30 novembre 2010
Editorial
Inutile de se déplacer, il ne se passera rien. Ou si peu. Avant même l'ouverture de la conférence des Nations unies sur le climat, réunie du 29 novembre au 10 décembre à Cancun (Mexique), le verdict semble déjà rendu. Responsables politiques, hauts fonctionnaires onusiens, militants écologistes, observateurs patentés : tout le monde semble se résigner à cette sombre prévision. Comme si le fait de perdre un an n'était finalement qu'une péripétie mineure dans le temps long de la négociation.
Pourtant, il y a peu, un an tout juste, à la veille de la précédente conférence de l'ONU organisée à Copenhague, les gouvernants de la planète paraissaient décidés à faire de la lutte contre le réchauffement climatique une priorité absolue. Il en allait, assuraient-ils, de la survie de l'humanité. On sait ce qu'il en advint : une renationalisation des politiques climatiques et l'échec de la logique de régulation mondiale instaurée en 1992 par le Protocole de Kyoto.Le 7 décembre 2009, à la veille de la conférence de Copenhague, cinquante-six journaux de quarante-cinq pays (dont Le Monde) avaient pris l'initiative sans précédent de publier un éditorial commun. Que disait-il ? " L'humanité est confrontée à une urgence aiguë. Si le monde ne s'unit pas pour prendre des mesures décisives, le changement climatique ravagera notre planète, et, avec elle, notre prospérité et notre sécurité. "
Ce texte exhortait les gouvernements de la planète à ne pas sombrer dans les querelles et à ne pas se rejeter mutuellement la responsabilité du changement climatique : " Cela ne doit pas être un combat entre le monde riche et le monde pauvre, ni entre l'Est et l'Ouest. Le changement climatique nous affecte tous, et c'est ensemble que nous devons nous y attaquer. "
Aucun mot n'est à retrancher de ce plaidoyer. L'urgence n'est pas moins aiguë à Cancun qu'à Copenhague. Les dernières études scientifiques démontrent, au contraire, que le réchauffement se produit à un rythme plus rapide que prévu. Cancun ne doit donc pas être un sommet pour rien.
Certes, les plaies ne sont pas refermées depuis le traumatisme danois. Les deux plus grands pollueurs de la planète, la Chine et les Etats-Unis, restent enfermés dans leur affrontement. Engluée dans la crise financière et monétaire, l'Union européenne est moins que jamais en mesure d'imposer ses vues.
Pour autant, un accord mondial reste la seule voie pour relever le défi climatique. Laisser triompher le chacun pour soi conduirait inévitablement à l'échec. Car nous sommes encore loin de l'objectif que les scientifiques recommandent de ne pas dépasser : un réchauffement limité à 2 oC. Les gouvernements ont donc le devoir de dépasser leurs divergences et, si un accord global semble hors d'atteinte, d'avancer concrètement sur des dossiers sectoriels.
Impossible ? Fin octobre, contre toute attente, la communauté internationale est parvenue à s'entendre à Nagoya sur un vaste plan de lutte contre le déclin de la biodiversité. L'échec de Cancun n'est donc pas une fatalité.
© Le Monde