à l'étranger - honoraires de conférences, recettes des livres, prix divers - entre 2004 et 2009. Soit un manque à gagner pour l'Etat de 126 millions de takas, a dénoncé le secrétaire général du cabinet, Mohammad Bhuiyan. M. Yunus a récusé l'accusation, arguant que l'exemption fiscale dont il a bénéficié était conforme à la législation existante.
L'initiative du pouvoir n'est que le dernier épisode d'une âpre partie de bras de fer entre le gouvernement de Dacca et le " banquier des pauvres " qui jette le trouble à l'étranger, en particulier dans le monde du microcrédit.
Depuis maintenant deux ans et demi, le pouvoir de Sheikh Hasina, la fille du " père de la nation " Sheikh Mujibur Rahman - héros de l'indépendance de 1971 - ne cesse de chercher noise à M. Yunus sous divers prétextes qui tiennent, selon les analystes, davantage à une rivalité personnelle qu'à de graves irrégularités dans la gestion de Grameen Bank.
Bataille juridique
En mai 2011, le Prix Nobel, alors âgé de 70 ans, avait dû démissionner de la tête de la banque au motif (subitement découvert) qu'il avait dépassé de dix ans l'âge requis (60 ans) pour un directeur exécutif. Evincé, M. Yunus n'en a pas moins continué d'exercer une influence profonde sur la marche de l'institution grâce au conseil d'administration, resté fidèle.
Au printemps, le gouvernement a relancé les hostilités. Une commission appointée par le pouvoir pour réfléchir à l'avenir de Grameen a rendu un rapport préconisant un démembrement de la banque en dix-neuf entités et une montée en puissance de la part de l'Etat dans le capital à 51 % (jusque-là inférieure à 5 %).
Les partisans de M.Yunus soupçonnent le gouvernement de vouloir mettre la main sur l'empire économique que représente Grameen qui, outre son activité historique de prêts aux pauvres, a investi dans des secteurs très lucratifs (télécommunications, énergie...).
La bataille juridique entre M.Yunus et le pouvoir porte sur la nature de Grameen Bank. Le Prix Nobel la tient pour une banque privée, certes créée en 1983 par une ordonnance gouvernementale ad hoc. Sheikh Hasina et son équipe la considèrent comme une banque publique.
Au-delà de cette controverse, qui n'était pas apparue avant 2011, le véritable contentieux est politique. Selon les observateurs, Sheikh Hasina chercherait à saper l'influence de M. Yunus, auquel elle prête des ambitions politiques.
Frédéric Bobin
© Le Monde

Le gaspillage alimentaire à l'origine d'un gâchis écologique


 12 septembre 2013

Une étude des Nations unies évalue l'impact environnemental des pertes de produits agricoles




Les pertes agricoles et alimentaires coûtent chaque année à la planète l'équivalent de trois fois le lac Léman en eau gaspillée et occupent inutilement un tiers de sa surface agricole. La production de ces denrées non consommées provoque autant d'émissions de gaz à effet de serre que les Etats-Unis ou la Chine en six mois.
Pour rien. Dans un rapport publié mercredi 11 septembre, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) étudie les impacts environnementaux, jusqu'à présent peu connus, de cet immense gâchis. Environ 1 600 milliards de tonnes de produits alimentaires sont perdus chaque année dans le monde, soit un tiers de ce qui est produit.
" L'empreinte carbone de la nourriture produite mais jamais consommée est estimée à 3 300 milliards de tonnes de CO2 ", affirme le rapport, un chiffre qui représente à peu près la moitié des émissions de gaz à effet de serre des Etats-Unis ou de la Chine. La production de ces denrées gaspille annuellement 250 km3 de ressources en eau et occupe 1,4 milliard d'hectares.
750 milliards de dollars
Ce gâchis est évalué à 750 milliards de dollars (565 milliards d'euros) en coûts directs par la FAO, qui rappelle que la réduction des pertes agricoles et alimentaires pourrait largement contribuer à atteindre l'objectif d'augmentation de 60 % des denrées disponibles pour répondre aux besoins de la population mondiale en 2050. Selon la FAO, 54 % des pertes sont enregistrées dans les phases de production, de récoltes et de stockage. Le reste relève du gaspillage alimentaire au sens propre, au stade de la préparation, de la distribution ou de la consommation. Dans les pays riches, c'est ce dernier type de pertes qui domine.
Les experts ont cherché à déterminer quels étaient les régions du monde et les produits agricoles responsables des plus importants impacts environnementaux liés aux pertes alimentaires. " Les pertes de céréales en Asie apparaissent comme un point chaud environnemental significatif ", tant pour leur bilan carbone que pour leur consommation en eau et leur utilisation de terres arables, conclut le rapport. Cela est dû notamment aux importants volumes de production en Asie du Sud et de l'Est, ainsi qu'au poids de la riziculture, qui émet de fortes quantités de méthane. Les pays riches et l'Amérique latine sont à l'origine de 80 % des pertes en viande, qui " ont un impact élevé en termes d'occupation des sols et d'empreinte carbone ", poursuivent les auteurs. Les pertes de fruits en Asie, en Amérique latine et en Europe comptent parmi les principaux responsables du gaspillage de l'eau.
Pour remédier à cette situation, la FAO préconise l'amélioration des pratiques agricoles ainsi que des infrastructures de stockage et de transport dans les pays en développement. Elle estime que les pays riches ont " une responsabilité majeure en matière de gaspillage alimentaire en raison de leurs modes de production et de consommation non durables ".
Gilles van Kote
© Le Monde

30/07/2013

Conforter la démocratie, unifier le Mali : le président élu aura fort à faire


31 juillet 2013



A Sévaré, le décompte des bulletins de vote sous le regard des observateurs.
SYLVAIN CHERKAOUI/COSMOS POUR " LE MONDE "
Le bon déroulement du scrutin malien ne masque pas l'ampleur des défis à venir




Il n'y a pas eu de violences lors du premier tour de l'élection présidentielle au Mali, dimanche 28 juillet. Voici déjà une bonne raison de se féliciter. A ce stade, les attentats annoncés par le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao) n'ont pas eu lieu. Cette tentative de bloquer le scrutin dès le premier tour a donc échoué. La participation, selon les premières estimations communiquées lundi par la mission des observateurs de l'Union européenne, aurait dépassé les 50 %. Le président par intérim, Dioncounda Traoré, a même déclaré en votant dimanche : " De mémoire de Maliens, c'est le meilleur scrutin qu'on organise depuis 1960 - année de l'indépendance - . "
Il s'agit moins d'un diplôme d'excellence décerné au scrutin du jour, que de l'aveu, en creux, de traditions électorales délétères dans un pays où, pourtant, les groupes d'observateurs ont constamment exprimé leur satisfaction à chaque élection depuis la chute, en 1991, du dictateur Moussa Traoré (qui coule des jours heureux dans le pays), tout en reconnaissant quelques " défauts " à des scrutins contestés par l'opposition, pour de bonnes raisons.
Voici le Mali devant le piège d'une nouvelle élection " à défauts ", que ne compense pas le fait qu'elle se tienne sous protection internationale, l'armée malienne étant appuyée par la mission des Nations unies, elle-même soutenue par des troupes françaises de l'opération " Serval ".
Les risques des élections approximatives tenues sous protection internationale sont connus : le cas du Congo-Kinshasa, où la fin du conflit a été annoncée un peu vite, alors que s'y rallument les mêmes foyers d'instabilité, est là pour le rappeler. Pour savoir si le Mali va échapper à cette spirale de l'échec, il ne lui suffira pas de voir s'organiser des élections sans violence. Il faut aussi que le scrutin apparaisse comme légitime à sa population, comme à ses voisins. Or il existe des incertitudes sur ce premier tour, comme, par exemple, le nombre exact d'inscrits n'ayant pu voter, quoique en possession de leur carte d'électeur. Ou encore le fait que des jeunes, des déplacés, des réfugiés, des Maliens de l'étranger (voir l'inexplicable chaos à Paris) n'aient pu voter.
Cette zone d'ombre, ainsi que d'autres encore, est de celles qui ont détruit la réputation des élections passées dans le coeur des Maliens. La preuve : à peine un tiers des inscrits allait glisser son bulletin dans l'urne dans le Mali si démocratique en apparence d'avant le coup d'Etat. Encore une partie de ces votes était-elle achetée.
Parallèlement à ce travail de sape, une dégradation du fonctionnement de l'Etat s'est engagée dans le pays. Les trafics de stupéfiants ont touché les plus hautes sphères, politiques ou militaires. Une industrie des otages est née, qui avait ses clients. Les chefs d'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), venus d'Algérie, traitaient avec des intermédiaires qui avaient leurs entrées au palais présidentiel.
Puis l'armée s'est effondrée et le pouvoir est tombé. Début 2012, alors que les militaires maliens subissaient des revers au nord, face à une coalition de groupes armés (touareg et djihadistes), plusieurs coups d'Etat étaient en préparation à Bamako. C'est finalement un groupe d'outsiders qui a ramassé le pouvoir, composé de sous-officiers, d'hommes du rang et d'officiers subalternes, avec un capitaine à sa tête. Ensuite, l'armée a cessé de combattre. Les putschistes, à Bamako, ne sont jamais montés armes à la main vers le nord, dont la conquête a été achevée en quelques semaines par la coalition rebelle, d'où ont émergé bientôt AQMI, le Mujao, et leurs alliés.
Est-ce que l'Etat malien s'est alors effondré, comme on le dit si souvent ? La réponse est complexe. Dans la moitié du sud du pays, on a continué à travailler ; l'administration s'est redéployée. On a même augmenté de 15 %, au cours de 2012, la production d'or, dont le Mali est le troisième producteur africain, pour atteindre 50 tonnes (20 % du PNB). Mais on ignore la manière dont les taxes versées par les groupes miniers ont été utilisées. On ignore aussi dans quelles circonstances le dernier conseil des ministres, le 24 juillet, a conclu l'attribution de trois blocs pétroliers dans la région du bassin de Taoudéni. Les signatures de ce type s'accompagnent en général de confortables " bonus ".
C'est autour de ces questions et de la façon dont le futur président parviendra, ou pas, à instaurer la confiance, que se joue l'avenir du Mali. Le pays va bénéficier d'une aide importante : près de 3 milliards d'euros ont été promis par les bailleurs de fonds, attendant théoriquement que des autorités légitimes soient mises en place.
La légitimité des nouvelles autorités maliennes est d'une importance capitale puisque c'est elle, aussi, qui donnera le ton aux futures négociations avec les rebelles touareg. L'armée malienne a commencé à se redéployer dans le nord, notamment à Kidal, sans entraîner d'incidents majeurs, en raison de la présence de troupes des Nations unies, et d'un accord signé à Ouagadougou le 18 juin, qui prévoit que des négociations devront être engagées au plus tard quarante jours après la nomination d'un nouveau gouvernement au Mali.
Le nord du pays pourra-t-il bénéficier d'un statut particulier, avec une autonomie poussée ? C'est une éventualité. Sur ce Nord, riche de ressources minières et pétrolières encore inexploitées, l'Algérie a quelques velléités d'influence. Le futur président pourrait ne pas la trouver à son goût. La sortie de crise implique donc une dimension régionale délicate, parallèlement à des arbitrages locaux explosifs. Les rebelles touareg ne seront pas les seuls interlocuteurs du gouvernement. Il est prévu que d'autres groupes, armés ou pas, soient invités à la table des négociations. Certains peuvent jouer le blocage : là encore, l'autorité d'un président élu dans de bonnes conditions devra faire des merveilles.
Puis il faudra accompagner la renaissance de l'armée malienne, continuer le combat contre les groupes djihadistes, veiller au départ des troupes françaises. Et avant cela, le nouveau pouvoir devra aussi organiser des élections législatives après avoir encadré le retour chez eux des réfugiés et des déplacés. Sans réveiller les antagonismes mis à vif par les mois de guerre au nord. C'est dire s'il est un peu tôt pour triompher.
Jean-Philippe Rémy

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Burkina Faso : les Evêques inquiets de la situation nationale


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23/07/2013

L'excision reste une pratique généralisée dans une quinzaine de pays d'Afrique

 24 juillet 2013

Trente millions de femmes seront victimes de mutilations sexuelles dans les dix ans à venir, selon l'ONU




Plus de 125 millions de jeunes filles et de femmes d'Afrique et du Moyen-Orient vivent en ayant subi une mutilation sexuelle - le plus souvent une excision -, selon les chiffres inédits publiés par l'Unicef, lundi 22 juillet. Cette évaluation a été établie à partir des études réalisées au cours des vingt dernières années dans les vingt-neuf pays les plus touchés par ces pratiques.
Au niveau planétaire, l'estimation avoisinerait 140 millions de femmes et fillettes, selon l'agence des Nations unies consacrée aux droits de l'enfant.
Les nouvelles données intègrent pour la première fois des informations recueillies auprès des " jeunes filles de moins de 15 ans, permettant de cerner les dynamiques les plus récentes sur les pratiques - de mutilation - ".
Elles montrent que, en dépit de nets reculs observés dans certains pays, les interventions chirurgicales consistant à enlever en totalité ou en partie les organes génitaux externes de la femme demeurent largement répandues. Trente millions de fillettes ou d'adolescentes - dans la moitié des pays étudiés, la majorité des filles excisées le sont avant l'âge de 5 ans - risquent encore d'en être victimes dans les dix prochaines années, selon l'Unicef.
En tête des pays où ces mutilations demeurent la règle quasi absolue : la Somalie, avec 98 % des filles et des femmes de 15 à 49 ans excisées ; la Guinée avec 96 % ; Djibouti avec 93 % ; et l'Egypte avec 91 %.
" C'est la première fois que l'on dispose d'une vision comparative qui, non seulement nous renseigne sur l'ampleur du phénomène, mais nous permet de voir l'évolution d'une génération à l'autre ", explique le porte-parole de l'Unicef pour l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest, Laurent Duvillier.
Si la situation reste préoccupante dans nombre de pays, l'Unicef souhaite aussi montrer des évolutions positives. Ainsi, au Liberia, si 85 % des femmes entre 45 et 49 ans sont excisées, elles ne sont plus " que " 44 % entre 15 et 19 ans. Au Kenya, ces pourcentages passent de 49 % à 15 % entre les deux classes d'âge et au Burkina Faso de 89 % à 58 %.
Ces changements obtenus sur une trentaine d'années n'ont pas été aisés. " Nous avons compris que, pour faire évoluer les situations, ce n'était pas tant les choix individuels que les pratiques sociales, leur influence, comme la peur de ne pas trouver de mari, d'être exclue d'un groupe, qui jouaient un rôle important ", analyse M. Duvillier.
Dans vingt-cinq des vingt-neuf pays étudiés, ces mutilations sont interdites par la loi. Sans effet notable. Les coutumes sociales, familiales, ethniques pèsent. Dans certains pays, bien que se disant hostiles à cette pratique, des mères de famille la reproduisent. En Gambie par exemple, 54 % des filles dont les mères estiment que cette pratique doit cesser ont été excisées, contre 75 % pour celles dont les mères pensent qu'il faut continuer. Le scénario est identique en Mauritanie, au Soudan, etc.
Derrière les statistiques nationales, de grandes différences apparaissent selon l'appartenance ethnique. " Les mutilations génitales féminines sont étroitement liées à certains groupes ethniques, ce qui suggère que les normes sociales et les attentes au sein de communautés d'individus partageant les mêmes convictions jouent un rôle important dans la perpétuation de ces usages ", écrit l'Unicef.
Au Bénin, 72 % des filles peules ont été excisées mais aucune s'agissant des ethnies Adjas et Fons. Au Sénégal, les mêmes Peuls pratiquent ces mutilations génitales alors que les Wolofs non.
" L'influence sociale ou régionale sur ces pratiques se vérifie à l'intérieur même d'une ethnie, explique M. Duvillier. Au Sénégal, par exemple, aucune fille ou femme wolof n'est recensée comme ayant été excisée dans la région de Diourbel, au centre du pays, alors qu'un tiers des femmes de cette même ethnie le sont dans la région de Matam, au nord-ouest, où les Wolofs sont en contact avec les Peuls, ultramajoritaires dans cette zone. " Comment faire reculer ces pratiques ? Alors qu'elles sont souvent considérées comme l'expression d'un " contrôle patriarcal sur les femmes, sous-entendant ainsi que les hommes en seraient d'ardents défenseurs ", certaines données indiquent que femmes et hommes manifestent une volonté équivalente d'y mettre fin, note l'Unicef. En Guinée ou au Tchad, les hommes seraient même plus nombreux que les femmes à vouloir l'arrêt de l'excision.
Une question reste en débat : faut-il encourager des formes plus " modérées " de mutilations comme solution transitoire ? Non, répond l'Unicef, qui juge cette solution peu prometteuse et préfère soumettre la situation actuelle " à l'examen du grand public, de manière respectueuse ". " Le changement viendra de la confrontation avec ceux qui n'ont pas recours à ces pratiques ", espère Laurent Duvillier.
Rémi Barroux
© Le Monde