23/07/2010

Au Niger, 7 millions de personnes souffrent de la faim

 
 24 juillet 2010
 La sécheresse, qui sévit depuis fin 2009, a décimé le bétail et fait grimper les prix des denrées alimentaires

Les femmes nigériennes ont une expression terrible pour qualifier la catastrophe qui frappe une nouvelle fois leur terre asséchée : elles l'appellent " Ba Kanta " : crise sans issue. Au Niger, pays au coeur de la bande sahélienne de l'Afrique, encore marqué par la grande famine de 2005, la situation alimentaire n'a cessé de s'aggraver depuis le début de l'année, suscitant des inquiétudes croissantes.
Plus de 7 millions d'habitants, presque la moitié de la population, sont menacés par la faim. La malnutrition est particulièrement alarmante chez les enfants en bas âge : selon un récent sondage gouvernemental, le taux de malnutrition aiguë est passé entre 2009 et 2010, de 12,3 % à 16,7 % chez les moins de cinq ans. Or, pour l'Organisation mondiale de la santé (OMS), à 15 % le seuil d'urgence est atteint.
Le programme alimentaire mondial des Nations unies (PAM) a annoncé, mardi 20 juillet, une augmentation massive de ses opérations d'assistance dans le pays. Début juillet, le PAM avait déjà doublé le nombre de Nigériens (de 2,3 millions à 4,6) à qui il prévoyait de fournir une aide alimentaire vitale en 2010. Désormais, il projette de nourrir 7,9 millions de personnes d'ici à la fin de l'année.
" Nous entamons une course contre la montre pour augmenter l'envergure de nos opérations aussi rapidement que se propage la faim ", déclarait, mardi, Josette Sheeran, la directrice exécutive du PAM, lors de son arrivée au Niger. " Le pays n'en est pas encore au stade de la famine, mais si on n'agit pas vite, on y va tout droit ", appuie Fatouma Seid, responsable des interventions d'urgence de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), en Afrique de l'Ouest.
Fin 2009, les pluies insuffisantes et erratiques ont amputé la campagne agropastorale, avec une baisse de 30 % de la production céréalière et de près de 70 % de la récolte fourragère destinée aux cheptels. Une perte qui a aggravé la situation déjà difficile provoquée par la hausse constante des prix des denrées alimentaires, lesquels demeurent obstinément élevés.
Depuis des mois, nombre de paysans sont déjà entrés en " période de soudure ", ce laps de temps entre l'épuisement des réserves et la nouvelle récolte, et qui s'étend normalement d'avril-mai à septembre-octobre. " Cette période est d'autant plus difficile cette année, qu'elle a commencée dès février pour beaucoup de familles ", souligne Anne Boher représentante de l'Unicef au Niger.
La population en est réduite à adopter des stratégies de survie. Le nombre de repas quotidiens est rationné, de trois il passe à un. Certains ont recours à la cueillette de plantes sauvages. Les familles s'endettent, vendent leurs quelques têtes de bétail afin de pouvoir se nourrir. " Le bétail, c'est tout leur capital, insiste Jean-Denis Crola de l'ONG Oxfam, or, celui-ci a perdu de sa valeur en raison de son état ". Une vache qui valait encore en janvier 150 000 francs CFA (230 euros) n'en vaut plus que 5 000. Aussi, cette année, des familles entières - et pas seulement des hommes comme cela arrive habituellement lors de la saison sèche - ont gagné les zones urbaines dans l'espoir d'y gagner un peu d'argent pour acheter de la nourriture.
" La nourriture est disponible sur les marchés locaux mais à des prix très élevés. Il faut pouvoir y avoir accès. ", relève Anne Boher. Au-delà de la distribution de vivres, l'aide internationale met l'accent sur les activités dites de " travail contre argent " afin de remettre en état les pâturages et mener des travaux de lutte contre l'érosion.
La priorité de la FAO est aussi de livrer des semences et des engrais aux agriculteurs pour la campagne de semis en cours, et d'acheminer du fourrage pour les animaux. " Il est essentiel de protéger les sources de revenus. Là où la nourriture existe, il faut faire vivre l'économie ", souligne Jean-Denis Crola. Et Fatouma Seid d'insister : " Si l'on veut éviter les crises à répétition, il faut, au-delà de la distribution de vivres en nature, apporter une aide plus structurelle. "
Autre enseignement tiré de la crise de 2005 : la nécessité de faire de la prévention en matière de malnutrition infantile. " Il est très important de prendre en charge les enfants dénutris tant qu'ils sont encore à un stade modéré afin d'éviter qu'ils ne basculent dans la malnutrition sévère ", insiste Michel-Olivier Lacharité, responsable des programmes de Médecins sans frontières (MSF) au Niger. Le PAM complète donc les apports nutritionnels distribués par des rations normales auprès des familles, afin que les produits destinés aux enfants ne soient pas partagés avec les adultes.
" Une des grandes différences par rapport à 2005, relève Marie-Pierre Allié, présidente de la section française de MSF, est la reconnaissance politique de la crise par le gouvernement nigérien ". De fait, alors que le régime du président Mamadou Tandja, tombé le 18 février, tentait de minimiser l'ampleur de la crise, la nouvelle junte militaire a fait de la lutte contre les risques de famine, une priorité. Dès le mois de mars, elle développait des actions de distribution gratuite de vivres et de vente à bas prix de céréales, tout en lançant un appel aux bailleurs internationaux. " Cette attitude a favorisé une meilleure coordination entre gouvernement, organismes internationaux et ONG, dans la réponse apportée ", insistent Michel-Olivier Lacharité et Mme Seid.
Reste que les financements demeurent insuffisants. Il manque 206 millions de dollars (160 millions d'euros) sur les 348 millions nécessaires selon l'appel lancé début juillet par les Nations unies. Or, il y a urgence. " La saison des pluies arrive. Il est donc essentiel que les gens aient les moyens de relancer leur production pour réduire leur vulnérabilité et éviter que ne se reproduise le cercle vicieux de la crise ", insiste Patricia Hoorelbeka, responsable d'Action contre la faim, en Afrique de l'Ouest. " Plus on attend, plus la crise s'aggrave et plus cela coûtera cher en termes d'aide d'urgence... ", confirme Mme Seid, de la FAO.
Laetitia Van Eeckhout
© Le Monde
Les autres pays du Sahel également touchés
Dix millions de personnes sont aujourd'hui concernées par l'insécurité alimentaire dans la bande sahélienne de l'Afrique de l'Ouest et de l'Afrique centrale.
Si le coeur de la crise se trouve au Niger, où 7 millions de personnes sont menacées par la faim, la situation n'est pas moins alarmante au Tchad, pays voisin, où 2 millions d'habitants sont aussi confrontés au spectre de la famine. Le Programme alimentaire mondial y a distribué des vivres à près de 850 000 personnes, multipliant ses centres d'intervention (de 36 en mars à 140 d'ici à quelques semaines).
Selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), 600 000 personnes sont aussi touchées au Mali ; 370 000 en Mauritanie ; 465 000 au Burkina Faso, et quelques dizaines de milliers dans le nord du Nigeria.

21/07/2010

La planification des naissances en Afrique subsaharienne

 
22 juillet 2010
A cinq ans de l'échéance des Objectifs du millénaire (OMD) pour le développement fixés par les Nations unies, il en est un dont l'atteinte est encore moins probable que tous les autres : celui de l'accès à " la médecine procréative universelle d'ici à 2015 ", objectif qui inclut l'accès à la contraception pour toutes les femmes. " Entre 2000 et 2007, relève le rapport 2010 de l'ONU, le taux annuel d'augmentation de la prévalence contraceptive était plus bas que pendant les années 1990 dans presque toutes les régions. " En clair, dans ce domaine, on ne progresse pas, on régresse. Surtout en Afrique subsaharienne. Et pourtant, la réussite de cet objectif-là conditionne pratiquement tous les autres, compte tenu de la formidable croissance démographique à l'oeuvre sur le continent noir.
Il faut savoir que la planification familiale ne figurait pas dans les objectifs initiaux mais a été rajoutée par la suite, en 2005, à la demande des organisations non gouvernementales. Mais le forcing humanitaire ne suffit pas. Les bailleurs de fonds ne suivent pas : " L'aide à la planification familiale en pourcentage de l'aide globale a fortement diminué entre 2000 et 2008, passant de 8,2 % à 3,2 %. " Enfin, les pays africains eux-mêmes montrent peu d'empressement à lancer des politiques de contrôle des naissances.
Résultat : la proportion utilisant " une méthode quelconque de contraception chez les femmes de 15 à 49 ans, mariées ou en union " est la plus faible au monde. Elle ne dépasse pas 22 %, contre 86 % en Asie de l'Est, 72 % dans la zone Amérique latine et Caraïbes. Même lorsqu'elles le souhaitent, les femmes ne parviennent pas toujours à avoir accès à la contraception. En Afrique subsaharienne, entre 25 % et 35 % des besoins seraient insatisfaits pour des questions de coût ou de distance à parcourir pour accéder à la contraception.
Dans le même temps, la fécondité reste, à l'exception notable du Maghreb et de l'Afrique du Sud, extraordinairement élevée en Afrique. Contrairement au reste du monde en développement, la transition démographique n'y est pas engagée, loin de là. Quand l'Asie et l'Amérique latine affichent des taux de fécondité de respectivement 2,3 et 2,2, l'Afrique subsaharienne compte en moyenne 4,9 enfants par femme, jusqu'à 5, 4 en Afrique centrale et 5,1 en Afrique de l'Ouest. Dans ces mêmes régions, l'utilisation de la contraception tourne autour de 10 %, atteignant 15 % dans les seuls Ghana et Burkina Faso. Selon le démographe Jean-Pierre Guengant, l'Afrique, qui vient tout juste de dépasser le milliard d'habitants en 2009, atteindra 2 milliards en 2050. Ce rythme est-il tenable ? Poser la question, c'est y répondre.
Et ce d'autant plus que les sociétés africaines n'évoluent pas, de ce point de vue aussi, dans le sens que l'on suppose. Selon les enquêtes d'opinion, le nombre " idéal d'enfants " voulu par les 15-19 ans reste très proche de celui rêvé par leurs aînés de 40 ans et plus.
Après les années Bush, qui ont coupé les vivres de tous les programmes liés à la contraception et à l'avortement, l'administration Obama a débloqué 1,3 milliard de dollars (1 milliard d'euros) sur deux ans pour la planification familiale. Le récent G8, qui s'est réuni à Toronto, y a ajouté 5 milliards de dollars auxquels ont été apportés 2,3 milliards de dollars de l'aide espagnole et de la Fondation Gates. Une somme encore très éloignée des besoins estimés par les ONG (15 milliards de dollars) et dont on ne sait pas encore " quelles actions précises " elle financera, comme le rappelle Julien Potet, d'Oxfam France. Elle ne sera pas de trop pour remettre sur les rails de véritables politiques de planification familiale.
Alors que les liens entre démographie et croissance économique sont forts et évidents, les bailleurs, comme les gouvernements africains, feignent de penser que toutes les questions seront résolues par la lutte contre la pauvreté et surtout par l'accès à l'éducation. Il est incontestable que l'usage de contraceptifs est quatre fois plus élevé chez les femmes ayant reçu une éducation secondaire que parmi celles qui n'ont reçu aucune éducation. Mais l'éducation n'est pas pour autant un moyen de contraception et la posture qui consiste à attendre que les femmes aient fréquenté l'école pour voir augmenter le recours à la contraception apparaît à la fois coupable et méprisante à l'égard des femmes les plus pauvres et les moins éduquées.
Enfin, agir sur la planification, c'est également agir pour le droit des femmes à disposer d'elles-mêmes. Mais c'est aussi éviter grossesses précoces et grossesses rapprochées. En Afrique subsaharienne, pour 1 000 femmes qui mettent des enfants au monde, 121 ont entre 15 et 19 ans, contre 31 pour 1 000 en Afrique du Nord ou 44 pour 1 000 en Asie du Sud-Est.
Au fil du temps, l'écart se creuse entre les adolescentes les plus pauvres et les plus riches, les plus éduquées et les non-qualifiées, celles de milieu urbain et celles de la campagne... " Répondre aux besoins non satisfaits des femmes en matière de planification familiale (...) pourrait déboucher, selon l'ONU, à une diminution de 27 % de la mortalité maternelle chaque année, rien qu'en faisant passer le nombre annuel de grossesses non désirées de 75 à 22 millions. "
Brigitte Perucca

© Le Monde

05/07/2010

Niger : crise alimentaire


preparationrepas  Les hautes autorités du pays déclarent que le Niger traverse cette année une crise alimentaire destructrice.


Ce rendez-vous meurtrier depuis plusieurs années, n’a pas encore trouvé d’issue.  Pourtant, depuis novembre 2004, l’Etat nigérien a mis en place, dans le cadre du Dispositif National de Prévention et de Gestion des Crises Alimentaires, un système d’alerte précoce (SAP) qui permet d’intervenir rapidement dans les zones où les populations sont les plus vulnérables. Mais la mise en œuvre de ce plan d’urgence à un coût.  En 2004, il avait couté plus de 21 milliards et son financement avait  été assuré grâce la contribution exceptionnelles des différents partenaires du pays mais aussi au recettes générées par l’opération de vente à prix modéré des céréales.


En 2010, cette nouvelle crise place le Niger comme un des principaux défis humanitaires à venir.
Selon les autorités locales, plus de 3,4 millions de personnes ont besoin d’une assistance humanitaire urgente. Si rien n’est fait rapidement, cette situation mettra en danger la vie des populations dont le niveau de vie est particulièrement faible.
Les zones les plus touchés sont principalement rurales et se situent dans la région de Tillabéry, Tahoua, Maradi, et Diffa, zone où Eau Vive intervient.

Même si cette situation cyclique nécessite des actions durables, elle requière aujourd’hui des actions d’urgence.
Non seulement 3,4 millions de personnes sont en situation d’assistance humanitaire urgente mais c’est 6,7 millions d’hommes, de femmes et d’enfants qui sont dans une situation de vulnérabilité.
Dans les communes du canton de Kornaka, zone d’intervention d’Eau Vive, 73 villages, soit 49 500 habitants dont 9 450 enfants de moins de 5 ans ont été recensées par le dispositif local du SAP comme vulnérables. On entend par vulnérable, les familles démunies du minimum vital. Eau Vive, présente dans cette zone, a décidé de venir en soutient à ces populations en danger.

Stratégies de survie.
Pour réduire l’intensité de la crise alimentaire les femmes ramassent des tiges de mil et  du bois morts pour les vendre. Elles gagnent ainsi environ 1 €/jour pour acheter de la farine de manioc, du sel et du tourteau. Le mélange de ces 3 ingrédients constitue un aliment très prisé en période de crise alimentaire.

Cet article provient de : "Eau Vive" : http://eau-vive.org/actualites-et-informations/actualites/197-niger-crise-alimentaire.html