23/03/2009

Le Forum mondial de l'eau s'achève sur une déception

24 mars 2009

Des habitants du village Abyei, au centre du Soudan, accèdent à l'eau d'un puits financé par l'ONU. JOHANN HATTINGH/AFP

Istanbul (Turquie) Envoyée spéciale





Le 5e Forum mondial de l'eau s'est achevé, dimanche 22 mars, Journée mondiale de l'eau, sur une large déception. La déclaration ministérielle finale, âprement négociée par les 142 délégations présentes à Istanbul, ne tire pas les conséquences de la publication, le 12 mars, du rapport de l'ONU sur les ressources en eau. Il appelait à " agir d'urgence " contre la menace d'une crise mondiale de la ressource, due à l'augmentation des besoins et aux effets du changement climatique. La déclaration apparaît aussi en décalage par rapport aux débats menés depuis l'ouverture du forum, le 9 mars, qui ont attiré 25 000 participants, et ont confirmé le constat de l'ONU.

La déclaration n'est pas un document contraignant : les Etats signataires gardent les mains libres. Mais le texte, élaboré sur la base du consensus, définit une vision commune, et il est censé constituer un document de référence pour les années à venir. " Ce n'est pas un traité international, mais une déclaration politique, commentaient les organisateurs. Elle aurait dû être l'occasion d'affirmer des engagements forts, qui font défaut. " L'absence de reconnaissance d'un " droit humain fondamental à l'accès à l'eau potable et à l'assainissement ", dont sont privés des milliards de personnes dans le monde, a focalisé les critiques. Jusqu'au dernier moment, l'Espagne, la France, la Suisse, les Pays-Bas, plusieurs pays d'Amérique latine ont tenté de le faire inscrire dans la déclaration, au nom des millions de morts causés chaque année par les maladies liées au manque d'accès à une eau saine.

" Ce droit serait la traduction d'une véritable responsabilisation des Etats, et la possibilité pour les communautés privées d'eau de mettre ce sujet en tête de leurs priorités, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui ", affirme Chantal Jouanno, la secrétaire d'Etat française, chargée de l'écologie. " Le droit à l'eau ne changerait pas les choses du jour au lendemain, affirme de son côté Jean Lapègue, de l'organisation non gouvernementale (ONG) Action contre la faim, mais permettrait de faire progresser l'accès à une eau saine et abordable pour tous. Ce n'est pas une contrainte, mais un levier d'action, notamment pour la recherche de financements. "

La principale opposition est venue de la délégation américaine. Ses représentants ont mis en avant l'impossibilité, pour les Etats-Unis, de mettre en oeuvre ce principe, la gestion de l'eau relevant des Etats confédérés. Mais c'est surtout la crainte que ce droit n'ouvre la voie à une obligation, pour les pays riches, de financer l'accès à l'eau dans les pays pauvres, qui a provoqué le blocage.

" Nous ne sommes pas sûrs d'avoir affaire à des diplomates représentant la nouvelle administration américaine... ", notaient certains observateurs, surpris par la contradiction entre cette position et les engagements du président Barack Obama en matière sociale et environnementale. Le Brésil, traditionnellement réticent à tout engagement concernant la gestion de ses abondantes ressources naturelles, et méfiant sur les implications concrètes de cette reconnaissance, y était également défavorable. Malgré tout, une vingtaine de pays, poussés par les délégations latino-américaines et l'Espagne, ont publié une déclaration séparée reconnaissant le droit à l'eau pour tous.

Le débat a aussi porté sur les eaux transfrontalières, objet de tensions récurrentes entre Etats. Certaines délégations africaines ont contesté la référence au respect des " accords existants " de partage des eaux entre pays, par lesquels ils s'estiment lésés et qu'ils souhaitent remettre en cause. Autre point de litige, la reconnaissance du rôle des collectivités locales dans la gestion de l'eau. Bien que ces dernières, proches des usagers, soient souvent considérées comme les plus aptes à gérer l'approvisionnement, la collecte et l'entretien des réseaux d'eau, certains Etats ne sont pas prêts à décentraliser cette compétence.

Ces tensions témoignent du refus de nombreux gouvernements d'accepter la moindre contrainte extérieure, même sans valeur juridique opposable, concernant une ressource stratégique, qui relève de la souveraineté nationale. " L'eau est gérée au niveau local. Il y a une forte réticence à prendre conscience qu'elle doit de plus en plus être considérée comme une ressource partagée et à raisonner de façon collective, commente Henri-Luc Thibault, directeur du Plan bleu, l'organisme du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), chargé d'étudier la Méditerranée. Les esprits ne sont pas encore mûrs. "

Si la portée de la déclaration a été amoindrie depuis le début du processus de discussion intergouvernemental, mené sous l'égide de la Turquie et du Conseil mondial de l'eau, co-organisateurs du Forum, elle marque toutefois une rupture par rapport au texte adopté lors du 4e Forum mondial de l'eau, en 2006 à Mexico, qui se contentait de réaffirmer la nécessité d'atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) - à savoir la réduction de moitié du nombre de personnes sans accès à l'eau et à l'assainissement d'ici à 2015.

En préambule, les Etats affirment pour la première fois " le besoin d'atteindre la sécurité hydrique ", dans un monde qui fait face à des " changements rapides et sans précédents : croissance de la population, migration, urbanisation, changement climatique, désertification, sécheresses, dégradation des sols, changement des modes de vie et des habitudes de consommation ". Ils s'engagent à agir pour " économiser l'eau ", notamment dans le secteur agricole, alors que la politique de progression de l'offre, par la construction de barrages ou les transferts d'eau, a jusqu'à présent été la seule option envisagée dans de nombreux pays.

Ils promettent aussi, et de façon inédite, de préserver les écosystèmes aquatiques et de lutter contre les pollutions. Le renforcement des lois sur l'eau, la réforme de la gestion institutionnelle du secteur, la lutte contre la corruption, et une participation du public aux décisions concernant l'eau font également partie des engagements d'Istanbul.

Gaëlle Dupont

© Le Monde

1 commentaire:

Anonyme a dit…

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