16/09/2011

Paludisme : progrès vers un vaccin

 
17 septembre 2011

Paludisme : progrès vers un vaccin


Inspection de moustiquaires imprégnées d'insecticide.
JOHN STANMEYER/VII
Testé sur 45 enfants africains, un vaccin de l'Institut Pasteur les a protégés à 70 %. Par ailleurs, l'efficacité à long terme de moustiquaires imprégnées d'insecticide est débattue




C'est la semaine des bonnes nouvelles dans la lutte contre le paludisme. Alors qu'un rapport rendu public lundi 12 confirme le recul de cette maladie en Afrique (Le Monde du 14 septembre), une équipe internationale conduite par le Pr Pierre Druilhe (Institut Pasteur, fondateur de l'initiative " vac-4-all ") annonce dans le New England Journal of Medicine des résultats très encourageants d'un candidat vaccin appelé MSP3.
Dans une étude préliminaire incluant 45 jeunes enfants au Burkina Faso, cette approche a induit une protection de 64 à 77 %. Jusqu'ici, la plupart des essais vaccinaux ont échoué, du fait de la complexité et de l'extrême variabilité du Plasmodium falciparum, le parasite responsable. La protéine MSP3 présente l'avantage d'être identique d'un parasite à un autre, laissant espérer une protection plus universelle. Si son efficacité se confirme lors de plus vastes études (déjà en cours), le vaccin pastorien pourrait bien concurrencer, et à bien moindre coût, le vaccin " RTS, S " (développé par GSK et soutenu par la Fondation Gates), en phase finale d'essai.
Autre bonne nouvelle sur le front de la prévention, la mortalité des enfants de moins de 5 ans a chuté de 23 % dans les foyers équipés de moustiquaires imprégnées d'insecticide, selon des données provenant de 22 pays, publiées le 6 septembre dans PLoS Medicine par Stephen Lim (université de Washington). Un taux à rapporter aux 800 000 décès annuels par paludisme en Afrique, continent de loin le plus touché. Quelques études menées dans des pays africains engagés dans des programmes de prévention avaient déjà conclu que les moustiquaires imprégnées réduisent significativement le nombre d'accès palustres et la mortalité infantile. Mais ces statistiques, parcellaires et obtenues dans des conditions " contrôlées ", ne permettaient guère de conclure sur l'ampleur des bénéfices en utilisation de routine.
Les chercheurs ont passé au crible 29 enquêtes menées dans 22 pays africains depuis 2000. Dans la majorité d'entre eux, l'équipement du foyer familial en moustiquaires de lit imprégnées d'insecticide a été suivi d'un recul de la mortalité infantile : - 76 % au Congo, - 68 % au Kenya, de l'ordre de - 10 % au Mali, au Nigeria et au Rwanda. Après pondération, la diminution moyenne est de 23 %. Parallèlement, la proportion d'enfants porteurs du parasite du paludisme dans le sang était abaissée de 20 % dans les familles possédant une moustiquaire.
Taux de résistance
Les auteurs de cette étude financée par la Fondation Gates voient là un argument de poids en faveur de la poursuite des programmes de prévention. " Ces données confirment notre impression d'un recul du paludisme en Afrique, mais elles restent assez globales, commente le Pr Martin Danis, du Centre national de référence du paludisme (Paris). Ainsi, on ne sait pas vraiment si les moustiquaires distribuées sont réellement utilisées chaque nuit, à la saison des pluies en particulier, et dans quelles conditions. " Surtout, les spécialistes français restent dubitatifs quant au succès à long terme de cette stratégie, au vu des résultats d'une étude de Jean-François Trape (chercheur à l'Institut de recherche pour le développement, IRD de Dakar) récemment publiés dans The Lancet Infectious Diseases. Chez les habitants d'un petit village du Sénégal, la distribution de moustiquaires imprégnées a fait sensiblement reculer les cas de paludisme en quelques semaines. Mais, moins de trois ans plus tard, une recrudescence des crises était déjà constatée dans la population, particulièrement chez les enfants de plus de 10 ans et les adultes. Et le taux de résistance des moustiques aux pyréthroïdes, insecticides de référence, avait grimpé en flèche.
" Le succès des moustiquaires imprégnées est fragile pour trois raisons, synthétise Jean-François Trape. D'abord, à cause du développement de résistances des anophèles aux insecticides. Ce phénomène, qui est en train d'exploser dans toute l'Afrique, paraît davantage préoccupant que celui des résistances des parasites aux antipaludéens. " Autre écueil : en prévenant les piqûres de moustique, les moustiquaires freinent l'acquisition de défenses immunitaires contre le paludisme chez les jeunes enfants. " Ceux-ci restent donc vulnérables, notamment aux formes graves, poursuit le chercheur. Enfin, la proportion d'individus porteurs de Plasmodium a chuté, mais ces parasites sont désormais beaucoup plus infectants. Il y a quelques années, il fallait plusieurs centaines de piqûres de moustiques infectés pour induire un accès palustre ; aujourd'hui, quelques-unes suffisent. "
Sandrine Cabut
© Le Monde

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