9 avril 2009
Le débat reste vif sur le meilleur moyen de contraindre les industriels à réduire leurs émissions de CO2
Soupçonnée d'être un instrument déguisé de protectionnisme, la taxe carbone aux frontières, proposée par la France en 2008, avait discrètement disparu du débat, faute de recueillir une large adhésion au sein de l'Union européenne. Elle vient de faire une réapparition remarquée de l'autre côté de l'Atlantique où le secrétaire d'Etat à l'énergie, Steven Chu, n'exclut pas d'y recourir " contre ceux qui ne prennent pas d'engagements pour réduire leurs émissions " de CO2, le principal gaz responsable du réchauffement climatique.
Une proposition de loi déposée le 31 mars au Congrès par le démocrate Henry Waxman envisage également un " instrument d'ajustement aux frontières ", dont l'objectif serait de faire payer aux industriels le contenu en carbone des produits qu'ils importent aux Etats-Unis. La Chine a aussitôt réagi à ce qu'elle considère comme une mesure injuste et susceptible d'être dénoncée devant l'Organisation mondiale du commerce comme une entrave au libre-échange.
Il n'empêche : cette idée longtemps taboue plane désormais sur la négociation internationale sur le climat, qui doit aboutir en décembre à Copenhague. Avec la crise économique, la lutte contre le " dumping environnemental " reprend de la vigueur, même si les pays industrialisés du Nord portent la responsabilité historique du changement climatique, et admettent qu'il ne peut être demandé aux pays émergents un effort comparable aux leurs.
" La taxe carbone aux frontières reste une option ", a rappelé récemment le ministre français de l'écologie, Jean-Louis Borloo. Le paquet climat-énergie adopté en décembre par les Vingt-Sept prévoit que, en l'absence d'un accord à Copenhague, cette option soit étudiée.
Pour atteindre leurs objectifs de réduction d'émissions de CO2, les quelques pays ayant pris des engagements se sont dotés d'instruments économiques contraignants. " Sans dispositif qui fasse pression sur les opérateurs économiques, il est illusoire d'imaginer changer les comportements ", souligne Dominique Auverlot, du Centre d'analyse stratégique, rattaché à Matignon.
Outre le durcissement de la réglementation, il existe deux mécanismes pour faire baisser les émissions : une taxe intérieure sur les activités émettrices de CO2 ou un marché d'échanges de droits à polluer. Sur le papier, ce dernier mécanisme est simple : le montant des quotas alloués s'ajuste sur le volume des émissions souhaitées.
L'Europe s'est engagée dans cette voie en créant, en 2005, un système d'échanges de permis d'émissions qui, de totalement gratuit, deviendra en partie payant à partir de 2013 à travers un système d'enchères. Ce marché couvre la moitié environ des émissions de l'Union. Aux Etats-Unis, le président Barack Obama s'est également prononcé pour cette option.
Le débat est pourtant loin d'être clos. Les Prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz et Paul Krugman militent pour une taxe carbone intérieure. C'est aussi le cas du climatologue James Hansen, pour qui le marché est " inefficace et donne prise aux lobbies industriels pour négocier des dérogations en leur faveur ". " Le problème du marché est, en plus, qu'il faut des années pour le négocier, alors que nous n'avons pas le temps : il faut de toute urgence inverser la courbe des émissions ", explique-t-il.
En France, la Fondation Nicolas Hulot, qui vient de lancer une consultation populaire en faveur d'une taxe baptisée " contribution climat-énergie ", plaide pour un impôt progressif sur l'ensemble des consommations en énergie en fonction de leur contenu en carbone. Ce qui permettrait, notamment, d'inclure les transports. Pour ne pas alourdir la pression fiscale, cet impôt serait compensé par une baisse de la fiscalité sur le travail.
Qui a raison ? " Il ne faut pas opposer les instruments, l'un et l'autre peuvent être complémentaires ", explique Benoît Leguet, de la Mission climat de la Caisse des dépôts et consignations. Le protocole de Kyoto, s'il prévoit des échanges de quotas entre pays, laisse chacun totalement libre sur les moyens d'atteindre ses objectifs.
L'effondrement du prix de la tonne de carbone - passé de 30 à 10 euros en quelques mois - a cependant fragilisé les partisans du marché. A ce prix-là, quelle incitation peuvent avoir les industriels pour produire plus " propre " ?
Quoi qu'il en soit, les deux solutions - taxe ou marché - laissent pour l'instant entier le problème de perte de compétitivité posé par les industriels du ciment, de l'acier ou de l'aluminium, exposés à la concurrence des grands pays émergents. Sauf à aménager les contraintes, comme a promis de le faire l'Union européenne pour soulager ces secteurs. Mais au détriment de la lutte contre le réchauffement.
Une proposition de loi déposée le 31 mars au Congrès par le démocrate Henry Waxman envisage également un " instrument d'ajustement aux frontières ", dont l'objectif serait de faire payer aux industriels le contenu en carbone des produits qu'ils importent aux Etats-Unis. La Chine a aussitôt réagi à ce qu'elle considère comme une mesure injuste et susceptible d'être dénoncée devant l'Organisation mondiale du commerce comme une entrave au libre-échange.
Il n'empêche : cette idée longtemps taboue plane désormais sur la négociation internationale sur le climat, qui doit aboutir en décembre à Copenhague. Avec la crise économique, la lutte contre le " dumping environnemental " reprend de la vigueur, même si les pays industrialisés du Nord portent la responsabilité historique du changement climatique, et admettent qu'il ne peut être demandé aux pays émergents un effort comparable aux leurs.
" La taxe carbone aux frontières reste une option ", a rappelé récemment le ministre français de l'écologie, Jean-Louis Borloo. Le paquet climat-énergie adopté en décembre par les Vingt-Sept prévoit que, en l'absence d'un accord à Copenhague, cette option soit étudiée.
Pour atteindre leurs objectifs de réduction d'émissions de CO2, les quelques pays ayant pris des engagements se sont dotés d'instruments économiques contraignants. " Sans dispositif qui fasse pression sur les opérateurs économiques, il est illusoire d'imaginer changer les comportements ", souligne Dominique Auverlot, du Centre d'analyse stratégique, rattaché à Matignon.
Outre le durcissement de la réglementation, il existe deux mécanismes pour faire baisser les émissions : une taxe intérieure sur les activités émettrices de CO2 ou un marché d'échanges de droits à polluer. Sur le papier, ce dernier mécanisme est simple : le montant des quotas alloués s'ajuste sur le volume des émissions souhaitées.
L'Europe s'est engagée dans cette voie en créant, en 2005, un système d'échanges de permis d'émissions qui, de totalement gratuit, deviendra en partie payant à partir de 2013 à travers un système d'enchères. Ce marché couvre la moitié environ des émissions de l'Union. Aux Etats-Unis, le président Barack Obama s'est également prononcé pour cette option.
Le débat est pourtant loin d'être clos. Les Prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz et Paul Krugman militent pour une taxe carbone intérieure. C'est aussi le cas du climatologue James Hansen, pour qui le marché est " inefficace et donne prise aux lobbies industriels pour négocier des dérogations en leur faveur ". " Le problème du marché est, en plus, qu'il faut des années pour le négocier, alors que nous n'avons pas le temps : il faut de toute urgence inverser la courbe des émissions ", explique-t-il.
En France, la Fondation Nicolas Hulot, qui vient de lancer une consultation populaire en faveur d'une taxe baptisée " contribution climat-énergie ", plaide pour un impôt progressif sur l'ensemble des consommations en énergie en fonction de leur contenu en carbone. Ce qui permettrait, notamment, d'inclure les transports. Pour ne pas alourdir la pression fiscale, cet impôt serait compensé par une baisse de la fiscalité sur le travail.
Qui a raison ? " Il ne faut pas opposer les instruments, l'un et l'autre peuvent être complémentaires ", explique Benoît Leguet, de la Mission climat de la Caisse des dépôts et consignations. Le protocole de Kyoto, s'il prévoit des échanges de quotas entre pays, laisse chacun totalement libre sur les moyens d'atteindre ses objectifs.
L'effondrement du prix de la tonne de carbone - passé de 30 à 10 euros en quelques mois - a cependant fragilisé les partisans du marché. A ce prix-là, quelle incitation peuvent avoir les industriels pour produire plus " propre " ?
Quoi qu'il en soit, les deux solutions - taxe ou marché - laissent pour l'instant entier le problème de perte de compétitivité posé par les industriels du ciment, de l'acier ou de l'aluminium, exposés à la concurrence des grands pays émergents. Sauf à aménager les contraintes, comme a promis de le faire l'Union européenne pour soulager ces secteurs. Mais au détriment de la lutte contre le réchauffement.
Laurence Caramel
© Le Monde
A Bonn, les discussions sur le climat s'enlisent
La Conférence des Nations unies sur le changement climatique qui se tient, depuis le 29 mars, à Bonn (Allemagne) devait s'achever mercredi 8 avril. On a pu y constater un enlisement des discussions. La position de l'administration de Barack Obama, qui manifeste la volonté des Etats-Unis de participer pleinement à la lutte contre le changement climatique, est apparue assez imprécise sur un certain nombre de points. L'idée d'un " registre " dans lequel les pays du Sud inscriraient les actions qu'ils sont prêts à entreprendre et les besoins de financement qui leur sont nécessaires a cependant progressé.
Les diplomates se retrouveront à Bonn début juin. Les réunions vont se multiplier durant toute l'année, dans l'espoir de parvenir à un accord au sommet de Copenhague, en décembre.
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