04/04/2009

Les atouts des villes dans la lutte contre la pollution


5 avril 2009

De nombreuses métropoles affichent des émissions de CO2 par habitant très inférieures aux moyennes nationales

En matière de changement climatique, les villes ne sont pas le problème, mais la solution. Telle est la conclusion d'une étude publiée dans la livraison d'avril de la revue Environment and Urbanization, à contre-courant de la vision fataliste de métropoles concentrant toutes les tares environnementales : congestion automobile, étalement sans fin, déchets qui s'amoncellent et pollutions variées.

Alors que plus de la moitié de la population mondiale vit désormais en ville, la responsabilité des agglomérations dans le réchauffement global semble écrasante : celles-ci n'occupent que 2 % de la surface de la planète, mais elles concentrent 80 % des émissions de CO2 et consomment 75 % de l'énergie mondiale.

L'équation est trop simple, selon David Dodman, chercheur à l'Institut international pour l'environnement et le développement, à Londres. Car au-delà de l'effet de masse produit par les chiffres globaux, " beaucoup de villes ont des émissions par tête étonnamment faibles ", souligne-t-il dans Environment and Urbanization.

Calculés par habitant, les rejets de gaz à effet de serre de certaines villes sont nettement inférieurs à la moyenne du pays. Les rejets des New-Yorkais représentent moins d'un tiers de la moyenne des Etats-Unis ; chaque Barcelonais émet moitié moins de gaz à effet de serre que l'Espagnol lambda ; tout comme les Londoniens font deux fois mieux que les Britanniques. Au Brésil, même les tentaculaires Sao Paulo et Rio affichent des émissions per capita qui ne dépassent pas un tiers de la moyenne brésilienne.

De quoi encourager les efforts de villes telles que New York, Londres, Chicago ou Amsterdam, qui ont lancé ces derniers mois d'ambitieux plans climat, ou de l'agglomération de Curitiba, au Brésil, devenue, avec ses 4 millions d'habitants, un modèle de développement durable pour les pays émergents.

L'explication est connue, proclamée sur tous les tons par les professionnels de l'urbanisme : une ville compacte, mélangeant logements et activités et desservie par des transports en commun est moins polluante qu'un habitat individuel diffus fondé sur le règne automobile. La corrélation entre une faible densité urbaine et une quantité élevée de rejets de CO2 par habitant a été démontrée. L'éclairage et le chauffage des bâtiments génèrent un quart des émissions de gaz à effet de serre dans le monde et, selon les estimations de la Banque mondiale, les transports comptent pour un tiers des rejets dans les agglomérations.

" Les villes offrent une vraie chance de réduire le changement climatique, estime la directrice exécutive de l'ONU-Habitat, Anna Tibaijuka, dans le rapport sur "L'Etat des villes du monde 2008-2009". Des villes bien conçues procurent à la fois des économies d'échelle et la densité de population pour réduire la demande de ressources par habitant. Nos données montrent que les politiques qui promeuvent des transports publics efficaces, qui réduisent l'étalement urbain et qui encouragent l'utilisation d'énergies renouvelables peuvent réduire de manière significative l'empreinte écologique d'une ville et les émissions de CO2. "

Pour M. Dodman, désigner les villes comme coupables du changement climatique détourne l'attention du principal facteur d'émission de gaz à effet de serre : " Les vrais responsables ne sont pas les villes elles-mêmes, mais le mode de vie des habitants des pays riches, basé sur la surconsommation. "

Pourtant, observe le chercheur, le développement économique n'entraîne pas nécessairement d'accroissement de la pollution. Ainsi la ville de Tokyo émet-elle une quantité de gaz à effet de serre par tête équivalant à 45 % de la moyenne japonaise, très inférieure aux rejets par habitant de Pékin ou de Shanghaï, deux fois plus élevés que la moyenne chinoise.

Reste qu'au-delà des exemples vertueux, de nombreuses villes sont très loin des canons de l'urbanisme durable, dans les pays en voie de développement comme dans les Etats les plus riches. " Il y a toujours besoin de réduire drastiquement les émissions si l'on veut atteindre les objectifs de lutte contre le changement climatique ", avertit David Dodman.

Les transports sont responsables de 60 % des rejets de CO2 à Sao Paulo, métropole de la congestion automobile, contre 20 % à Londres ou New York, bien desservis par le métro. Et, aux Etats-Unis, pays de l'étalement pavillonnaire, la ville dense reste un défi, alors que la superficie totale des cent plus grandes agglomérations du pays s'est accrue de 82 % entre 1970 et 1990...

Les organisations internationales ont pris conscience que la bataille du climat se jouera dans les villes. Après la mobilisation récente de l'OCDE et de la Commission européenne, la Banque mondiale organise, fin juin, à Marseille, un symposium sur le thème " Ville et changement climatique ".

En retour, les municipalités revendiquent auprès de l'ONU une place à la table des négociations sur le climat. Leur credo, résumé par l'association Cités et gouvernements locaux unis : " Les solutions apportées au changement climatique mondial ne peuvent être viables si les gouvernements locaux ne sont pas intégrés à part entière dans le processus de prise de décisions. "

Grégoire Allix

© Le Monde

L'acheteur parisien ou l'ouvrier pékinois ?
Les consommateurs parisiens doivent-ils se voir imputer une partie des rejets de CO2 des ouvriers de Shanghaï ? En Europe, mais aussi à Tokyo et à Rio, la réduction des émissions de gaz à effet de serre est largement due à la délocalisation de l'industrie, notamment vers la Chine, où 20 % à 30 % des émissions proviennent de productions destinées à l'exportation. Les usines sont ainsi responsables de 80 % des rejets à Shanghaï et de 65 % des émissions à Pékin, contre seulement 7 % à Londres et 10 % à New York ou à Tokyo, rappelle David Dodman dans la revue Environment and Urbanization. Le chercheur préconise ainsi une mesure des émissions basée non sur la production, mais sur la consommation, via l'empreinte écologique individuelle, qui attribue au consommateur l'impact écologique de ce qu'il achète. Une analyse qui rejoint la demande, formulée, le 16 mars, par la Chine, que ses émissions de gaz à effet de serre liées à ses exportations soient exclues des négociations sur le climat.

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