31/01/2009

Dépasser la dictature du PIB

1er février 2009

Gênes. Image de la série " Dos à la mer ". GEOFFROY MATHIEU

Aurélien Boutaud et Natacha Gondran plaident pour la prise en compte de l'" empreinte écologique "





Prononcez le mot de " décroissance " devant un économiste, et vous le verrez lever les yeux au ciel, vous accuser de vouloir la misère du tiers-monde et, vraisemblablement, tourner les talons en fulminant contre les écologistes rétrogrades. Mais il se trouve que... nous sommes déjà en décroissance. Par la crise, qui fait reculer pour la première fois depuis longtemps le niveau du produit intérieur brut (PIB) ? Non. Du fait de l'atteinte continue que l'humanité inflige au capital naturel de la planète, c'est-à-dire à l'ensemble des ressources biologiques qui servent de support à ses activités.

Mais, si cette atteinte est documentée par des milliers d'études sur le changement climatique, la crise de la biodiversité, la multiplication des pollutions, elle souffrait de ne pas pouvoir être synthétisée par un indicateur significatif. Rien à opposer au règne du PIB - qui en est venu à devenir le fétiche de l'enrichissement et du bien-être. Hausse du PIB, bien. Baisse du PIB, mal. Et quand le PIB monte, et que pourtant, la société exhibe de manière de plus en plus manifeste ses malaises et ses tensions, c'est... qu'il ne monte pas assez ! Quant à la crise écologique, eh bien, c'est une autre affaire, que le PIB ne peut pas mesurer, et qui est donc secondaire...

NOUVEAUX INDICATEURS

De la même manière qu'il a fallu passer de la médecine des docteurs moqués par Molière à la médecine infectieuse inspirée par Pasteur, de même il faut passer d'une " science économique " à une vision de la société humaine au XXIe siècle qui pense la prospérité générale en relation avec son environnement. Il y faut, pour commencer, de nouveaux indicateurs. La bonne nouvelle est que, depuis une dizaine d'années, un tel indice s'est progressivement développé et affermi : " l'empreinte écologique " suscite un intérêt croissant dans les milieux académiques.

Le livre d'Aurélien Boutaud et Natacha Gondran vient donc à point : expliquant en termes clairs et rigoureux la méthode élaborée par Mathis Wackernagel et William Rees depuis une dizaine d'années, il est à notre connaissance la première présentation en français de cet outil essentiel. L'exposé commence par la question première : " En quoi la capacité de l'environnement à répondre à nos besoins actuels et à venir est-elle limitée ? " Pour le comprendre, un rappel du fonctionnement général de la biosphère souligne le jeu des interrelations qui s'y établissent et que l'énergie en est fournie par le Soleil, à travers différentes formes dont celle, essentielle, de la photosynthèse.

L'économie est ramenée à la modestie : " La sphère des activités humaines ("l'éconosphère") est intimement dépendante de la biosphère dont elle tire son énergie et ses matières premières. " Donc, " l'activité humaine ne saurait continuer à se développer sur le long terme si la biosphère venait à être trop gravement endommagée ". Mais " l'éconosphère mobilise-t-elle aujourd'hui davantage de services issus de la biosphère que celle-ci peut en régénérer ? "

Pour répondre, il faut comparer la quantité consommée et la quantité fournie. C'est ce que va faire la méthode de l'empreinte écologique, en ramenant les types d'écosystèmes (forêts, terres cultivées, pâturages...) à une unité commune, l'" hectare global ". Celui-ci est à la fois producteur de biomasse et assimilateur de gaz carbonique, principal gaz à effet de serre. La méthode parvient ainsi à définir l'empreinte écologique des différents pays ou de la Terre entière.

Bien sûr, l'empreinte écologique présente des lacunes, que l'ouvrage ne manque pas de signaler : elle laisse de côté matières minérales, eau, éléments toxiques et déchets radioactifs et accorde peu de place à l'érosion de la biodiversité. Mais elle n'en constitue pas moins un outil qui nous permet de comprendre que... les limites sont dépassées. Depuis 1987, selon cet indice, l'humanité consomme plus de services naturels que la biosphère ne peut en regénérer, c'est-à-dire consomme son capital naturel. La question suivant logiquement, à laquelle ne répond pas l'empreinte écologique, est celle de la dimension du capital naturel. Autrement dit : combien de temps cela peut-il durer sans catastrophe générale ? Economistes écologistes, au travail !

Hervé Kempf

L'Empreinte écologique,

d'Aurélien Boutaud et Natacha Gondran, La Découverte " Repères ", 128 p., 9,50 ¤. Inédit.

L'Empreinte écologique,

d'Aurélien Boutaud et Natacha Gondran, La Découverte " Repères ", 128 p., 9,50 ¤. Inédit.

© Le Monde

28/01/2009

Nouvelles menaces sur la sécurité alimentaire


29 janvier 2009


En Argentine, un agriculteur mesure le niveau de la nappe phréatique dans un champ de tournesols. MARCOS BRINDICCI/AP

Face aux promesses non tenues des pays riches et au risque de flambée des prix des denrées, la FAO s'inquiète







Si la communauté internationale semble avoir pris conscience, avec les émeutes de la faim, des dangers politiques et sociaux que peut provoquer une flambée des prix alimentaires, les mesures pour augmenter la production dans les pays pauvres tardent à se concrétiser.

Pourtant, la menace n'est pas écartée : les aléas climatiques, l'instabilité des marchés et les incertitudes financières sont autant de facteurs qui risquent de ramener au premier plan la crise alimentaire. Elle " reste d'actualité et risque de s'aggraver ", a averti Jacques Diouf, le directeur général de l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), lors de la réunion internationale sur " la sécurité alimentaire pour tous ", lundi 26 et mardi 27 janvier, à Madrid.

RÉINVESTIR DANS L'AGRICULTURE

Les organisations non gouvernementales (ONG) ont fait de même. Elles craignent, comme la FAO, une nouvelle envolée des prix à moyen terme. Il faut donc agir, et vite. " On ne peut pas faire l'économie d'une remise à plat de la gouvernance mondiale ", estime Ambroise Mazal, représentant du CCFD et des ONG françaises.

Question budget, seul l'Espagne a fait des propositions chiffrées. Les politiques à mettre en oeuvre ont encore été débattues, sans réelle avancée. L'idée d'un " partenariat mondial ", proposé par la France au sommet du G20 en juillet 2008, a été reprise par l'Espagne, qui souhaite promouvoir " une alliance globale pour l'agriculture, la sécurité alimentaire et la nutrition ". Pour les plus optimistes, elle pourrait voir le jour lors d'un sommet de la FAO, en novembre.

Depuis des années pourtant, la FAO appelle à réinvestir dans l'agriculture, notamment dans les pays pauvres, incapables d'assurer leur sécurité alimentaire. C'est là qu'il faut produire plus, car ces pays gros importateurs de denrées sont fragilisés par la forte volatilité qui s'est emparée du marché des matières premières agricoles. Si, en 2008, la récolte mondiale a battu des records et permis une baisse des prix, c'est grâce à une météo clémente et aux pays riches, dont les agriculteurs ont eu les moyens financiers d'augmenter la production. Celle des pays pauvres, elle, a diminué. Le nombre des personnes souffrant de sous-alimentation a augmenté : il approche un milliard.

La sécheresse virulente en Argentine serait-elle un signe d'une nouvelle aggravation de la situation ? Depuis quelques semaines, les marchés des matières premières agricoles ont les yeux rivés sur la catastrophe qui s'y trame, et qui pousse les prix à la hausse.

La production de blé argentin a diminué de moitié, tandis que les prévisions de récolte de maïs et de soja, principale culture du pays, sont revues à la baisse. Lundi, alors que le bétail meurt en masse du fait du manque d'eau dans les pâturages, l'état d'urgence a été déclaré pour le secteur agricole.

Si, concernant la production mondiale, ce repli argentin n'aura qu'un faible effet, l'impact risque d'être plus important sur les exportations. L'Argentine est quatrième exportateur mondial de blé, deuxième de maïs et troisième de soja. Selon la FAO, ses expéditions de blé, de l'ordre de 9 millions de tonnes habituellement, devraient n'atteindre que 4 millions.

En 2007, les sécheresses en Australie et en Ukraine avaient en partie été à l'origine de la flambée des cours. " La tension sur les marchés n'est pas la même, car, contrairement à cette époque-là, il y a du blé disponible ", estime Adrien Bebin, de la société de conseil Offre et Demande agricole. " Pour l'Argentine, la situation est dramatique. Mais d'autres zones, comme le Canada et l'Europe, devraient pouvoir fournir à sa place ", prédit Mario Zappacosta, expert à la FAO.

Et au prochain dérèglement, si la récolte n'a pas été aussi bonne qu'en 2008 ? Le risque demeure élevé pour les populations des pays pauvres tant que des solutions pour assurer leur sécurité alimentaire ne sont pas trouvées.

Jean-Jacques Bozonnet (à Madrid) et Laetitia Clavreul

© Le Monde

26/01/2009

La quantité d'eau nécessaire à la production d'un bien


27 janvier 2009

Et l'" eau virtuelle " jaillit...


Photo Nicolas Guérin





L'expression " eau virtuelle " a été utilisée pour la première fois par l'universitaire britannique Tony Allan au début des années 1990. Elle désigne la d'eau nécessaire à la production d'un bien. Le concept permet d'éclairer un aspect méconnu des échanges mondiaux. Les pays exportateurs de biens alimentaires ou manufacturés exportent dans le même temps une certaine quantité d'eau virtuelle, qui a été nécessaire à la fabrication des biens exportés. Les pays importateurs, eux, économisent de l'eau.

C'est grâce au commerce d'eau virtuelle que des pays arides et riches, comme ceux du Moyen-Orient, comblent leur déficit en eau.

L'évaluation du contenu en eau virtuelle des biens est complexe. Dans l'ouvrage The World's Water 2008-2009, publié le 13 janvier, le Pacific Institute, un centre de recherche américain, passe en revue une quarantaine de produits, sans taire les difficultés méthodologiques.

Certains calculs aboutissent, par exemple, à un total de 15 000 litres d'eau pour produire un kilo de viande de boeuf, mais d'autres donnent 70 000 litres. Tout dépend du climat, des sols, des pratiques d'irrigation... Pour les biens manufacturés, les quantités varient énormément selon le stade de la production retenu (le cycle complet de production ou la seule transformation finale).>

© Le Monde

22/01/2009

La pratique du don controversée au Mali

Le Monde
22 janvier 2009
MALI ENVOYÉE SPÉCIALE

Par principe, le docteur Alassane Diko ne voit que des inconvénients aux dons de médicaments. Le directeur régional de la santé du district de Ségou, au Mali, reçoit dans son bureau situé à deux pas du gouvernorat. " Je crains qu'il y ait du commerce illégal ", glisse-t-il, estimant que des responsables de centres de santé, où ne sont vendus que des génériques, peuvent vendre les dons à des pharmacies privées puis prescrire les médicaments aux patients. " Ou encore les distribuer à qui ils veulent, et pas forcément aux pauvres ", dit-il.

Surtout, il pointe des dangers pour la santé, car les dates de péremption des médicaments reçus sont souvent proches. Il lui est même arrivé d'ordonner d'en détruire par précaution. " Nous n'avons pas les moyens de contrôler leur qualité ", juge-t-il.

Par le canal d'un député de Ségou, il a reçu en décembre 2008 des cartons de Coartem, un antipaludéen du laboratoire Novartis. " Ces médicaments seront périmés en mars. Nous les avons distribués, et avons prévenu qu'il fallait vite les consommer ", raconte-t-il. Ses équipes vont devoir s'en assurer.

Pourtant, sur le terrain, les médecins apprécient la pratique, soulignant la pauvreté des populations. " Un particulier m'a promis des dons, je lui ai donné la liste de nos besoins. Je les attends avec impatience ", explique Diarra Mamadou Goussou, directeur du centre de santé communautaire Denbanuman, à Ségou. Il évoque des besoins de médicaments pour lutter contre la fièvre typhoïde, les parasites intestinaux ou le paludisme.

Sylvestre Diarra, directeur du centre catholique de santé de San, une petite ville située entre Djenné et Ségou, est très en colère contre la directive européenne. " Je n'en maîtrise pas les raisons. Peut-être y avait-il des utilisations non conformes, mais j'estime que nous sommes de vrais professionnels, capables de trier les médicaments reçus ", s'énerve-t-il. " Bien sûr qu'il vaut mieux habituer les patients à payer, mais il y a des cas exceptionnels, et nous regardons les capacités financières des patients ", explique-t-il.

Son centre achète tous ses médicaments, mais aimerait s'en voir offrir. Il a fait des demandes à l'Ordre de Malte, mais n'a jamais pu en recevoir.

Laetitia Clavreul
© Le Monde

21/01/2009

Compte Rendu de Mission, au Burkina Faso et au Mali, de Jacques FONTAINE et Mireille SERRE au titre de LACIM Clermont-Ferrand Champfleuri

Ce voyage avait un triple objectif :
  • Rendre visite à nos deux villages jumeaux du groupe LACIM - Clermont-Ferrand Champfleuri, à savoir KANGARE de la commune de ROLLO dans la province du BAM au BURKINA FASO et OUFOU de la commune de BAYE dans la Région de MOPTI au MALI.
  • Amorcer avec le Maire de ROLLO le processus de jumelage entre la Ville d'AUBIERE (63) et sa commune.
  • Faire un peu de tourisme dans le Pays DOGON et la Région de MOPTI.
Un autre but du voyage était de faire découvrir l'AFRIQUE à mes 3 complices qui venaient pour la première fois : Mireille SERRE, Marie AIMARD et Jean-Jacques GOHIER.


A travers un récit chronologique succinct je vais essayer de mettre en évidence l'essentiel de ce que nous a apporté ce voyage au titre des missions programmées et à titre personnel. Les éléments essentiels de notre action pour le développement dans les deux villages jumeaux seront également exposés.

Pour lire la suite télécharger le compte rendu en cliquant ici.
Elle concerne essentiellement la partie du voyage consacrée aux réunions et rencontres de OUAGADOUGOU avec KAAB NOOGO et la Maison de la Coopération Décentralisée notamment.
Le compte rendu de la visite au village de KANGARE et au Maire de ROLLO y figure également.

La partie concernant le MALI et le village d'OUFOU fera l'objet d'un second compte rendu qui sera publier ultérieurement.

Attention dans le document téléchargeable au format pdf qui apparaitra sur votre écran, il y a quelques liens internet permettant d'accéder à d'autres documents comme les discours ou le bilan des effectifs scolaires. N'oubliez pas d'utiliser ces liens.

La moitié de la population mondiale vit dans une situation difficile


21 janvier 2009

Pour l'Afrique, horizon 2353





La moitié de la population mondiale vit dans une situation difficile, selon " l'indice de base des capacités ", calculé par le réseau d'ONG Social Watch et fondé sur trois critères : mortalité des enfants de moins de 5 ans, achèvement de l'enseignement primaire et naissances médicalement assistées.

Plus d'une trentaine de pays sont à un niveau critique. Treize nations à faible indice connaissent une régression (souvent due à des guerres) en 2006 par rapport à 2000. Tchad, Bénin, Soudan, Guyane, Azerbaïdjan, Surinam et Géorgie baissent même de plus de 5 %.

La progression de l'Afrique Subsaharienne est si faible (+ 0,7 %) qu'elle ne devrait pas atteindre un indice acceptable avant 2353 ! A l'inverse, l'Asie du Sud, notamment l'Inde, a progressé de 6,6 %, mais la région ne devrait pas atteindre avant 2022 ce " niveau acceptable " que seules connaissent déjà l'Amérique du Nord et l'Europe. " Le niveau maximal de l'indice est un point de départ, pas la ligne d'arrivée (...). Cela veut seulement dire qu'un pays a atteint une couverture universelle de ces besoins fondamentaux minimaux ", souligne l'étude, précisant que cet aspect n'est pas directement lié à la croissance économique.

Ju. B.

© Le Monde

19/01/2009

Adama Zongo et son groupe SONG TAABA sera en concert à la MAISON DE LA CULTURE de Clermont-Ferrand, Mercredi 21 Janvier (20 h 30)





Invité de première partie : Alpha Zaions.
Prix normal : 10 Euros

SONG TAABA animera une MASTER CLASSE de Reggae et de PERCUSSIONS AFRICAINES MARDI 20 Janvier à la Maison de la culture, de 10h à midi et de 14 h à 17 h.
Participation : 5 Euros

Venez tous et faites passer l'infos aux copains...

15/01/2009

L'Europe ne tient pas ses promesses en Afrique

DÉVELOPPEMENT AIDE AU SECTEUR DE LA SANTÉ

Le Monde
16 janvier 2009

L'AIDE publique accordée par la Commission européenne a-t-elle contribué efficacement à l'amélioration des services de santé en Afrique subsaharienne ? A cette question, la Cour des comptes européenne répond clairement par la négative dans un rapport d'une centaine de pages consacré à ce sujet, rendu public mercredi 14 janvier.

En dépit de la volonté politique affichée par l'Union et des engagements précis pris pour soutenir l'Afrique dans l'acquisition de ce service essentiel, l'audit mené est accablant à bien des égards pour l'exécutif bruxellois. " La part du financement communautaire n'a plus augmenté depuis 2000 par rapport au total de l'aide au développement, malgré les engagements pris par la Commission concernant les objectifs du Millénaire et la crise sanitaire en Afrique. Si la Commission a contribué au lancement du Fonds mondial pour le sida, le paludisme et la tuberculose, elle n'a pas accordé la même attention aux services de santé censés être une de ses priorités ", écrivent les experts qui ont mené l'audit.

Entre 2000 et 2007, 770 millions d'euros, soit 5,5 % seulement des crédits distribués par le neuvième Fonds européen pour le développement (FED), ont été affectés au secteur de la santé, alors que l'objectif était d'atteindre 15 %. Le FED est l'instrument principal de la politique de développement menée par l'Union européenne dans la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP).

Si on ajoute à cela l'appui budgétaire accordé aux Etats, le montant total de l'aide européenne au secteur de la santé a atteint au cours de cette période entre 1,1 et 1,2 milliard d'euros, selon le rapport, qui souligne la difficulté de s'y retrouver dans la complexité des circuits de financement.

La direction générale de l'environnement à Bruxelles estime que, pour être en mesure d'offrir des services de santé de base à leur population, trente-deux pays africains auraient besoin de 9,67 milliards d'euros même si leurs gouvernements consacraient, comme ils s'en sont fixé l'objectif, 15 % de leur budget national à la santé. Compte tenu de ces besoins, la Cour des comptes déplore que la Commission " ne joue pas un rôle essentiel alors qu'elle fait partie des cinq principaux bailleurs de l'Afrique avec la France, le Royaume-Uni, les Etats-Unis et la Banque mondiale ".

MANQUE D'EXPERTISE

L'effort accordé à la lutte contre les grandes maladies - sida, paludisme, tuberculose - s'est fait, souligne la Cour des comptes, au détriment du renforcement global des systèmes de santé. Même lorsque cela semblait peu justifié. Ainsi, " la Cour a constaté que pour lutter contre le sida, l'Ethiopie et le Mali ont reçu une aide extérieure supérieure au montant total de leur budget national de la santé alors que les taux de prévalence du VIH y étaient relativement faibles ".

Le manque d'expertise des fonctionnaires de la Commission est aussi présenté comme une des grandes faiblesses du dispositif européen. Le cas du Burundi, où la délégation européenne ne dispose d'aucun expert des questions sanitaires, illustre, parmi d'autres exemples, une situation jugée trop fréquente par la Cour des comptes.

Enfin, en ultime critique, le rapport déplore avec force l'absence de cohérence dans l'utilisation des différents instruments d'aide au secteur de la santé mis en oeuvre par la Commission. Dans une réponse reproduite à la fin du rapport, cette dernière répond point par point aux critiques formulées par la Cour des comptes. Sans véritablement les récuser.

Laurence Caramel
© Le Monde

01/01/2009

De l'aide charitable à la dette écologique

Sans doute des avancées importantes mais il y a encore beaucoup de chemin à faire. Y arriverons-nous avant qu'il ne soit trop tard ? That is the question ! Elle n'est pas banale !!!


2 janvier 2009 l
Analyse




Méfiez-vous de l'eau qui dort. La conférence des Nations unies sur le climat, qui s'est tenue en décembre à Poznan, en Pologne, devait être une conférence de transition. Dans l'attente de la nouvelle administration de M. Obama, qui marquera en 2009 le retour des Etats-Unis sur la scène de la diplomatie climatique, les sujets traités devaient être " techniques ", c'est-à-dire n'engageant pas de décision de fond. Mais un thème s'est imposé par surprise dans les discussions, celui des finances. Il a des implications énormes et touche au coeur même de ce qui est en jeu dans ces négociations engagées depuis 1992, avec la convention sur le changement climatique signée à Rio de Janeiro : quel nouveau partage des responsabilités, et donc quelle économie mondiale, implique la nécessité de gérer à l'échelle planétaire les soubresauts possibles de la machine climatique ?

A la base, ce constat : même si l'on parvient dans l'avenir à limiter le changement climatique, il n'en est pas moins à l'oeuvre et va faire sentir de manière croissante ses conséquences négatives - d'abord et principalement sur les pays tropicaux. Or ceux-ci sont le plus souvent en voie de développement et manquent de moyens pour s'adapter. Ils ne sont par ailleurs pas responsables du désordre climatique, puisque celui-ci résulte, selon l'interprétation scientifique dominante, des gaz à effet de serre émis par les pays riches depuis la révolution industrielle du XIXe siècle - même si les pays émergents ont depuis quelques années des émissions très significatives. Il est donc juste que les pays riches contribuent financièrement à aider les pays pauvres à s'adapter.

Tout le monde est d'accord sur ces principes. Ils ont conduit à la mise en place d'un Fonds d'adaptation, financé par un prélèvement de 2 % des recettes générées par le mécanisme de développement propre (MDP). Celui-ci est un dispositif du protocole de Kyoto permettant à une entreprise d'un pays du Nord de gagner des " crédits d'émissions de gaz carbonique " en réalisant dans un pays du Sud un projet réduisant des émissions de gaz à effet de serre. Ces crédits seront valorisés sur le marché du carbone, en cours de constitution à l'échelle mondiale.

Une première passe d'armes entre pays occidentaux (et le Japon) et pays du Sud a porté sur le contrôle du Fonds d'adaptation. Elle s'est conclue en deux temps par la victoire du Sud : à Bali, en 2007, ils ont obtenu d'être nettement majoritaires dans l'organe de commande du fonds. Puis à Poznan, ils ont reçu l'assurance que les Etats bénéficiaires auraient un " accès direct " aux crédits que le fonds dispensera. Autrement dit, ces Etats n'auront pas à passer par des intermédiaires tels que Banque mondiale ou tout autre organisme mis en place par les " bailleurs de fonds ". L'intermédiaire est en principe chargé de veiller au bon usage des crédits - en réalité, son " don " crée une relation de sujétion. Cette victoire signifie que les pays du Sud sont passés de l'état de récipiendaire irresponsable d'une aide dispensée par un donateur généreux mais sévère à la position de personnes récupérant leur dû et le gérant selon leurs souhaits.

On ne saurait surestimer l'importance de cette mutation, qui traduit le renversement de la subordination des nations pauvres par rapport aux riches. Ce qui la rend possible, c'est le fait que l'argent en cause n'est pas un don fait par les pays les plus développés, mais le remboursement d'une dette écologique : par leur développement industriel, les pays du Nord ont lancé le processus du changement climatique, causant des désagréments aux autres et handicapant le développement de ceux-ci. Ils ont ainsi profité du bien commun qu'est l'atmosphère. Ils doivent donc rembourser ce qu'ils ont pris.

UN ENJEU ÉNORME

Dans la mesure où le fonds ne devrait rassembler que des montants modestes (moins de 100 millions d'euros en 2009, et environ 500 millions en 2012, sur la base du prix d'une tonne de CO2 à 15 euros, selon ClimatSphère, n° 14, de la Caisse des dépôts et consignations), cette victoire pourrait paraître symbolique. Mais la partie s'est poursuivie par une deuxième manche, dans laquelle les pays du Sud ont demandé que le prélèvement de 2 % alimentant le fonds ne porte pas seulement sur le MDP, mais sur l'ensemble des marchés du carbone. Ce sont alors des sommes approchant les centaines de milliards d'euros qui échapperaient au contrôle des pays du Nord. C'est bien le montant nécessaire : selon une étude du secrétariat de la convention sur le climat (UNFCCC, " Investment and Financial Flows to Adress Climate Change, an Update ", 2008), " les estimations des flux financiers nécessaires pour l'adaptation restent de l'ordre des dizaines de milliards de dollars, voire des centaines, chaque année ". Pour prendre la mesure de ce chiffre, rappelons qu'en 2005 l'aide publique au développement était de l'ordre de 100 milliards de dollars.

Des sommes considérables, versées de facto par les pays du Nord et sur lesquelles ceux-ci n'auraient qu'un contrôle partiel : l'enjeu est énorme. Il sera au coeur de la conférence de Copenhague, fin 2009. Il concrétise ce qui émerge progressivement du changement climatique lui-même et de la négociation internationale à laquelle il donne lieu : la restructuration de l'ordre économique mondial.

A Poznan, les Occidentaux - en fait, les Européens, en l'absence des Etats-Unis - ont répondu non aux pays du Sud sur l'extension du prélèvement de 2 % sur les marchés du carbone. On ne peut préjuger de l'attitude des Etats-Unis ni des Européens d'ici à un an, mais les diplomates laissaient entendre que cette revendication pourrait être satisfaite, sous condition d'un accord global impliquant un engagement de réduction des émissions par les pays émergents.

Indépendamment de ce principe politique global, deux éléments compliquent la discussion. D'une part, la corruption et l'évasion fiscale, qui minent déjà l'efficacité de l'aide au développement, devront être maîtrisés d'une manière ou d'une autre, alors même que le système financier est totalement fragilisé depuis l'éclatement de la crise à l'été 2007. La création de flux financiers basés sur une monnaie virtuelle, le crédit carbone, induit ici des problèmes nouveaux et énormes. D'autre part, les pays du Sud font face au défi d'une gouvernance collective dont ils n'ont pas vraiment l'expérience. Vouloir se substituer aux maîtres du jeu économique est une chose ; en assumer efficacement les responsabilités en est une autre.

Hervé Kempf

Service Planète

Pour télécharger cet article cliquer ici.