27 juillet 2011
Rome Correspondant
La réunion d'urgence à Rome n'a débouché sur aucune mesure concrète. Rendez-vous a été fixé mercredi à Nairobi
Pourtant, l'urgence était dans la bouche de tous les orateurs, de Jacques Diouf, le président de l'agence onusienne - " Il faut une aide internationale urgente et massive " - à Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture français - " Notre réunion ici est une question de vie ou de mort pour des dizaines de milliers de personnes ".
Chacun y a été de son appel à la générosité. " La population de Somalie est désespérée. Je lance un appel afin que vous puissiez aider la Somalie à ouvrir des couloirs humanitaires pour le transport de l'aide alimentaire ", a de son côté déclaré le vice-premier ministre somalien Mohammed Ibrahim.
" Sauver l'enfant le plus fort "
La sécheresse et la guerre civile en Somalie ont jeté sur les routes des milliers de personnes. Dans les deux provinces du Sud contrôlées par les insurgés islamistes chabab et où l'ONU a officiellement décrété l'état de famine, mercredi 20 juillet, 400 tonnes de vivres ont pu être distribuées dimanche par le Comité international de la Croix-Rouge.
Mais un accès plus large aux organisations humanitaires demeure pour l'heure interdite. Les victimes somaliennes affluent désormais dans les pays voisins touchés eux aussi par le même désastre climatique, créant des tensions avec les populations locales. On estime à 1 500 personnes le flux quotidien des réfugiés de Somalie vers le Kenya.
Les orateurs se sont relayés pour décrire l'horreur qu'ils ont vue. Revenu la veille d'une visite des camps de réfugiés au Kenya, M. Le Maire a décrit " un spectacle insupportable pour n'importe quelle conscience humaine ", alors que Josette Sheeran, la responsable du Programme alimentaire mondial (PAM) qui l'accompagnait a parlé de ces " femmes qui doivent abandonner sur le chemin de l'exil l'enfant le plus faible pour sauver le plus fort ".
Pour Mme Sheeran, qui a annoncé l'ouverture d'un pont aérien dès mardi vers Mogadiscio, seuls 40 % des enfants réfugiés pourraient survivre.
Mais, lundi, au moment de la conférence de presse finale, aussi bien M. Diouf que M. Le Maire ont éludé les questions sur le montant précis des sommes promises ou déjà versées par les contributeurs.
Or, selon les chiffres communiqués mercredi soir par l'Office de coordination des affaires humanitaires de l'ONU, il manque encore 1,14 milliard de dollars (837 millions d'euros) pour couvrir les besoins du Kenya, de la Somalie, de l'Ethiopie et de Djibouti. Ceux-ci sont évalués à 1,9 milliard de dollars pour 2011, dont 300 millions de dollars pour les deux mois à venir.
" Coup d'épée dans l'eau "
" Notre réunion devait faire le point sur l'état d'avancement des donations, sur les besoins, et préparer la conférence des donateurs de Nairobi dans deux jours ", s'est justifié le ministre français. " Cette réunion est un coup d'épée dans l'eau, c'est très décevant ", déplore Guillaume Grosso, directeur pour la France de l'ONG One.
Alors que l'Union européenne a fixé le montant de son aide à 100 millions d'euros, la France a annoncé le doublement de la sienne, à 10 millions d'euros. Mais l'Espagne (25 millions d'euros), la Norvège (50 millions d'euros) et le Royaume-Uni (59 millions d'euros) font mieux. La Banque mondiale a pour sa part annoncé l'octroi de 500 millions de dollars.
M. Le Maire, au nom de la présidence française du G20, a toutefois esquissé les contours d'une nouvelle politique d'intervention humanitaire. Celle-ci sera basée sur la rapidité de la riposte aux situations d'urgence grâce à la mise en place d'un " forum de réaction rapide " et la mise à disposition de stocks alimentaires dans les zones à risques.
Il a aussi évoqué une relance de l'agriculture locale durable grâce à la recherche dans le domaine des semences plus résistantes à la sécheresse et de la diffusion pour les agriculteurs d'un système d'assurance contre la volatilité des prix. Ces mesures devraient être finalisées avant le sommet du G20 de Cannes, en novembre. " C'est très bien, mais ce ne sont pas les décisions de novembre qui vont nourrir les affamés aujourd'hui ", souligne Guillaume Grosso.
La réunion de Rome a été aussi l'occasion pour les responsables de l'aide mondiale de reconnaître leurs erreurs : " Nous réagissons seulement quand il y a une crise ", a regretté M. Diouf. " Il manque une volonté politique ", condamne pour sa part la directrice de l'ONG britannique Oxfam, Barbara Stocking. Mercredi, à Nairobi, les donateurs sauront-ils la démentir ?
Philippe Ridet
La réunion d'urgence à Rome n'a débouché sur aucune mesure concrète. Rendez-vous a été fixé mercredi à Nairobi
Les 12 millions de personnes victimes de la plus grande sécheresse depuis soixante ans dans la Corne de l'Afrique devront attendre mercredi 27 juillet et la conférence des pays donateurs à Nairobi pour connaître l'ampleur de l'aide internationale qui leur sera octroyée.
Convoquée lundi à Rome, au siège de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), à l'initiative de la présidence française du G20, la réunion consacrée à cette crise alimentaire - qui a déjà dégénéré en famine en Somalie - n'a débouché pour l'instant que sur des déclarations de bonnes intentions et un calendrier.Pourtant, l'urgence était dans la bouche de tous les orateurs, de Jacques Diouf, le président de l'agence onusienne - " Il faut une aide internationale urgente et massive " - à Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture français - " Notre réunion ici est une question de vie ou de mort pour des dizaines de milliers de personnes ".
Chacun y a été de son appel à la générosité. " La population de Somalie est désespérée. Je lance un appel afin que vous puissiez aider la Somalie à ouvrir des couloirs humanitaires pour le transport de l'aide alimentaire ", a de son côté déclaré le vice-premier ministre somalien Mohammed Ibrahim.
" Sauver l'enfant le plus fort "
La sécheresse et la guerre civile en Somalie ont jeté sur les routes des milliers de personnes. Dans les deux provinces du Sud contrôlées par les insurgés islamistes chabab et où l'ONU a officiellement décrété l'état de famine, mercredi 20 juillet, 400 tonnes de vivres ont pu être distribuées dimanche par le Comité international de la Croix-Rouge.
Mais un accès plus large aux organisations humanitaires demeure pour l'heure interdite. Les victimes somaliennes affluent désormais dans les pays voisins touchés eux aussi par le même désastre climatique, créant des tensions avec les populations locales. On estime à 1 500 personnes le flux quotidien des réfugiés de Somalie vers le Kenya.
Les orateurs se sont relayés pour décrire l'horreur qu'ils ont vue. Revenu la veille d'une visite des camps de réfugiés au Kenya, M. Le Maire a décrit " un spectacle insupportable pour n'importe quelle conscience humaine ", alors que Josette Sheeran, la responsable du Programme alimentaire mondial (PAM) qui l'accompagnait a parlé de ces " femmes qui doivent abandonner sur le chemin de l'exil l'enfant le plus faible pour sauver le plus fort ".
Pour Mme Sheeran, qui a annoncé l'ouverture d'un pont aérien dès mardi vers Mogadiscio, seuls 40 % des enfants réfugiés pourraient survivre.
Mais, lundi, au moment de la conférence de presse finale, aussi bien M. Diouf que M. Le Maire ont éludé les questions sur le montant précis des sommes promises ou déjà versées par les contributeurs.
Or, selon les chiffres communiqués mercredi soir par l'Office de coordination des affaires humanitaires de l'ONU, il manque encore 1,14 milliard de dollars (837 millions d'euros) pour couvrir les besoins du Kenya, de la Somalie, de l'Ethiopie et de Djibouti. Ceux-ci sont évalués à 1,9 milliard de dollars pour 2011, dont 300 millions de dollars pour les deux mois à venir.
" Coup d'épée dans l'eau "
" Notre réunion devait faire le point sur l'état d'avancement des donations, sur les besoins, et préparer la conférence des donateurs de Nairobi dans deux jours ", s'est justifié le ministre français. " Cette réunion est un coup d'épée dans l'eau, c'est très décevant ", déplore Guillaume Grosso, directeur pour la France de l'ONG One.
Alors que l'Union européenne a fixé le montant de son aide à 100 millions d'euros, la France a annoncé le doublement de la sienne, à 10 millions d'euros. Mais l'Espagne (25 millions d'euros), la Norvège (50 millions d'euros) et le Royaume-Uni (59 millions d'euros) font mieux. La Banque mondiale a pour sa part annoncé l'octroi de 500 millions de dollars.
M. Le Maire, au nom de la présidence française du G20, a toutefois esquissé les contours d'une nouvelle politique d'intervention humanitaire. Celle-ci sera basée sur la rapidité de la riposte aux situations d'urgence grâce à la mise en place d'un " forum de réaction rapide " et la mise à disposition de stocks alimentaires dans les zones à risques.
Il a aussi évoqué une relance de l'agriculture locale durable grâce à la recherche dans le domaine des semences plus résistantes à la sécheresse et de la diffusion pour les agriculteurs d'un système d'assurance contre la volatilité des prix. Ces mesures devraient être finalisées avant le sommet du G20 de Cannes, en novembre. " C'est très bien, mais ce ne sont pas les décisions de novembre qui vont nourrir les affamés aujourd'hui ", souligne Guillaume Grosso.
La réunion de Rome a été aussi l'occasion pour les responsables de l'aide mondiale de reconnaître leurs erreurs : " Nous réagissons seulement quand il y a une crise ", a regretté M. Diouf. " Il manque une volonté politique ", condamne pour sa part la directrice de l'ONG britannique Oxfam, Barbara Stocking. Mercredi, à Nairobi, les donateurs sauront-ils la démentir ?
Philippe Ridet
© Le Monde
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