16/11/2009

Toutes les conditions pour une nouvelle crise alimentaire sont réunies


17 novembre 2009

Olivier de Schutter, rapporteur des Nations unies, s'alarme, alors qu'un sommet mondial est réuni à Rome

ENTRETIEN

La faim, toujours. Et à des niveaux jamais atteints : sous l'effet de la crise économique, la barre du milliard de personnes souffrant de sous-alimentation a été franchie en 2009. Une situation à laquelle le Sommet mondial sur la sécurité alimentaire, organisé à Rome du lundi 16 au mercredi 18 novembre sous l'égide de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), tentera - une nouvelle fois - d'apporter des éléments de réponse. Le Belge Olivier de Schutter, rapporteur des Nations unies pour le droit à l'alimentation depuis 2008, s'alarme de la situation.

La situation s'est-elle améliorée depuis les " émeutes de la faim " de 2008 ?

Non. Toutes les conditions pour une nouvelle crise alimentaire dans un ou deux ans sont réunies. La question n'est pas de savoir si elle aura lieu, mais quand. Les causes structurelles de la crise alimentaire de 2008 - une brutale hausse des prix liée à des facteurs conjoncturels puis accélérée par la spéculation - restent en place. Il suffit d'une étincelle pour que la hausse des prix redémarre. On n'a pas tiré les leçons de la crise passée.

Pourquoi en est-on encore là ?

Depuis juin 2008, les prix agricoles ont fortement baissé sur les marchés internationaux. Mais sur les marchés locaux des pays en développement, ils restent bien plus élevés qu'il y a deux ou trois ans. Voici l'enjeu actuel : va-t-on continuer à miser sur un petit nombre de grands producteurs ou renforcer les petits fermiers, dont dépendent la majorité des populations des pays en développement ?

Avant même les émeutes de 2008, 900 millions de personnes souffraient de la faim, à cause des politiques menées ces dernières décennies : l'intervention des Etats dans la régulation des prix a été réduite, les producteurs les plus importants ont été aidés à développer des filières d'exportation et les petits fermiers s'en sont retrouvés marginalisés, ce qui a conduit à un exode rural massif.

Sentez-vous une évolution des élites ?

Dans les discours, on parle davantage de la petite agriculture familiale, mais on persiste dans des politiques d'encouragement des exportations. Le discours dominant est qu'il faut produire davantage, mais le vrai problème est qu'un milliard de personnes n'ont pas assez d'argent pour acheter la nourriture disponible.

Quand la FAO projette, pour nourrir 9 milliards de personnes en 2050, une obligation d'augmenter la production agricole de 70 % et de passer de 270 millions de tonnes de viande à 470 millions, elle élude la question de savoir s'il est raisonnable d'encourager la perpétuation d'un mode de consommation aux impacts très négatifs. Si tout le monde imitait le régime alimentaire des Etats-Unis, il faudrait six planètes.

Comment la question du climat affectera-t-elle l'agriculture ?

L'agriculture est déjà victime du changement climatique, avec une sécheresse qui a réduit de 20 % les récoltes cet été en Inde, avec une sécheresse récurrente en Amérique centrale... Les projections pour 2020 sont très inquiétantes. En même temps, l'agriculture est coresponsable de cette situation : 33 % des émissions de gaz à effet de serre lui sont attribuables. Amener l'agriculture à mieux respecter l'environnement suppose de passer à des modes de production agroécologiques.

Peut-on faire un lien entre libéralisation et environnement ?

Un récent rapport de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) conclut que commerce et environnement peuvent être complémentaires : le commerce favoriserait le transfert de technologies propres ; et avec le changement climatique, de plus en plus de régions vont se trouver en situation de déficit alimentaire et devront acheter plus à d'autres pour se nourrir. Ce qui manque, c'est une analyse de l'impact environnemental de l'agriculture d'exportation. Lorsqu'on produit pour l'exportation, on a recours à de larges plantations de monoculture, ce qui appauvrit les sols, provoque l'érosion, requiert beaucoup d'engrais et de pesticides.

Un autre aspect sur lequel ce rapport est très insuffisant est l'analyse des distances parcourues par les produits alimentaires des lieux où ils sont produits vers les lieux où ils sont consommés. Aujourd'hui, dans le monde, chaque produit alimentaire parcourt de 1 500 à 2 000 km. Or les circuits courts sont moins voraces en énergie et en carburant que les circuits longs. Il faut privilégier les cultures vivrières pour répondre aux besoins locaux, et déconcentrer la production alimentaire afin qu'elle soit la plus proche possible des lieux où elle est consommée.

Etes-vous favorable aux plantations pour compenser les émissions de gaz carbonique ?

Parmi les nombreuses raisons qui poussent à la spéculation sur la terre, il y a de grands projets de plantations qui sont liés à l'appât que représente le marché des droits à polluer. Je pense que c'est une solution trop commode, parce qu'elle nous dispense de réfléchir aux moyens de réduire notre consommation d'énergie.

Propos recueillis par Hervé Kempf et Clément Lacombe

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Climat : peut-on encore sauver le sommet de Copenhague ?


17 novembre 2009

Pour éviter une impasse début décembre, le Brésil et la France lancent une initiative ambitieuse La sécheresse est l'une des calamités pointées par les experts de la sécurité alimentaire réunis à Rome

Le sommet de Copenhague sur la lutte contre le réchauffement climatique s'annonce mal. Cette réunion mondiale, qui doit se tenir du 7 au 18 décembre dans la capitale danoise, a un objectif : idéalement, il s'agit, d'ici à 2050, de réduire de 50 %, par rapport à leur niveau de 1990, les émissions de gaz à effet de serre responsables de la hausse des températures sur la planète.

De l'avis quasi unanime des observateurs, la réunion ne devrait pas déboucher sur un traité engageant formellement les participants à une réduction sérieuse des émissions de CO2. Au mieux, Copenhague s'achèvera sur une décision politique ; la question est de savoir si elle sera contraignante ou non.

Principaux coupables le plus souvent désignés : les Etats-Unis et la Chine, c'est-à-dire les deux plus importants émetteurs de gaz à effet de serre dans le monde. Le président Barack Obama et son homologue chinois, Hu Jintao, évoquent des raisons différentes, pour défendre une position commune : il est trop tôt pour conclure à Copenhague.

Pour éviter cette impasse, le Brésil et la France tentent de rallier une majorité de pays parmi les plus pauvres en faveur d'un engagement contraignant à Copenhague. Nicolas Sarkozy et son homologue brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, proposent un accord en quatre points : baisse de 50 % des émissions d'ici à 2050 ; adoption par les pays riches de " trajectoires " devant les amener à aller au-delà, vers une réduction de 80 % de leurs émissions d'ici à 2050 ; engagement des pays en développement à " dévier substantiellement " de la tendance actuelle, qui voit le cours de leurs émissions s'élever année après année ; enfin, un soutien financier " nouveau et substantiel " du Nord en faveur des plus pauvres.

L'urgence d'un accord sur le climat est soulignée par les experts de la sécurité alimentaire, qui doivent se réunir en sommet mondial à Rome du 16 au 18 novembre. A l'instar du Belge Olivier de Schutter, que Le Monde a interrogé, ils pointent l'imminence d'une nouvelle crise alimentaire. Outre des raisons conjoncturelles - hausse des prix, notamment -, ils évoquent l'abandon dans laquelle est laissée l'agriculture familiale en Afrique et en Asie, mais aussi l'impact du réchauffement climatique, générateur de sécheresses.

Lire pages 4, 5, 6,

l'éditorial page 2, Débats page 22

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12/11/2009

Les énergies polluantes domineront en 2030


11 novembre 2009

Le débat énergétique est l'un des temps forts d'un nouveau hors-série du " Monde " : le " Bilan Planète 2009 ", en vente pour deux mois à partir du 10 novembre (162 pages, 9,95 ¤)
Le cri d'alarme de l'Agence internationale de l'énergie " Le Monde " publie un bilan sur l'état de la planète

Si les tendances actuelles se poursuivent, le gaz, le pétrole et le charbon seront toujours les sources d'énergie dominantes en 2030. Elles représenteront encore plus de 80 % de la consommation d'énergie sur la planète, indique le rapport annuel de l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Publié mardi 10 novembre, le document est un cri d'alarme - pour ne pas dire de désespoir - lancé à quelques semaines du sommet sur le climat qui se réunit à Copenhague à partir du 7 décembre.

La consommation d'énergie fossile - gaz, pétrole, charbon - est considérée comme la principale source d'émission de gaz à effet de serre, à l'origine du réchauffement climatique. Pourquoi ce retard dans l'adoption de nouveaux choix énergétiques ? Manque de volonté politique, dénonce l'ancien vice-président Al Gore dans un livre qui vient de paraître aux Etats-Unis. Lire pages 4 et 14

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Pour l'AIE, le statu quo énergétique met la planète sur " une trajectoire dangereuse "


11 novembre 2009

Dans son rapport 2009, l'Agence international de l'énergie exhorte les gouvernements à agir

Notre maison brûle " et nous continuons de regarder " ailleurs ". Le fameux cri d'alarme de Jacque Chirac au sommet mondial du développement durable de Johannesburg (2002) pourrait être mis en exergue de la dernière édition du rapport de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), publié le 10 novembre. Le World Energy Outlook 2009 ne pouvait mieux tomber à un mois de l'ouverture du sommet de Copenhague sur le changement climatique.

Non que le document de cette agence dépendant de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), contienne des recommandations très nouvelles ou des scénarios révolutionnaires pour limiter le réchauffement climatique. Mais son principal message, répété depuis quelques années, a au moins le mérite de la constance : il faut réduire l'empreinte carbone du secteur de l'énergie et instaurer " un "new deal" des énergies propres ". Et de toute urgence !

La crise économique offre une " chance unique " aux gouvernements de modifier en profondeur leurs choix énergétiques. La saisiront-ils ? Sans signal fort ni cadre international, les industriels ne prendront pas leurs responsabilités, estime-t-on au sein de l'AIE. Deux scénarios s'offrent aux pays de l'OCDE et aux nations émergentes : poursuivre la tendance actuelle, qui met la planète sur une " trajectoire dangereuse " ; ou investir massivement dans les économies d'énergie et les technologies peu émettrices de gaz carbonique.

Dans le premier cas, le charbon, le pétrole et le gaz représenteront 80 % de la consommation en 2030, note l'AIE. Et " plus des trois quarts de l'augmentation de la consommation d'énergie " d'ici là. La houille verra son importance croître, surtout dans la production d'électricité, et le pétrole restera dominant, même si part dans l'énergie passe de 34 % à 30 %. La température moyenne du globe augmenterait alors de 6 degrés en 2100, " causant des dégâts irréparables ".

Le second scénario est plus vertueux et ambitieux : adopter une stratégie permettant de ramener les émissions de CO2 à 450 parties par million (ppm), objectif fixé en 2007 par le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat des Nations unies, afin de limiter la hausse de la température à deux degrés. La consommation annuelle d'énergie augmenterait de 0,8 % (contre 1,5 % dans le scénario central). Mais il suppose une politique " radicale et coordonnée " dans le monde entier.

La politique la plus efficace, rappelle l'AIE, reste l'amélioration de l'efficacité énergétique. Il est notamment urgent de freiner la consommation électrique des pays développés, tout en " favorisant l'accès des populations des pays pauvres à l'électricité ". Or, 1,5 milliard d'êtres humains en sont privés, et ce nombre ne reculera que de 200 millions dans le scénario central de l'AIE. Sans électricité, il n'est pas de développement économique possible, insiste-t-elle.

" Il faut un signal clair "

L'agence plaide pour un développement de l'éolien, du solaire, des agro-carburants, du nucléaire et du captage-stockage du CO2. Et la fixation d'un prix de la tonne de carbone (50 dollars en 2020 dans les pays de l'OCDE). " Il faut un signal clair pour encourager le déploiement des technologies bas-carbone ", indique l'AIE.

Ces actions seront plus coûteuses que la politique du laisser-faire. L'AIE évalue le surcoût à 10 500 milliards de dollars (7 000 milliards d'euros) sur vingt ans, dont 4 700 milliards de dollars dans les transports, 2 500 milliards dans la construction et 1 700 milliards dans l'électricité. Une somme qui ne représentera que 0,5 % à 1,1 % de la richesse annuelle mondiale et qui sera " en partie compensée " par la forte réduction de la facture énergétique. La sécurité d'approvisionnement en serait aussi renforcée.

La rapidité de réaction des gouvernements est cruciale. " Chaque année qui passe réduit la fenêtre de tir " et " accroît le coût de la transformation du secteur de l'énergie ", prévient l'AIE, en espérant un " accord solide " à Copenhague. Les réunions préparatoires ont montré que la prise de conscience est là, notamment aux Etats-Unis et en Chine, mais que chacun fait prévaloir ses intérêts économiques.

Jean-Michel Bezat

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07/11/2009

Au Burkina Faso, les moustiquaires antipaludiques sont trop vite remisées

8 novembre 2009

Au bout de six mois, un habitant sur trois délaisse ce procédé efficace mais inadapté à l'habitat local

Contre le paludisme, responsable chaque année de plus de deux millions de décès, dont 90 % en Afrique, les moustiquaires imprégnées d'insecticide demeurent le meilleur moyen de lutte. Encore faut-il qu'elles soient utilisées à bon escient par les populations. D'où l'intérêt des campagnes de sensibilisation et de distributions gratuites, dont l'effet immédiat est avéré. Mais l'impact de ces campagnes, à plus long terme, n'avait jamais été évalué.

Au Burkina Faso, c'est désormais chose faite. Et le résultat est inquiétant : selon les chercheurs de l'Institut français de recherche pour le développement (IRD) et du centre Muraz/Institut de recherche en sciences de la santé (IRSS) du Burkina Faso, une personne sur trois arrête d'utiliser les moustiquaires au bout de six mois.

Pour aboutir à ce constat, les membres de l'équipe dirigée par l'anthropologue Marc-Eric Gruénais (IRD) ont passé trois ans dans le village de Soumousso, au sud-ouest du pays, où le paludisme est endémique. Ils y ont observé l'organisation de l'espace domestique dans 200 maisons, et interviewé, chaque mois, une centaine d'hommes et de femmes âgés de 15 à 60 ans. Au sortir de cette enquête, ils ont mieux compris pourquoi une telle proportion de la population, pourtant consciente du danger que représente le paludisme, abandonne l'usage des moustiquaires.

Risques d'incendie

Outre une certaine confusion sur les modes de transmission de la maladie (selon l'acception locale, elle peut certes être contractée par la piqûre d'un moustique, mais aussi s'il fait froid ou si l'on mange certains aliments), la réticence à utiliser cette protection de tissu provient pour l'essentiel des inconvénients que pose son utilisation quotidienne dans des maisons de petite taille, composées d'une ou deux pièces tout au plus.

" Durant la journée, expliquent les chercheurs, les nattes sont rangées le long d'un mur, tandis que les ustensiles de cuisine, les condiments et la nourriture sont répartis dans la pièce. La nuit, les objets sont placés dans les coins et les nattes sont étalées au centre. " Laisser la moustiquaire suspendue pendant la journée est donc fort incommode. Et non sans danger, compte tenu des risques d'incendie provenant du feu de cuisine.

Loin d'être anecdotique, cette étude montre la nécessité, si l'on veut accroître leur efficacité, de rendre les moustiquaires plus pratiques à utiliser dans le contexte familial. Elle suggère également que soient menées, auprès des populations, des campagnes d'information plus approfondies sur les risques et les modes de transmission du paludisme.

Cet impératif est d'autant plus grand au Burkina Faso que ce pays voit actuellement les moustiques devenir de plus en plus résistants aux insecticides, du fait de leur utilisation massive pour la production de coton. Le gouvernement a dû s'adapter à cette nouvelle donne : en 2010, il prévoit de distribuer gratuitement 6,6 millions de moustiquaires imprégnées d'insecticides différents de ceux utilisés actuellement, et dont " l'efficacité sur les moustiques des zones de production du coton est avérée ". Coût estimé : plus de 18 milliards de francs CFA (27,4 millions d'euros).

Dans ce pays de 15 millions d'habitants, classé parmi les plus pauvres du monde, le paludisme tue 15 000 personnes par an. Essentiellement des enfants de moins de 5 ans.

Catherine Vincent

© Le Monde

02/11/2009

Pastorale de la terre : collectivisation/privatisation des terres au Burkina-Faso et au Brésil.

Présentation faite par le père Joseph-Mukassa SOME au CDP de Clermont-Fd le 12/08/2008 sur la Pastorale de la terre : collectivisation/privatisation des terres au Burkina-Faso et au Brésil.

Lire le document "pdf" : le télécharger en cliquant ici.

Pour télécharger le diaporama de cette conférence, cliquer sur Mukassa Somé Pastora..>