En avril dernier, l’équipe d’ARTE Reportage s’était rendue dans l’Est du Burkina Faso, sévèrement touché par la sécheresse, pour nous plonger dans le quotidien d’une famille Burkinabé.
A travers ce Blog vous découvrirez quelques unes de mes actions entreprises avec d'autres, dans le domaine de la coopération Nord-Sud et vous aurez aussi une petite idée des questions qui me préoccupent
08/06/2012
04/06/2012
Il faut aider les Africains à sauver le Mali
5 juin 2012
Editorial
C'était dans la dernière décennie du siècle précédent, il n'y a pas
si longtemps. Le Mali, cet immense pays de l'Afrique sahélienne, donnait
l'exemple. Il vivait une vraie démocratie. Ses présidents élus à la
loyale quittaient le pouvoir à l'issue de leur mandat, tout aussi
loyalement.
Le pays est pauvre. L'indice de développement de l'ONU le
place parmi les plus dépourvus de la planète. Mais il ne manquait pas
d'atouts. Il s'y pratiquait un islam tolérant. Un fort sentiment
national transcendait une grande multiplicité ethnique - Mandé, Soninké,
Peul, Sonhraï, Touareg et Maures. La fierté malienne, ce n'était pas
qu'une expression pour guides de tourisme.
Aujourd'hui, le Mali est en voie de " somalisation ". C'est
un Etat en passe d'éclater : pouvoir central chancelant ; territoire
coupé en deux ; guerre civile, voire religieuse, menaçante. Chaque jour
qui passe accentue la décomposition du pays. Ce n'est pas seulement une
tragédie locale : toute l'Afrique sahélienne se trouve menacée de
déstabilisation.
Ce week-end, le président de l'Union africaine (UA), le
Béninois Thomas Boni Yayi, a lancé un nouveau cri d'alarme. Il somme le
Conseil de sécurité de l'ONU de se réunir d'urgence. Il réclame un feu
vert des Nations unies pour la mise sur pied d'une force africaine
d'intervention. Il veut une ingérence militaire afin de sauver le Mali
avant qu'il ne soit trop tard.
Il a raison. La confusion règne, au sud comme au nord du
pays. Depuis deux mois, le Mali est coupé en deux. A la faveur d'un coup
d'Etat qui a renversé fin mars le président élu, une rébellion de
Touareg et d'islamistes s'est emparée du nord du pays.
Regroupée dans le Mouvement national de libération de
l'Azawad, la rébellion touareg veut un Etat indépendant. Elle a chassé
l'armée malienne de la région avec l'aide des djihadistes de
l'organisation Ansar Eddine, alliée d'Al-Qaida. Celle-ci entend créer
dans le Nord malien un Etat indépendant, certes, mais islamiste aussi,
où la charia s'imposerait de façon la plus brutale et la plus
intransigeante. Une partie des Touareg ne seraient pas d'accord, et
seraient prêts à s'opposer à Ansar Eddine.
Au sud, dans la capitale, Bamako, c'est aussi la confusion.
Après son coup de force du 22 mars, le chef des putschistes, le
capitaine Amadou Haya Sanogo, avait accepté de rendre le pouvoir aux
civils. Grâce à une médiation régionale, un " président de transition ",
Dioncounda Traoré, qui présidait l'Assemblée nationale, a été désigné.
Il disposait d'une année pour préparer des élections. Le malheureux a dû
se réfugier en France après s'être fait molester par des proches du
chef des putschistes.
Toute la ceinture de l'Afrique sahélienne est menacée par
les événements du Mali. Pour les Africains comme pour l'Europe, la
perspective de l'installation durable d'Al-Qaida est un cauchemar
stratégique. Les Africains et leurs organisations régionales sont
décidés à intervenir. Militairement s'il le faut. Ils prennent
pleinement leurs responsabilités. Il faut les aider, d'urgence.
L'alliance avec les djihadist
Des rebelles d'Ansar Eddine patrouillent dans les rues de Tombouctou (nord du Mali), le 3 avril.
AFP
Les dirigeants à l'étranger du Mouveme
|
Des rebelles d'Ansar Eddine patrouillent dans les rues de Tombouctou (nord du Mali), le 3 avril. AFP
La rébellion
touareg est au bord de l'éclatement depuis la proclamation d'un Etat
islamique dans le nord du Mali et l'annonce d'une fusion entre le
Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), qui se veut
indépendantiste et laïque, et le groupe islamiste Ansar Eddine, proche
d'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI).
A peine signé le 26 mai, l'accord a été dénoncé par une partie des cadres du MNLA installés en Mauritanie ou en France, tandis que d'autres, sur place au Nord-Mali, dont le secrétaire général du mouvement, Bilal Ag Cherif, ont repris, samedi 2 juin, les discussions avec Ansar Eddine. Depuis le 6 avril, date de la déclaration unilatérale de l'indépendance du territoire touareg, l'Azawad, deux semaines après un coup d'Etat militaire à Bamako, le Mali est coupé en deux. Rompu, l'accord entre les frères ennemis du MNLA et d'Ansar Eddine n'a jamais été rendu public. Le texte, parvenu au Monde, comporte deux parties : la première est un " protocole d'entente " de deux pages qui annonce, précédée d'un verset du Coran, la création d'un " Conseil transitoire de l'Etat islamique de l'Azawad " (CTEIA). Signé à Gao le 26 mai - le 5 Rajab 1433 selon le calendrier islamique -, par le secrétaire général du MNLA, Bilal Ag Cherif, et par un représentant d'Iyad Ag Ghali - le chef d'Ansar Dine -, Alghabass Ag Intalla, ce protocole réaffirme l'attachement à l'indépendance de l'Azawad à travers l'instauration d'un Etat islamique " qui doit appliquer la législation islamique dans tous les domaines de la vie, basée sur le Coran et la Sunna ", et la constitution d'une " armée unifiée ". " Tout désaccord avec l'un des principes fondamentaux de la religion " est source d'abrogation, est-il précisé. Le deuxième document de 12 pages daté de Gao le 25 mai, baptisé " Cadre institutionnel et réglementaire provisoire des instances de l'Etat islamique de l'Azawad ", entre dans les détails. Il stipule que le CTEIA formé par 40 membres (20 du MNLA, 20 d'Ansar Eddine) est supervisé par un Conseil de choura, composé d'oulémas et de notables, à qui revient le dernier mot en cas de désaccord. Le CTEIA lui-même est une sorte de gouvernement de 19 membres, avec un président, deux vice-présidents et 16 " chargés d'affaire " dans tous les domaines (défense, finances, sécurité, justice, santé, éducation...). Le président, dont il n'est pas précisé le nom, est le chef des armées et a notamment " pour mission principale la conservation de la religion " et " l'application de la législation islamique ". Le responsable de la justice applique la charia et " met en place la hisba ", la police islamique, tandis que le chargé des affaires religieuses veille aux mosquées et aux prédications. Pour faire partie de ce gouvernement, quelques critères ont été établis : il faut être un " croyant pratiquant " originaire de l'Azawad, et savoir lire en arabe... et en Français. La réaction a été immédiate. Le 30 mai, réunis dans une coordination des cadres de l'Azawad, plusieurs responsables du MNLA ont rejeté tout net l'accord. " Au regard de la posture fondamentaliste, particulièrement celle du djihadisme salafiste prônée par Ansar Eddine, inconciliable avec la ligne politique du MNLA (...) et compte tenu de la forte imbrication avérée entre AQMI et Ansar Eddine, les cadres, notables et oulémas de l'Azawad (...) expriment catégoriquement leur désapprobation ", écrit leur porte-parole, Habaye Ag Mohamed. Les contestataires invitent dans la foulée le MNLA " à assumer pleinement ses responsabilités en rompant sans délai " avec l'accord. Le même jour, de Nouakchott, en Mauritanie, où elle est installée depuis quelques mois avec une partie de la direction du MNLA, Nina Walet Intalou, seule femme membre du bureau exécutif, s'y est, elle aussi, vivement opposée. " Malgré ce que disent les médias internationaux, le MNLA n'a pas dévié de la ligne de conduite qui est la sienne, écrit-elle dans une lettre ouverte. Tout comme beaucoup de membres du MNLA, je rejette catégoriquement cet accord, car éviter une guerre tribale et fratricide dans l'Azawad ne doit pas être synonyme de l'acceptation d'un diktat imposé par des groupes obscurantistes. " La dirigeante touareg en appelle à la communauté internationale qui ne " peut plus se permettre de rester en spectateur " face à " un ennemi commun ". " La jeune république de l'Azawad, poursuit-elle, ne peut pas seule faire face au monstre du terrorisme alors que les Etats ouest et nord-africains ont été incapables de le combattre pendant une dizaine d'années. " Autre dirigeant a avoir pris ses distances, Hamma Ag Mahmoud a transmis, au nom du bureau politique, un texte dans lequel il consomme la rupture " devant l'intransigeance d'Ansar Eddine sur l'application de la charia ". Dans le nord du Mali, la situation paraît cependant moins tranchée. Une partie des troupes du MNLA a combattu avec celles d'Ansar Eddine pour conquérir des villes comme Tombouctou avant d'en être écartées. Et l'histoire de la rébellion touareg est jalonnée de scissions Le chef d'Ansar Eddine, Iyad Ag Ghali, est lui-même l'un de ses anciens leaders dans les années 1990. Divisé, le mouvement touareg tente aujourd'hui d'éviter un nouvel éclatement. " Nous avons signé un accord avec nos frères qui étaient du côté d'Ansar Eddine, confie au Monde Nina Walet Intalou, en pensant qu'ils allaient quitter l'organisation terroriste. Nous avons accepté un Etat islamique démocratique en se disant que nous sommes déjà musulmans, mais les discussions et le document envoyé par Iyad Ag Ghali sont vraiment contraires aux objectifs du MNLA, à notre culture. En réalité, il voulait un Etat taliban. " Isabelle Mandraud
© Le Monde
|
03/06/2012
Les promesses sociales résisteront-elles à la crise ?
28 minutes
28 minutes, c'est un magazine quotidien consacré à un sujet
d'actualité, une manière originale de relier le bruit du monde à la
culture au sens large. La rencontre entre l'actualité et le regard d'une
personnalité, enrichie de points de vue historique, scientifique,
économique, humoristique, polémique...
A la Une, ce soir, retour sur une semaine sociale chargée en France. Sur la table : les retraites à 60 ans pour ceux qui ont travaillé 41 années et qui ont commencé très tôt, une augmentation « raisonnée » du SMIC annoncée par François Hollande, et les principaux syndicats réunis à Matignon. Selon le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault, 36 entreprises sont menacées par des plans sociaux. Bref, la politique sociale est au cœur de toutes les discussions, et le nouveau gouvernement socialiste semble particulièrement attaché à régler ces dossiers. D’où notre question du jour : Les promesses sociales résisteront-elles à la crise ?
Les invités plateau : Pierre LARROUTUROU, économiste, Eric BRUNET, essayiste, Jacqueline HENARD, journaliste allemande et essayiste, Benoît PELLISTRANDI, historien, spécialiste de l'Espagne contemporaine, Adam SAGE correspondant étranger anglais (The Times).
A la Une, ce soir, retour sur une semaine sociale chargée en France. Sur la table : les retraites à 60 ans pour ceux qui ont travaillé 41 années et qui ont commencé très tôt, une augmentation « raisonnée » du SMIC annoncée par François Hollande, et les principaux syndicats réunis à Matignon. Selon le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault, 36 entreprises sont menacées par des plans sociaux. Bref, la politique sociale est au cœur de toutes les discussions, et le nouveau gouvernement socialiste semble particulièrement attaché à régler ces dossiers. D’où notre question du jour : Les promesses sociales résisteront-elles à la crise ?
Les invités plateau : Pierre LARROUTUROU, économiste, Eric BRUNET, essayiste, Jacqueline HENARD, journaliste allemande et essayiste, Benoît PELLISTRANDI, historien, spécialiste de l'Espagne contemporaine, Adam SAGE correspondant étranger anglais (The Times).
(France, 2012, 30mn)
ARTE F
ARTE F
Date de première diffusion :
Ven., 1 juin 2012, 20h05
5 juin 2012
Militant socialiste de 2002 à 2009, Pierre Larrouturou rejoint Europe Ecologie-Les Verts avant de quitter ce mouvement deux ans plus tard. Aujourd'hui conseiller régional sans étiquette d'Ile-de-France, il est l'un des créateurs de " Roosevelt 2012 ", fondé avec Stéphane Hessel, Michel Rocard, Edgar Morin, Susan George et de nombreux intellectuels. Le but de ce collectif est de " provoquer un sursaut " et de sortir de la crise " sans imposer aucun plan d'austérité aux classes moyennes et à toutes celles et ceux qui souffrent déjà cruellement de la crise ". Il propose tout simplement à François Hollande d'inscrire ses pas dans ceux de Franklin Roosevelt, qui ne voulait pas " rassurer les marchés " mais " les dompter "...
Réformes radicales
Pour Pierre Larrouturou, la seule stratégie est donc d'" agir comme Roosevelt et mettre en oeuvre quinze réformes radicales en trois mois ". Des mesures à " mettre en oeuvre dès les premières semaines " car après il sera trop tard. Prenant le contre-pied des néolibéraux, il juge que la justice sociale " n'est pas un luxe ", mais " la priorité absolue, le seul moyen de sortir de notre dépendance à la dette ".
" L'Europe, écrit Pierre Larrouturou, s'épuise depuis des mois à trouver 130 milliards pour sauver la Grèce, alors que la fortune cumulée des 0,2 % les plus riches de la planète est estimée à 39 000 milliards ! " Remède radical, il préconise d'" utiliser tous les leviers fiscaux possibles pour récupérer une bonne part de la dette des marchés, ces sommes considérables que les 0,2 % les plus riches doivent aux peuples de nos pays ". La première des quinze réformes d'urgence avancées consisterait à " court-circuiter les banques privées pour financer l'essentiel des dettes publiques ", faire en sorte que la vieille dette des Etats " puisse être refinancée à des taux proches de 0 % ".
" Roosevelt 2012 " égrène ses propositions - créer un impôt européen sur les dividendes ; oser une " vraie révolution fiscale " ; lutter contre les paradis fiscaux ; " sécuriser " les salariés et les chômeurs -, certaines rejoignant le programme de M. Hollande, comme la séparation des banques de dépôt et des banques d'affaires, la taxe sur les transactions financières ou le respect des normes sociales et environnementales dans le commerce mondial.
Pierre Larrouturou n'a pas renoncé à son combat pour le partage du travail. Mais il invite la gauche à ouvrir tout de suite une négociation sociale durable : " Prendre deux mois pour tout mettre sur la table avec les partenaires sociaux (retraites, chômage, financement de la protection sociale) et accoucher d'un nouveau contrat social qui sera ensuite soumis à référendum. " Sur ce point, l'auteur assure qu'il fait déjà des émules.
Michel Noblecourt
C'est plus grave que
ce qu'on vous dit...
mais on peut s'en sortir !
Pierre Larrouturou
Nova Editions, 108 p., 3 €
5 juin 2012
Le livre du jour
Roosevelt et le contrat social
Infatigable avocat de la semaine de quatre jours, Pierre Larrouturou est un étonnant personnage. Face à ses interlocuteurs, il jongle avec les graphiques - son préféré est celui sur la dette totale des Etats-Unis qui a atteint 358 % du PIB en 2011 - et les articles alarmistes pour convaincre que le pire est à venir et que le temps manque " avant que n'éclate un orage d'une violence inouïe ". Pierre Larrouturou est un Cassandre qui dénonce ces dirigeants qui, face à l'extrême gravité de la crise, " contribuent à nourrir le désarroi général par leur fébrilité, leur inefficacité et leur impréparation ". Mais c'est un Cassandre qui croit encore possible de " s'extraire de la spirale de la mort ".Militant socialiste de 2002 à 2009, Pierre Larrouturou rejoint Europe Ecologie-Les Verts avant de quitter ce mouvement deux ans plus tard. Aujourd'hui conseiller régional sans étiquette d'Ile-de-France, il est l'un des créateurs de " Roosevelt 2012 ", fondé avec Stéphane Hessel, Michel Rocard, Edgar Morin, Susan George et de nombreux intellectuels. Le but de ce collectif est de " provoquer un sursaut " et de sortir de la crise " sans imposer aucun plan d'austérité aux classes moyennes et à toutes celles et ceux qui souffrent déjà cruellement de la crise ". Il propose tout simplement à François Hollande d'inscrire ses pas dans ceux de Franklin Roosevelt, qui ne voulait pas " rassurer les marchés " mais " les dompter "...
Réformes radicales
Pour Pierre Larrouturou, la seule stratégie est donc d'" agir comme Roosevelt et mettre en oeuvre quinze réformes radicales en trois mois ". Des mesures à " mettre en oeuvre dès les premières semaines " car après il sera trop tard. Prenant le contre-pied des néolibéraux, il juge que la justice sociale " n'est pas un luxe ", mais " la priorité absolue, le seul moyen de sortir de notre dépendance à la dette ".
" L'Europe, écrit Pierre Larrouturou, s'épuise depuis des mois à trouver 130 milliards pour sauver la Grèce, alors que la fortune cumulée des 0,2 % les plus riches de la planète est estimée à 39 000 milliards ! " Remède radical, il préconise d'" utiliser tous les leviers fiscaux possibles pour récupérer une bonne part de la dette des marchés, ces sommes considérables que les 0,2 % les plus riches doivent aux peuples de nos pays ". La première des quinze réformes d'urgence avancées consisterait à " court-circuiter les banques privées pour financer l'essentiel des dettes publiques ", faire en sorte que la vieille dette des Etats " puisse être refinancée à des taux proches de 0 % ".
" Roosevelt 2012 " égrène ses propositions - créer un impôt européen sur les dividendes ; oser une " vraie révolution fiscale " ; lutter contre les paradis fiscaux ; " sécuriser " les salariés et les chômeurs -, certaines rejoignant le programme de M. Hollande, comme la séparation des banques de dépôt et des banques d'affaires, la taxe sur les transactions financières ou le respect des normes sociales et environnementales dans le commerce mondial.
Pierre Larrouturou n'a pas renoncé à son combat pour le partage du travail. Mais il invite la gauche à ouvrir tout de suite une négociation sociale durable : " Prendre deux mois pour tout mettre sur la table avec les partenaires sociaux (retraites, chômage, financement de la protection sociale) et accoucher d'un nouveau contrat social qui sera ensuite soumis à référendum. " Sur ce point, l'auteur assure qu'il fait déjà des émules.
Michel Noblecourt
C'est plus grave que
ce qu'on vous dit...
mais on peut s'en sortir !
Pierre Larrouturou
Nova Editions, 108 p., 3 €
© Le Monde
Dix pays intègrent le " capital nature " à leur stratégie de croissance
3 juin 2012
Arusha (Tanzanie) Envoyée spéciale
Les grandes ONG anglo-saxonnes de conservation de la nature ont depuis longtemps misé sur le dialogue plutôt que sur la confrontation pour faire avancer leurs idées. Avec un indéniable succès. Dix pays viennent d'annoncer que la protection de l'environnement serait désormais au coeur de leur stratégie de développement. Ils sont africains.
" Nous partageons d'abord un constat : l'exploitation des ressources naturelles a échoué à apporter une croissance durable, du progrès social et la préservation de l'environnement. Pire, elle a souvent conduit à une dégradation de notre situation. Nous souhaitons que la nature et les services qu'elle assure soient dûment évalués et intégrés dans nos politiques nationales. Nous nous engageons chaque année à rendre compte de nos actions ", a déclaré le président du Botswana, Ian Khama, le 24 mai. Il parlait aussi au nom des neuf autres Etats signataires : Afrique du Sud, Gabon, Ghana, Kenya, Liberia, Mozambique, Namibie, Rwanda et Tanzanie.
A Gaborone, la capitale du Botswana, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, le Programme des Nations unies pour l'environnement, ainsi que la Norvège - l'un des bailleurs de fonds les plus engagés dans le financement de la cause écologique - étaient présents pour saluer cet engagement. Si le sommet des Nations unies, Rio +20, qui se tiendra dans moins de trois semaines, s'achevait par une telle déclaration, ce serait un franc succès. Pour l'heure inespéré.
Sur la scène à Gaborone, il y avait un autre acteur : Conservation International (CI), une puissance ONG américaine qui, en coulisses, a largement oeuvré pour faire aboutir cette initiative. " C'est vraiment un grand accord, un grand pas en avant ", s'est félicité son président, Peter Seligmann. L'un des secrets de l'influence de CI tient à l'étendue de ses réseaux : conseillère des princes et des multinationales, elle est aussi proche des bailleurs. Et dotée d'une solide équipe de scientifiques et d'experts toujours prêts à suppléer les déficiences des gouvernements.
Son conseil d'administration est le reflet de ce jeu d'influence. Ian Khama en est membre et Pavan Sukhdev, l'économiste indien auteur du rapport de référence sur la valeur des écosystèmes, vient d'y faire son entrée.
Car CI, comme le Fonds mondial pour la nature (WWF) ou la Wildlife Conservation Society (WCS), a compris tout le parti qu'il y avait à tirer de cette réflexion montante sur la valorisation du " capital naturel ". Si la nature et ses services ont un prix, la conservation pourrait alors trouver des fonds qui font aujourd'hui cruellement défaut. CI s'est dite prête à aider les Etats signataires de la déclaration de Gaborone à élaborer leur comptabilité écologique. L'initiative sera présentée à Rio + 20, en espérant attirer de nouveaux convertis.
L. C.
© Le Monde
L'Afrique confrontée à ses limites écologiques
3 juin 2012
Au Kenya, près de Narok, chaque élève d'une école primaire est responsable de l'arrosage de " son " eucalyptus.
DIETER TELEMANS/COSMOS
Arusha (Tanzanie) Envoyée spéciale
Le continent cherche comment concilier développement et préservation de ses richesses naturelles agrandir la taille du texte diminuer la taille du texte imprimer cet article Classer cet article Une pression croissante sur les ressources 7,7 % C'est la part de l'Afrique dans l'empreinte écologique mondiale, alors que le continent abrite 15 % de la population mondiale. Mais cette empreinte, qui mesure la pression exercée sur la biosphère, comparativement aux capacités de régénération de la terre, va croissante. 20 % C'est le pourcentage de cette empreinte écologique, qui est lié aux émissions de gaz à effet de serre, contre 55 % au niveau mondial. 25 C'est le nombre de pays qui, sur les 45 pour lesquels des données sont disponibles, consomment davantage de ressources naturelles que leur " biocapacité ". Ils étaient 7 en 1961. Maurice C'est le pays d'Afrique ayant la plus forte empreinte écologique, avec 4,6 hag (hectare global) par habitant contre 1,5 hag en moyenne. Viennent ensuite la Libye, la Mauritanie, le Botswana et l'Afrique du Sud. [-] fermer Sur les hauts plateaux du nord de la Tanzanie, entre les contreforts du Kilimandjaro et le lac Victoria, l'Afrique offre ses plus belles étendues de savane. Sanctuaire d'une faune sauvage qui alimente l'image immuable d'un continent où une nature préservée garderait toute sa place. Le cliché ne vaut pourtant que pour les dépliants touristiques et c'est une tout autre réalité qui s'est invitée dans les assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD), entre un bulletin économique plutôt flatteur pour la région, quelques leçons tirées des " printemps arabes " et le constat de blocages persistants sur la voie du développement. A Arusha, devant une assemblée de banquiers et de ministres des finances, le président de la BAD, Donald Kaberuka, s'est livré à un délicat et inhabituel exercice : parler de croissance verte et d'une sobre utilisation des ressources naturelles, au moment où les prix élevés sur les marchés internationaux et des découvertes inattendues de nouveaux gisements de minerais et d'hydrocarbures ont redonné aux dirigeants la fièvre des matières premières. " Il faut que les Africains rejoignent cet objectif, pas simplement parce que c'est la volonté de leurs bailleurs, mais parce qu'il est de notre responsabilité de protéger nos écosystèmes ", a-t-il exhorté. Pour la BAD, l'Afrique a encore le choix. Entre un développement " à la chinoise " dont la facture environnementale et sanitaire, après trente ans de croissance rapide, est très lourde. Ou un développement qui n'hypothèque pas l'immensité de ses ressources naturelles. " C'est la première fois que nous présentons cette idée et il est clair qu'elle soulève une certaine résistance, admet Simon Mizrahi, l'un des directeurs de l'institution. Pour les pays africains, les problèmes écologiques restent avant tout des problèmes du Nord et la croissance verte est souvent perçue comme un moyen de mettre des freins à leur quête de prospérité. " La BAD ne s'est cependant pas lancée dans la bataille sans s'armer de quelques munitions. A Arusha, en partenariat avec le Fonds mondial pour la nature (WWF), le premier rapport sur l'empreinte écologique de l'Afrique a été présenté. Il montre que si chaque Africain consomme en moyenne deux fois moins de " capital naturel " que la moyenne mondiale par habitant, la dégradation de l'environnement met en péril les efforts de lutte contre la pauvreté en faveur d'une population qui continue de croître très rapidement. " L'Afrique n'est pas sur la bonne voie ", a constaté Jim Leape, le directeur général du WWF. L'empreinte écologique se mesure en surfaces de terre et en eau nécessaires pour couvrir les besoins d'un individu ou d'une activité mais aussi pour absorber les déchets générés. Elle est à rapporter à la biocapacité qui, à l'inverse, évalue les surfaces disponibles. L'Afrique n'a pas franchi la ligne rouge et ne vit pas encore " à crédit " en consommant ses ressources plus rapidement qu'elles ne sont capables de se reconstituer. Mais cela ne saurait tarder. Au rythme actuel, c'est une question d'années. En quarante ans, cette biocapacité a fondu de 40 % et le rapport prévoit que, par la seule croissance démographique, la pression exercée sur les écosystèmes va doubler d'ici à 2040. L'agriculture et la destruction des forêts sont les principales causes de cette dégradation dans un continent encore en majorité rural et sous-équipé en matière énergique. Le bilan carbone de l'Afrique ne représente que 20 % de son empreinte écologique, contre plus de la moitié au niveau mondial. L'Afrique doit comprendre que, pour son développement, " avoir de l'eau, des sols, préserver ses forêts, c'est aussi important que construire des routes ou des hôpitaux ". " Nos sociétés dépendent de ces infrastructures vertes ", a plaidé M. Leape. Le rapport ébauche une géographie de ces " infrastructures vertes " sur lesquelles articuler une stratégie de développement durable : les forêts du bassin du Congo, le bassin du Zambèze qui s'étend sur huit pays, le lac d'altitude Naivasha au Kenya, menacé par le développement rapide de l'agriculture et de l'horticulture. Il insiste également sur la préservation des espèces menacées par le braconnage et le trafic international. Pour chacun de ces exemples, des pistes sont avancées pour rentabiliser une protection de l'environnement dont le coût reste le premier ennemi. Jim Leape le concède : " Nous devons être crédibles quand nous parlons de conservation, nous ne pouvons pas mettre de côté le développement. Il faut trouver une voie concrète pour satisfaire les deux. " Des exemples existent déjà. En Ouganda, chaque gorille de montagne rapporte 1 million de dollars de revenus touristiques par an. En Afrique australe, la plus grande zone internationale de conservation au monde - 44 millions de km2 - fait le pari d'une gestion communautaire des ressources naturelles. Sur les bords du lac Navaisha, des agriculteurs reçoivent des paiements pour services environnementaux lorsqu'ils adoptent des pratiques préservant les ressources en eau... Ces expériences pilotes, souvent amorcées par des fonds de la coopération internationale, sont une partie de la solution. Mais d'autres situations posent des choix d'un tout autre enjeu. A la question de savoir si la République démocratique du Congo (RDC) devait renoncer à exploiter le pétrole qui se trouve probablement dans le sous-sol du parc national des Virunga, classé au patrimoine mondial de l'Unesco, le directeur général du WWF a répondu " oui " sans hésiter. L'assemblée est restée perplexe. La RDC, aussi étendue que l'Europe, est un des pays les plus pauvres du continent. Laurence Caramel
© Le Monde
|
|
Inscription à :
Articles (Atom)