14/04/2009

La crise alimentaire, oubliée du G20

15 avril 2009

En ce début de printemps, les seuls marchés internationaux à ne pas souffrir du marasme économique ambiant sont ceux des produits agricoles. Alors que le pétrole hésite au seuil des 50 dollars le baril, que les métaux frémissent à peine, que des produits aussi divers que l'acier ou le caoutchouc stagnent à des niveaux de prix qui sont à peine le tiers de ceux de 2008, les marchés agricoles racontent une tout autre histoire.

Il y a un an, le monde découvrait des images d'émeutes de la faim provoquées par la flambée des prix agricoles mondiaux. Les tensions sur les marchés du blé, du riz, du maïs, faisaient la " une " des journaux, et le monde, réuni en juin 2008 à Rome par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), s'inquiétait du devenir alimentaire de la planète. Depuis, il y a eu l'exceptionnelle récolte 2008-2009, avec 2,2 milliards de tonnes de céréales, une hausse de plus de 5 %. Et les prix mondiaux ont perdu la moitié de leur valeur en quelques mois, si on fait référence aux niveaux les plus extrêmes atteints en 2008. Mais si l'on y regarde de plus près, cette chute des prix agricoles a été la plus faible de tous les marchés de matières premières, la plus logique aussi si l'on s'en tient aux fondamentaux de l'offre et de la demande. Mais la crise est passée par là ; d'autres soucis sont venus au premier plan. L'agriculture ne fait plus la " une " et lorsque, en janvier, une nouvelle conférence s'est tenue à Madrid, elle n'a guère suscité d'intérêt.

Pourtant, il a suffi de quelques petits accidents pour que les marchés agricoles rebondissent à nouveau : une sécheresse en Amérique du Sud, surtout en Argentine, a provoqué une baisse des productions de soja et de maïs ; la détermination du président Obama de développer un peu plus l'absurde programme éthanol américain - il consomme désormais plus du tiers du maïs local ; l'annonce d'une nette baisse (- 2,8 %) des emblavements aux Etats-Unis ; des prévisions de recul de la production mondiale de grains en 2009-2010 en situation climatologique correcte (on parle de 3 % à 4 % de baisse), mais qui sait s'il pleuvra cet été sur les grandes plaines américaines ? Le résultat est que les prix des grains se tendent à nouveau, notamment ceux du maïs et du soja, et que le spectre des pénuries alimentaires ressurgit, atteignant aussi, cette fois, les pays bénéficiaires de la rente pétrolière, qui auront, en 2009, moins de moyens de les pallier qu'ils n'en avaient en 2008.

En un an, rien n'a donc vraiment changé. Les promesses de Rome n'ont pas été tenues. Au G20, à Londres, on a parlé un peu de développement, mais pas du tout de politiques agricoles. La crise économique nous aurait-elle rendus autistes ? La FAO réclame 30 milliards de dollars (23 milliards d'euros) destinés à être investis dans l'agriculture. Mais son inefficacité passée fait de cette institution onusienne une partie du problème plutôt que sa solution. A tout prendre, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) est plus réaliste lorsqu'elle autorise les pays en développement à mettre en place les barrières nécessaires pour protéger leurs politiques agricoles. Mais encore faut-il pouvoir les financer, et ce n'est manifestement pas dans les priorités d'une planète très occupée à éteindre les incendies allumés par des banquiers pyromanes.

Alors, les prix agricoles remontent ; des déficits alimentaires réapparaissent ; un milliard d'hommes mangent mal ; rien ne bouge. Il est vrai que, du point de vue macroéconomique, la baisse des immatriculations d'automobiles est autrement plus importante...

Philippe Chalmin

université Paris-Dauphine

© Le Monde

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