A travers ce Blog vous découvrirez quelques unes de mes actions entreprises avec d'autres, dans le domaine de la coopération Nord-Sud et vous aurez aussi une petite idée des questions qui me préoccupent
14/12/2009
Rien ne va plus avec la France
14.12.2009 | A. Dramé |
Kofi Yamgnane est franco-togolais, candidat à l’élection présidentielle du 28 février 2010, et surtout principal rival du président sortant Faure Eyadema. Début décembre, ce dernier a vu d’un très mauvais œil la drôle d’amitié que le premier secrétaire de l’ambassade de France entretenait avec son plus redoutable rival dans la perspective du scrutin. Ingérence ou partialité ? Le régime d’Eyadema ne s’est pas posé mille questions : il a expulsé le diplomate. Paris a joué la carte de la réciprocité et tenté maladroitement, par presse interposée, de rapprocher l’origine bretonne de son protégé Eric Bosc avec le fait que Kofi Yamgnane, secrétaire d’Etat à l’Intégration sous François Mitterrand, soit aujourd’hui député du Finistère, et ainsi justifier l’amitié entre les deux hommes. L’argumentaire était plutôt bien conçu. Mais qu’a donc fait Paris du devoir de réserve ?
En Guinée, la junte reproche à Bernard Kouchner d’avoir commandité la tentative de coup d’Etat contre Dadis Camara. Idrissa Chérif, ministre de la Communication guinéen et proche conseiller de celui qui a été porté au pouvoir par l’armée il y a un an, a formellement accusé la France de Nicolas Sarkozy. “Il y a trois jours, Bernard Kouchner a reçu Alpha Condé [principal opposant politique]. Ensemble, ils ont appelé Mohamed Ibn Chambas [président de la Commission CEDEAO] pour lui demander de faire des déclarations et de prendre des contacts avec l’intérieur de la Guinée, afin de préparer un coup d’Etat”, a-t-il déclaré. Naturellement, l’accusé a nié, affirmant : “Nous démentons énergiquement ces rumeurs. Il n’y a pas de temps à perdre en polémiques stériles… Les efforts doivent porter sur les élections, que le peuple guinéen attend. C’est cela la priorité, et c’est aussi l’attente de la communauté internationale.” L’incertitude demeure donc…
Au Mali et au Niger, après l’enlèvement au Mali, le 25 novembre, de Pierre Camate, le ministère français des Affaires étrangères et européennes a demandé “aux Français présents au nord et à l’est de quitter immédiatement la zone et de regagner Bamako sans délai, ainsi qu’à ceux qui envisageaient de s’y rendre de renoncer à leur déplacement”. Dans le genre cinglant, la réaction du président malien Amadou Toumani Touré ne s’est pas fait attendre. “Il n’y a pas plus d’insécurité au nord du Mali que dans certaines banlieues françaises ! a-t-il déclaré. Les villes et les régions de Tombouctou, de Gao et de Kidal sont des zones sécurisées où les visiteurs peuvent rester et se déplacer sans risque…”
Une politique qui a assuré la pérennité de son “pré carré”
“L’enlèvement de Pierre Camate est un acte isolé qui peut se produire partout”, a renchéri son ministre chargé de l’Industrie et du Tourisme. Il s’agit, en clair, selon les autorités maliennes, d’une insécurité résiduelle. Celles-ci ne comprennent pas pourquoi la France n’a pas lancé d’avertissement à ses ressortissants lorsque le ministre des Affaires étrangères malien a déclaré officiellement devant les diplomates accrédités au Mali – dont celui de la France – que le nord de son pays était en passe d’être envahi par des terroristes. En somme, les Maliens sont désormais nombreux à croire que le non du président Amadou Toumani Touré face à l’“Accord de partenariat sur la migration concertée et le développement solidaire” est passé par là.
Qu’est-il advenu de la diplomatie, voire de l’ingérence secrète de la France en Afrique, cette politique qui a jusque-là assuré la pérennité de son fameux “pré carré” ? On voit aujourd’hui un diplomate qui flirte dangereusement avec un opposant politique, un ministre des Affaires étrangères qui, oubliant les fortes tensions dans le pays (Guinée), s’amuse à faire des déclarations incendiaires, un ministère qui joue aux alarmistes dans une région où le retour de la paix entre factions rebelles et gouvernement tarde à se faire… La même attitude en Côte-d’Ivoire a eu comme conséquence le gel des relations diplomatiques entre les deux pays. L’Histoire peut-elle se répéter ailleurs ? Dans son ouvrage La Crise en Côte-d’Ivoire : dix clés pour comprendre (éd. La Découverte), Thomas Hofnung écrit : “La France a toujours été partie prenante, manipulatrice ouverte et subtile de la scène politique ivoirienne pour des raisons économiques, politiques et stratégiques. Elle a soutenu très fortement Houphouët-Boigny, Ouattara et Bédié pendant de longues décennies et façonné le développement économique ivoirien pour qu’il lui profite. Sur le plan de la politique extérieure, la Côte-d’Ivoire fut un pion majeur dans la politique africaine de la France, avec un rôle plutôt négatif pour le développement économique à long terme et pour la création et la consolidation d’institutions démocratiques viables dans la région. La France a souvent étouffé les velléités d’émancipation politique des Ivoiriens en soutenant Houphouët-Boigny sans retenue, ce que les Patriotes* de Laurent Gbagbo dénoncent avec véhémence.”
* Animés par un fort sentiment antifrançais, ces jeunes partisans de Laurent Gbagbo ont été à l’origine de violentes émeutes à Abidjan en 2004.
03/12/2009
L'argent ne fait pas le bonheur. Cherchez plutôt du côté de la famille ou des amis !
29 novembre 2009
En ces temps de crise, d'épidémie de grippe A et de souffrance au travail, les Français sont-ils malgré tout heureux ? Leur " indice de bonheur intérieur brut ", ou BIB, mesuré par le magazine Psychologies dans son édition à paraître le 4 décembre, s'élève à 21, sur une échelle dite de Diener, couramment utilisée par les psychiatres, qui va de 5 à 35. Ils sont plus nombreux à se dire satisfaits de leur existence (57 %) qu'insatisfaits (38 %) : 25 % se déclarent " assez satisfaits ", 27 % " satisfaits " et 5 % " extrêmement satisfaits ", selon un sondage TNS Sofres-Logica effectué sur Internet auprès d'un échantillon représentatif de 1 000 personnes, du 2 au 6 octobre.
Les deux piliers du bien-être subjectif sont le sentiment d'être intégré et celui d'avoir la maîtrise du cours de son existence. Les 65 % des sondés, qui jugent leur situation personnelle " meilleure que celle de l'ensemble des Français ", ont un indice de bonheur de 23, au lieu de 17 pour les autres. Les 50 % de bienheureux qui ont le sentiment de contrôler leur existence bénéficient d'un BIB de 25, contre 18 pour les autres. Alors que le débat sur l'identité nationale fait rage, les Français manifestent un attachement moyen (7,7 sur une échelle de 1 à 10) à leur pays. Les moins attachés sont les plus satisfaits : indice de 24.
Plus heureux en couple
Les éléments constitutifs du bonheur sont, par ordre décroissant, les enfants, la santé, le couple, les parents, le cadre de vie, les amis. L'argent ne fait que modérément le bonheur puisqu'il n'arrive qu'en septième position ! Quant à la valeur travail, elle n'apparaît qu'à la huitième place. D'ailleurs, les notions de " changement ", de " risque " et de " compétition ", couramment associées au monde du travail, arrivent tout en bas sur l'échelle des valeurs, où domine le " respect ".
On vit plus heureux en couple que seul. Le BIB monte à 23 pour les personnes mariées, il n'est que de 20 pour les célibataires et de 17 pour les divorcés. Le couple est une valeur essentielle : 71 % des sondés pensent qu'ils vivront toute leur vie avec la même personne - ces optimistes ont un indice de béatitude de 23 alors que ceux qui pensent le contraire ont un score de 19. Si " le couple et les amours " sont deuxièmes sur l'échelle des ingrédients du bonheur, la sexualité n'arrive qu'en neuvième position. Ceux qui n'ont quasiment pas de relations sexuelles ont un indice d'euphorie (20) presque identique à ceux qui en ont " au moins plusieurs fois par mois " (22)...
Et la santé dans tout ça ? Ceux qui y font attention (84 %) sont plus heureux que les autres. A condition tout de même de ne pas se priver : ceux qui ne consomment jamais d'alcool sont moins gais (20) que la moyenne.
Une majorité de Français (58 %) s'estiment heureux au boulot et n'ont pas envie de changer de travail. Ce n'est pas une grosse surprise, les personnes interrogées qui ont des amis sont plus heureuses que celles qui n'en ont pas (BIB de 23 contre 20).
A l'heure où la commission présidée par l'Américain Joseph Stiglitz, Prix Nobel d'économie, recommande d'intégrer des données subjectives et qualitatives dans le calcul du produit intérieur brut (PIB), le magazine Psychologies apporte sa pierre avec son nouveau BIB.
Rafaële Rivais
16/11/2009
Toutes les conditions pour une nouvelle crise alimentaire sont réunies
17 novembre 2009
Olivier de Schutter, rapporteur des Nations unies, s'alarme, alors qu'un sommet mondial est réuni à Rome
ENTRETIEN
La faim, toujours. Et à des niveaux jamais atteints : sous l'effet de la crise économique, la barre du milliard de personnes souffrant de sous-alimentation a été franchie en 2009. Une situation à laquelle le Sommet mondial sur la sécurité alimentaire, organisé à Rome du lundi 16 au mercredi 18 novembre sous l'égide de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), tentera - une nouvelle fois - d'apporter des éléments de réponse. Le Belge Olivier de Schutter, rapporteur des Nations unies pour le droit à l'alimentation depuis 2008, s'alarme de la situation.
La situation s'est-elle améliorée depuis les " émeutes de la faim " de 2008 ?
Non. Toutes les conditions pour une nouvelle crise alimentaire dans un ou deux ans sont réunies. La question n'est pas de savoir si elle aura lieu, mais quand. Les causes structurelles de la crise alimentaire de 2008 - une brutale hausse des prix liée à des facteurs conjoncturels puis accélérée par la spéculation - restent en place. Il suffit d'une étincelle pour que la hausse des prix redémarre. On n'a pas tiré les leçons de la crise passée.
Pourquoi en est-on encore là ?
Depuis juin 2008, les prix agricoles ont fortement baissé sur les marchés internationaux. Mais sur les marchés locaux des pays en développement, ils restent bien plus élevés qu'il y a deux ou trois ans. Voici l'enjeu actuel : va-t-on continuer à miser sur un petit nombre de grands producteurs ou renforcer les petits fermiers, dont dépendent la majorité des populations des pays en développement ?
Avant même les émeutes de 2008, 900 millions de personnes souffraient de la faim, à cause des politiques menées ces dernières décennies : l'intervention des Etats dans la régulation des prix a été réduite, les producteurs les plus importants ont été aidés à développer des filières d'exportation et les petits fermiers s'en sont retrouvés marginalisés, ce qui a conduit à un exode rural massif.
Sentez-vous une évolution des élites ?
Dans les discours, on parle davantage de la petite agriculture familiale, mais on persiste dans des politiques d'encouragement des exportations. Le discours dominant est qu'il faut produire davantage, mais le vrai problème est qu'un milliard de personnes n'ont pas assez d'argent pour acheter la nourriture disponible.
Quand la FAO projette, pour nourrir 9 milliards de personnes en 2050, une obligation d'augmenter la production agricole de 70 % et de passer de 270 millions de tonnes de viande à 470 millions, elle élude la question de savoir s'il est raisonnable d'encourager la perpétuation d'un mode de consommation aux impacts très négatifs. Si tout le monde imitait le régime alimentaire des Etats-Unis, il faudrait six planètes.
Comment la question du climat affectera-t-elle l'agriculture ?
L'agriculture est déjà victime du changement climatique, avec une sécheresse qui a réduit de 20 % les récoltes cet été en Inde, avec une sécheresse récurrente en Amérique centrale... Les projections pour 2020 sont très inquiétantes. En même temps, l'agriculture est coresponsable de cette situation : 33 % des émissions de gaz à effet de serre lui sont attribuables. Amener l'agriculture à mieux respecter l'environnement suppose de passer à des modes de production agroécologiques.
Peut-on faire un lien entre libéralisation et environnement ?
Un récent rapport de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) conclut que commerce et environnement peuvent être complémentaires : le commerce favoriserait le transfert de technologies propres ; et avec le changement climatique, de plus en plus de régions vont se trouver en situation de déficit alimentaire et devront acheter plus à d'autres pour se nourrir. Ce qui manque, c'est une analyse de l'impact environnemental de l'agriculture d'exportation. Lorsqu'on produit pour l'exportation, on a recours à de larges plantations de monoculture, ce qui appauvrit les sols, provoque l'érosion, requiert beaucoup d'engrais et de pesticides.
Un autre aspect sur lequel ce rapport est très insuffisant est l'analyse des distances parcourues par les produits alimentaires des lieux où ils sont produits vers les lieux où ils sont consommés. Aujourd'hui, dans le monde, chaque produit alimentaire parcourt de 1 500 à 2 000 km. Or les circuits courts sont moins voraces en énergie et en carburant que les circuits longs. Il faut privilégier les cultures vivrières pour répondre aux besoins locaux, et déconcentrer la production alimentaire afin qu'elle soit la plus proche possible des lieux où elle est consommée.
Etes-vous favorable aux plantations pour compenser les émissions de gaz carbonique ?
Parmi les nombreuses raisons qui poussent à la spéculation sur la terre, il y a de grands projets de plantations qui sont liés à l'appât que représente le marché des droits à polluer. Je pense que c'est une solution trop commode, parce qu'elle nous dispense de réfléchir aux moyens de réduire notre consommation d'énergie.
Propos recueillis par Hervé Kempf et Clément Lacombe
Climat : peut-on encore sauver le sommet de Copenhague ?
17 novembre 2009
Pour éviter une impasse début décembre, le Brésil et la France lancent une initiative ambitieuse La sécheresse est l'une des calamités pointées par les experts de la sécurité alimentaire réunis à Rome
Le sommet de Copenhague sur la lutte contre le réchauffement climatique s'annonce mal. Cette réunion mondiale, qui doit se tenir du 7 au 18 décembre dans la capitale danoise, a un objectif : idéalement, il s'agit, d'ici à 2050, de réduire de 50 %, par rapport à leur niveau de 1990, les émissions de gaz à effet de serre responsables de la hausse des températures sur la planète.
De l'avis quasi unanime des observateurs, la réunion ne devrait pas déboucher sur un traité engageant formellement les participants à une réduction sérieuse des émissions de CO2. Au mieux, Copenhague s'achèvera sur une décision politique ; la question est de savoir si elle sera contraignante ou non.
Principaux coupables le plus souvent désignés : les Etats-Unis et la Chine, c'est-à-dire les deux plus importants émetteurs de gaz à effet de serre dans le monde. Le président Barack Obama et son homologue chinois, Hu Jintao, évoquent des raisons différentes, pour défendre une position commune : il est trop tôt pour conclure à Copenhague.
Pour éviter cette impasse, le Brésil et la France tentent de rallier une majorité de pays parmi les plus pauvres en faveur d'un engagement contraignant à Copenhague. Nicolas Sarkozy et son homologue brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, proposent un accord en quatre points : baisse de 50 % des émissions d'ici à 2050 ; adoption par les pays riches de " trajectoires " devant les amener à aller au-delà, vers une réduction de 80 % de leurs émissions d'ici à 2050 ; engagement des pays en développement à " dévier substantiellement " de la tendance actuelle, qui voit le cours de leurs émissions s'élever année après année ; enfin, un soutien financier " nouveau et substantiel " du Nord en faveur des plus pauvres.
L'urgence d'un accord sur le climat est soulignée par les experts de la sécurité alimentaire, qui doivent se réunir en sommet mondial à Rome du 16 au 18 novembre. A l'instar du Belge Olivier de Schutter, que Le Monde a interrogé, ils pointent l'imminence d'une nouvelle crise alimentaire. Outre des raisons conjoncturelles - hausse des prix, notamment -, ils évoquent l'abandon dans laquelle est laissée l'agriculture familiale en Afrique et en Asie, mais aussi l'impact du réchauffement climatique, générateur de sécheresses.
Lire pages 4, 5, 6,
l'éditorial page 2, Débats page 22
12/11/2009
Les énergies polluantes domineront en 2030
11 novembre 2009
Le débat énergétique est l'un des temps forts d'un nouveau hors-série du " Monde " : le " Bilan Planète 2009 ", en vente pour deux mois à partir du 10 novembre (162 pages, 9,95 ¤)
Le cri d'alarme de l'Agence internationale de l'énergie " Le Monde " publie un bilan sur l'état de la planète
Si les tendances actuelles se poursuivent, le gaz, le pétrole et le charbon seront toujours les sources d'énergie dominantes en 2030. Elles représenteront encore plus de 80 % de la consommation d'énergie sur la planète, indique le rapport annuel de l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Publié mardi 10 novembre, le document est un cri d'alarme - pour ne pas dire de désespoir - lancé à quelques semaines du sommet sur le climat qui se réunit à Copenhague à partir du 7 décembre.
La consommation d'énergie fossile - gaz, pétrole, charbon - est considérée comme la principale source d'émission de gaz à effet de serre, à l'origine du réchauffement climatique. Pourquoi ce retard dans l'adoption de nouveaux choix énergétiques ? Manque de volonté politique, dénonce l'ancien vice-président Al Gore dans un livre qui vient de paraître aux Etats-Unis. Lire pages 4 et 14
Pour l'AIE, le statu quo énergétique met la planète sur " une trajectoire dangereuse "
11 novembre 2009
Dans son rapport 2009, l'Agence international de l'énergie exhorte les gouvernements à agir
Notre maison brûle " et nous continuons de regarder " ailleurs ". Le fameux cri d'alarme de Jacque Chirac au sommet mondial du développement durable de Johannesburg (2002) pourrait être mis en exergue de la dernière édition du rapport de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), publié le 10 novembre. Le World Energy Outlook 2009 ne pouvait mieux tomber à un mois de l'ouverture du sommet de Copenhague sur le changement climatique.
Non que le document de cette agence dépendant de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), contienne des recommandations très nouvelles ou des scénarios révolutionnaires pour limiter le réchauffement climatique. Mais son principal message, répété depuis quelques années, a au moins le mérite de la constance : il faut réduire l'empreinte carbone du secteur de l'énergie et instaurer " un "new deal" des énergies propres ". Et de toute urgence !
La crise économique offre une " chance unique " aux gouvernements de modifier en profondeur leurs choix énergétiques. La saisiront-ils ? Sans signal fort ni cadre international, les industriels ne prendront pas leurs responsabilités, estime-t-on au sein de l'AIE. Deux scénarios s'offrent aux pays de l'OCDE et aux nations émergentes : poursuivre la tendance actuelle, qui met la planète sur une " trajectoire dangereuse " ; ou investir massivement dans les économies d'énergie et les technologies peu émettrices de gaz carbonique.
Dans le premier cas, le charbon, le pétrole et le gaz représenteront 80 % de la consommation en 2030, note l'AIE. Et " plus des trois quarts de l'augmentation de la consommation d'énergie " d'ici là. La houille verra son importance croître, surtout dans la production d'électricité, et le pétrole restera dominant, même si part dans l'énergie passe de 34 % à 30 %. La température moyenne du globe augmenterait alors de 6 degrés en 2100, " causant des dégâts irréparables ".
Le second scénario est plus vertueux et ambitieux : adopter une stratégie permettant de ramener les émissions de CO2 à 450 parties par million (ppm), objectif fixé en 2007 par le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat des Nations unies, afin de limiter la hausse de la température à deux degrés. La consommation annuelle d'énergie augmenterait de 0,8 % (contre 1,5 % dans le scénario central). Mais il suppose une politique " radicale et coordonnée " dans le monde entier.
La politique la plus efficace, rappelle l'AIE, reste l'amélioration de l'efficacité énergétique. Il est notamment urgent de freiner la consommation électrique des pays développés, tout en " favorisant l'accès des populations des pays pauvres à l'électricité ". Or, 1,5 milliard d'êtres humains en sont privés, et ce nombre ne reculera que de 200 millions dans le scénario central de l'AIE. Sans électricité, il n'est pas de développement économique possible, insiste-t-elle.
" Il faut un signal clair "
L'agence plaide pour un développement de l'éolien, du solaire, des agro-carburants, du nucléaire et du captage-stockage du CO2. Et la fixation d'un prix de la tonne de carbone (50 dollars en 2020 dans les pays de l'OCDE). " Il faut un signal clair pour encourager le déploiement des technologies bas-carbone ", indique l'AIE.
Ces actions seront plus coûteuses que la politique du laisser-faire. L'AIE évalue le surcoût à 10 500 milliards de dollars (7 000 milliards d'euros) sur vingt ans, dont 4 700 milliards de dollars dans les transports, 2 500 milliards dans la construction et 1 700 milliards dans l'électricité. Une somme qui ne représentera que 0,5 % à 1,1 % de la richesse annuelle mondiale et qui sera " en partie compensée " par la forte réduction de la facture énergétique. La sécurité d'approvisionnement en serait aussi renforcée.
La rapidité de réaction des gouvernements est cruciale. " Chaque année qui passe réduit la fenêtre de tir " et " accroît le coût de la transformation du secteur de l'énergie ", prévient l'AIE, en espérant un " accord solide " à Copenhague. Les réunions préparatoires ont montré que la prise de conscience est là, notamment aux Etats-Unis et en Chine, mais que chacun fait prévaloir ses intérêts économiques.
Jean-Michel Bezat
07/11/2009
Au Burkina Faso, les moustiquaires antipaludiques sont trop vite remisées
8 novembre 2009
Au bout de six mois, un habitant sur trois délaisse ce procédé efficace mais inadapté à l'habitat local
Contre le paludisme, responsable chaque année de plus de deux millions de décès, dont 90 % en Afrique, les moustiquaires imprégnées d'insecticide demeurent le meilleur moyen de lutte. Encore faut-il qu'elles soient utilisées à bon escient par les populations. D'où l'intérêt des campagnes de sensibilisation et de distributions gratuites, dont l'effet immédiat est avéré. Mais l'impact de ces campagnes, à plus long terme, n'avait jamais été évalué.
Au Burkina Faso, c'est désormais chose faite. Et le résultat est inquiétant : selon les chercheurs de l'Institut français de recherche pour le développement (IRD) et du centre Muraz/Institut de recherche en sciences de la santé (IRSS) du Burkina Faso, une personne sur trois arrête d'utiliser les moustiquaires au bout de six mois.
Pour aboutir à ce constat, les membres de l'équipe dirigée par l'anthropologue Marc-Eric Gruénais (IRD) ont passé trois ans dans le village de Soumousso, au sud-ouest du pays, où le paludisme est endémique. Ils y ont observé l'organisation de l'espace domestique dans 200 maisons, et interviewé, chaque mois, une centaine d'hommes et de femmes âgés de 15 à 60 ans. Au sortir de cette enquête, ils ont mieux compris pourquoi une telle proportion de la population, pourtant consciente du danger que représente le paludisme, abandonne l'usage des moustiquaires.
Risques d'incendie
Outre une certaine confusion sur les modes de transmission de la maladie (selon l'acception locale, elle peut certes être contractée par la piqûre d'un moustique, mais aussi s'il fait froid ou si l'on mange certains aliments), la réticence à utiliser cette protection de tissu provient pour l'essentiel des inconvénients que pose son utilisation quotidienne dans des maisons de petite taille, composées d'une ou deux pièces tout au plus.
" Durant la journée, expliquent les chercheurs, les nattes sont rangées le long d'un mur, tandis que les ustensiles de cuisine, les condiments et la nourriture sont répartis dans la pièce. La nuit, les objets sont placés dans les coins et les nattes sont étalées au centre. " Laisser la moustiquaire suspendue pendant la journée est donc fort incommode. Et non sans danger, compte tenu des risques d'incendie provenant du feu de cuisine.
Loin d'être anecdotique, cette étude montre la nécessité, si l'on veut accroître leur efficacité, de rendre les moustiquaires plus pratiques à utiliser dans le contexte familial. Elle suggère également que soient menées, auprès des populations, des campagnes d'information plus approfondies sur les risques et les modes de transmission du paludisme.
Cet impératif est d'autant plus grand au Burkina Faso que ce pays voit actuellement les moustiques devenir de plus en plus résistants aux insecticides, du fait de leur utilisation massive pour la production de coton. Le gouvernement a dû s'adapter à cette nouvelle donne : en 2010, il prévoit de distribuer gratuitement 6,6 millions de moustiquaires imprégnées d'insecticides différents de ceux utilisés actuellement, et dont " l'efficacité sur les moustiques des zones de production du coton est avérée ". Coût estimé : plus de 18 milliards de francs CFA (27,4 millions d'euros).
Dans ce pays de 15 millions d'habitants, classé parmi les plus pauvres du monde, le paludisme tue 15 000 personnes par an. Essentiellement des enfants de moins de 5 ans.
Catherine Vincent
02/11/2009
Pastorale de la terre : collectivisation/privatisation des terres au Burkina-Faso et au Brésil.
Présentation faite par le père Joseph-Mukassa SOME au CDP de Clermont-Fd le 12/08/2008 sur la Pastorale de la terre : collectivisation/privatisation des terres au Burkina-Faso et au Brésil.
Lire le document "pdf" : le télécharger en cliquant ici.
Pour télécharger le diaporama de cette conférence, cliquer sur Mukassa Somé Pastora..>
30/10/2009
Le réchauffement du climat crée de nouvelles sources de conflits
31 octobre 2009
Le chercheur allemand Harald Welzer redoute une banalisation de la violence environnementale
ENTRETIEN
D'ici à 2050, le changement climatique pourrait jeter sur les routes 200 millions de " réfugiés climatiques ", selon l'Institut pour l'environnement et la sécurité humaine de l'université des Nations unies. Qu'il s'agisse des sécheresses qui réduisent les cultures et les pâturages, ou de la montée des eaux qui submerge les petits Etats insulaires... Les désastres environnementaux vont provoquer des catastrophes sociales et favoriser l'éruption de conflits.
Psychosociologue allemand, chercheur au Kulturwissenschaftlichen d'Essen, Harald Welzer travaille sur les causes de l'émergence de la violence, et sur la perception des évolutions de société par ceux qui les vivent. Dans l'ouvrage Les Guerres du climat (Gallimard), paru mi-octobre, il décrypte la manière dont les dérèglements environnementaux peuvent générer des conflits entre pays et à l'intérieur des sociétés ; et explique comment la perception du danger créé par le réchauffement climatique peut être faussée.
Vous soulignez dans votre livre l'ampleur des catastrophes sociales engendrées par le changement climatique, aujourd'hui et dans les années à venir. Comment les problèmes environnementaux peuvent-ils conduire à des violences et à des guerres ?
Les guerres proviennent, bien sûr, de causes multiples, mais le réchauffement climatique crée de nouvelles sources de violence, et amplifie les pénuries et les tensions existantes en matière de nourriture, d'eau ou de terres.
Prenez le cas du Darfour. Même si le conflit a des origines diverses, il est clair que la désertification progressive vers le sud a conduit à une compétition pour les terres entre les nomades éleveurs de bétail et les fermiers sédentaires, d'ethnies différentes. Et le Soudan, Etat en déroute, est incapable de réguler ce conflit, ou n'importe quel autre.
Des catastrophes peuvent aussi découler d'événements météorologiques extrêmes, comme ce fut le cas à La Nouvelle-Orléans, où l'ouragan Katrina a conduit à un effondrement total de l'ordre social. Et en provoquant la fonte de la glace arctique, le réchauffement ouvre la voie à un conflit autour des ressources naturelles du Grand Nord, qui n'étaient pas exploitables jusqu'à maintenant.
La tension provoquée par les dérèglements climatiques se retrouve aussi dans le face-à-face entre les réfugiés, qui fuient leur pays pour survivre, et les nations riches. La politique de protection des frontières des pays développés est-elle aussi facteur de violence ?
Il est évident que le nombre de " réfugiés climatiques " augmentera dans les années qui viennent. Comment les Etats développés les accueilleront-ils ? De la même manière, je crains, qu'ils reçoivent déjà ceux qui fuient la faim et la pauvreté. En Europe, la volonté actuelle des gouvernements est d'abord de rendre de plus en plus difficile le voyage des demandeurs d'asile. Résultat : les tentatives de traversée sont de plus en plus dangereuses et mortelles.
Les pouvoirs publics cherchent également les moyens de contenir les réfugiés sur le continent africain, " externalisant " alors la violence dans les pays d'Afrique du nord. D'où la création, par exemple, de camps de rétention au Maghreb, la police se chargeant ensuite de renvoyer brutalement les réfugiés dans leur pays d'origine. Cet éloignement du territoire européen permet d'occulter le fait que ces violences sont commises dans " notre " intérêt.
Qu'il s'agisse du traitement des réfugiés ou de celui des victimes de plus en plus nombreuses des dérèglements climatiques, les citoyens des pays riches ne semblent pas toujours percevoir l'ampleur du phénomène. A quoi l'attribuez-vous ?
L'observation des événements sociaux montre que ce qui était moralement inacceptable quelques années ou quelques décennies auparavant est admis lorsque la situation évolue. L'histoire du national-socialisme en Allemagne en témoigne : en très peu de temps, des gens ordinaires ont changé d'idée sur la manière dont les autres devaient être traités. Ce qui a été possible à l'encontre des juifs en 1941 n'aurait pas été accepté en 1933.
Cette dérive progressive du cadre normatif et moral, que les Anglo-Saxons appellent " shifting baselines ", se retrouve dans la façon d'appréhender les dérèglements environnementaux, et leurs conséquences sur les populations des pays frappés par la sécheresse ou les inondations. Les choses finissent par se banaliser.
Comment nourrir la prise de conscience ?
Si l'on communique sur des événements qui se produiront en 2050, comme le nombre de centimètres d'élévation du niveau de la mer, les gens trouvent le message " respectable ", mais s'en moquent un peu. L'information fait sens lorsque l'on peut la replacer dans un contexte d'action.
En Allemagne, par exemple, depuis quelque temps, une école de Fribourg gère au plus près son énergie pour générer " zéro émission ". Cette première réalisation pousse maintenant les professeurs et les enfants à aller plus loin. Les élèves se tournent désormais vers leurs parents en disant " Pourquoi avons-nous cet énorme réfrigérateur ? ", et refusent d'être amenés à l'école dans une grosse voiture. L'action a un effet " contagieux ". Dès que l'on fait l'expérience concrète du changement, des dynamiques s'enclenchent.
Une des grandes faiblesses de nos démocraties est que les gens ne se sentent pas investis du pouvoir de faire bouger les choses. Face aux questions graves du changement climatique, nous avons besoin d'une " repolitisation " de la société civile, sous-tendue par des questions telles que " Quelle société voulons-nous pour 2020 ? ", sans que celui qui s'interroge ainsi ne se fasse traiter d'utopiste ou de romantique.
Les dérèglements environnementaux sont provoqués, en grande partie, par un mode de vie et un type d'économie créés et promus par les pays occidentaux. Nous n'avons pas à chercher chez les autres, qu'ils soient Chinois ou Africains, ce qui a causé les problèmes actuels. Nous devons changer de mode de vie.
Cette incapacité à changer peut-elle créer des tensions et des violences entre générations ?
Oui, car l'injustice des dérèglements climatiques pèse non seulement sur les pays en développement, mais aussi sur les jeunes générations. Celles-ci subissent aujourd'hui une grande pression sociale. Elles savent que le futur ne les récompensera pas à la hauteur de leurs efforts, que ce soit en termes d'emploi ou de revenus. Nous sommes en train de consommer leur avenir financier et environnemental. D'où leur mobilisation parfois violente, et leur volonté d'agir afin de changer les règles.
Propos recueillis par Bertrand d'Armagnac
24/10/2009
Les évêques africains dressent un réquisitoire contre les dirigeants politiques et dénoncent les faiblesses de l'Eglise
25 octobre 2009
Réunis en synode à Rome, ils doivent remettre à Benoît XVI une série de propositions
En trois semaines, le synode sur l'Afrique, qui s'achève samedi 24 octobre à Rome, a pris des allures de réquisitoire contre la gouvernance des responsables politiques locaux et les faiblesses de l'Eglise sur place.
Dans une synthèse de leurs travaux de ces dernières semaines, les pères synodaux ont fermement demandé, vendredi, aux responsables politiques catholiques africains de se comporter comme des " saints " pour le bien de leurs peuples ou de quitter leurs fonctions ; ils ont aussi interpellé les non-catholiques, les puissances étrangères et leur propre clergé.
Au fil de leurs interventions et, tout en reconnaissant à l'Eglise catholique une croissance et un dynamisme réels, les évêques africains, se sont montrés particulièrement sévères envers leur propre institution ; ils ont critiqué des pratiques qui, selon eux, mettent en péril la crédibilité de l'Eglise sur place. " Il faut avoir le courage de dénoncer ce qui est mal au sein de l'Eglise ", a lancé Polycarp Pengo, l'archevêque tanzanien de Dar es-Salaam. Il a ainsi fustigé " l'autoritarisme, le tribalisme et l'ethnocentrisme " de certains responsables d'Eglise, engagés aux côtés de partis politiques, tandis qu'un de ses confrères déplorait " l'implication des prêtres dans la corruption ".
Inquiet des pratiques culturelles " occultes " de certains membres du clergé, un évêque nigérian a aussi estimé que " les libations, le culte des ancêtres, les sacrifices offerts aux idoles et aux dieux ne sont pas compatibles avec le message de l'Evangile ".
Il a appelé le synode à réfléchir à une meilleure formation des séminaristes et des prêtres. Quant aux fidèles, attirés par les " sectes " pentecôtistes qui, à coup de " millions de dollars " leur proposent des " solutions rapides à leurs problèmes ", ils ont été invités à " développer une spiritualité équilibrée ". " Ces groupes souvent agressifs parlent de l'Eglise catholique comme d'une Eglise morte ", s'est inquiété Mgr Martins, du Nigeria, qui a proposé " l'instauration de petites communautés chrétiennes " pour que les fidèles s'y sentent reconnus et, le cas échéant, aidés.
Les évêques ont aussi invité les religieux qui ne respectent pas toujours leur engagement de pauvreté et de célibat, à " se rappeler que les offrandes apportées par les fidèles ne sont pas destinées au seul clergé mais aux pauvres et à l'Eglise en général ". En Afrique, il n'est pas rare que des prêtres ou des évêques gèrent une entreprise commerciale.
Avec constance, les évêques ont également mené la charge contre les responsables politiques et leur mauvaise gouvernance, " cancer qui dévore le continent ", selon les termes d'un évêque kenyan. L'archevêque de Dakar (Sénégal), Théodore-Adrien Sarr, a dénoncé " la corruption des dirigeants africains qui accordent des avantages et des profits démesurés aux multinationales au détriment de leur pays, les conflits armés fomentés par les marchands d'armes et le pillage des ressources naturelles ".
L'un de ses confrères tanzaniens a déploré que les hommes politiques considèrent leur élection comme un " permis de voler ", dénonçant au passage les gouvernants qui " croient en la sorcellerie, la superstition et l'occultisme ".
Par ailleurs, même si la période coloniale est aux yeux de ces évêques largement dépassée, l'influence de la " pensée unique " de l'Occident est copieusement fustigée. Elle aurait des influences " nocives " sur la famille et le mariage, et favoriserait, entre autres, l'avortement, l'homosexualité et " une confiance irréaliste en l'efficacité du préservatif " dans la lutte contre le sida, laquelle passe surtout, selon eux, par la fidélité et l'abstinence. Ce sujet avait fait polémique lors du voyage du pape Benoît XVI en Afrique, lorsqu'il avait déclaré que l'utilisation du préservatif " aggravait le problème " de la pandémie.
Egalement inquiets de la vague d'émigration qui touche l'ensemble du continent, les évêques ont estimé que les solutions, notamment la lutte contre la pauvreté, sont à rechercher sur place : " Nous nourrissons l'espoir de susciter chez les Africains subsahariens un sursaut ou une renaissance de l'homme noir ", a déclaré le cardinal sénégalais. Il a appelé les gouvernants à prendre en main " le destin de leurs peuples ".
Les pères synodaux devaient remettre à Benoît XVI une série de propositions concernant les actions spécifiques de l'Eglise en Afrique.
Stéphanie Le Bars
19/10/2009
Obama, le Nobel, la guerre
Mon cher Barack,
Les commentateurs n’ont pas compris ton prix Nobel de la paix. C’était drôle : on aurait dit des poules devant une brosse à dents. Mais toi, tu es intelligent, tu as compris. Ce n’est certes pas pour tes réalisations que le jury d’Oslo t’a décerné le prix : tu patauges en Afghanistan, le sac de noeuds iranien te reste insaisissable, tu laisses faire la colonisation israélienne, tu plies sur les droits de l’homme - non, cela n’est pas brillant, président.
Alors quoi ? Le communiqué du Nobel, quoique ciselé en langue de bois, laissait transparaître le propos à qui voulait sortir des sentiers battus. Toi, tu as saisi, évoquant dans ton discours du 9 octobre d’abord le désarmement nucléaire, puis le changement climatique. Eh oui ! Le climat !
Aurait-on oublié le prix Nobel de la paix de 2007 ? Il avait couronné Al Gore et le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) qui sonne l’alarme à grands sons de trompe. Pourquoi ? Parce que les jurés d’Oslo savent que le changement climatique est source de guerres. Et toi aussi, tu le sais, parce que le rapport du National Intelligence Council, en novembre 2008 (Global Trends 2025), plaçait les ressources naturelles, le pic pétrolier et le changement climatique au premier rang des problèmes à venir de sécurité nationale, parce que ton directeur pour l’information stratégique, Dennis Blair, l’a dit dès février devant le Sénat, parce que la CIA a ouvert le 25 septembre le Centre sur le changement climatique et la sécurité nationale.
"Dans les situations de stress écologique, la guerre pourrait devenir le moyen ultime de redistribuer des ressources en diminution", résumaient des chercheurs dans la revue Human Ecology en juillet 2007. Des guerres suscitées par la dégradation de l’environnement ? Tu l’appréhendes, les jurés d’Oslo l’appréhendent, et nous sommes de plus en plus nombreux à l’appréhender. Barack, tu n’as pas le temps de lire, mais fais-toi faire une note sur le livre d’un psycho-sociologue allemand, Harald Welzer, Les Guerres du climat (Gallimard) : il démontre avec une froideur étincelante que guerre et paix vont maintenant se jouer autour des conséquences de la crise écologique, il prévoit que la guerre viendra si nous ne parvenons pas à enrayer la course à la dégradation de la biosphère et l’inégalité dans la distribution des ressources naturelles.
Les jurés t’ont décerné le Nobel de la paix pour que tu viennes à Copenhague, lors de la conférence mondiale sur le climat. Recevant le prix à Oslo, le 10 décembre, tu seras moralement obligé d’aller à Copenhague dans la foulée, et de signer l’accord. Les jurés d’Oslo t’invitent à forcer ta nature de compromis, à bousculer l’opinion de ton pays. Ils pensent que la paix du monde dans les décennies à venir va se jouer là, à Copenhague, et que les Etats-Unis, donc toi, en détiennent la clé.
Hervé Kempf - 18 octobre 2009
Source : Cet article est paru dans Le Monde du 18-19 octobre 2009.
15/10/2009
Ouagadougou se remet avec difficulté des inondations historiques du 1er septembre
Il fait près de 40 °C et on a peine à imaginer, en parcourant les rues en terre ocre de Ouagadougou, que la capitale du Burkina Faso a récemment connu sa pire inondation depuis des décennies. Mais ici et là, des maisons en ruine, qui donnent l'impression d'avoir été bombardées, témoignent de la puissance des pluies qui ont frappé le Burkina-Faso et le Niger le 1er septembre.
Près de 300 millimètres d'eau sont tombés en dix heures à Ouagadougou, soit la moitié des précipitations annuelles moyennes. L'eau était partout, les réservoirs situés près du centre de la ville, qui forment un lac artificiel, ont submergé leurs digues, et des milliers de maisons, bâties en banco (terre séchée), se sont effondrées.
"J'avais de l'eau jusque-là, raconte Jean Kiemtarboum, un habitant de l'arrondissement de Nongr-Massom, en montrant sa poitrine. A la maison, tout a été perdu : les réserves de mil et de céréales, les animaux." Encore son habitation a-t-elle résisté à la furie des eaux... Mais les inondations ont causé la mort de neuf personnes.
Les estimations font état de 150 000 sinistrés sur une ville d'un million et demi d'habitants. La plupart d'entre eux ont été hébergés par leur famille ou des amis. Mais il reste aujourd'hui environ 50 000 personnes sans logement. Elles ont dans un premier temps été relogées dans les écoles. Mais la rentrée a eu lieu le 1er octobre, et il a fallu libérer les établissements. Alors la municipalité a commencé à installer des campements de tentes que l'on voit ici et là, disséminés dans la ville.
Des aides de diverses origines sont arrivées. Au secteur 24 de l'arrondissement de Nongr-Massom, les préparatifs s'achèvent pour les quelque 700 sinistrés du quartier. Les premières familles commencent à s'installer dans les tentes blanches offertes par le Rotary Club. Des toilettes en carton rigide sont posées, il reste à creuser les fosses d'aisance et à achever la tranchée d'arrivée d'eau, avec l'aide de l'association Oxfam.
Pour Ilboudo Karim, président du Comité environnement de la commune de Ouagadougou, les pluies du 1er septembre sont un "effet (...) du changement climatique". "Depuis 1919, selon la météo, on n'a jamais rencontré un phénomène de ce genre", assure-t-il.
Mais l'importance des dégâts découle aussi d'une urbanisation qui s'étend rapidement sans que le réseau d'évacuation des eaux suive. Citant des urbanistes, le journal L'Evénement déplore ainsi "la prolifération des lotissements et de l'habitat spontané en périphérie, dans une ambiance de spéculation foncière généralisée". "Et pendant ce temps-là, les grandes infrastructures dont la ville aurait besoin pour devenir une vraie métropole sont en attente", ajoute-t-il.
Si le gouvernement a su organiser la prise en charge à court terme des sinistrés, il a exclu de reconstruire leurs maisons. Et s'il a lancé les réparations les plus urgentes sur les ouvrages d'art, ses moyens ne lui permettent pas d'installer les réseaux hydrauliques dont la ville aurait besoin.
15/09/2009
Malnutrition dans le nord du Burkina Faso
Médecins Sans Frontières a lancé en septembre 2007 un programme à destination des enfants souffrant de malnutrition aiguë dans les provinces du Passoré et du Loroum, dans le nord du Burkina Faso.
En 2008, 16 500 enfants ont été soignés, avec un taux de guérison de 88 %. Pour contrer le fort impact du paludisme sur la mortalité des jeunes enfants lors du pic saisonnier annuel de cette maladie, MSF a mis en place une réponse spécifique de mi-septembre à fin décembre 2008, permettant de soigner 10 800 enfants atteints de la maladie.
09/09/2009
Bruxelles lance à son tour des alternatives au PIB
Alors que la commission Stiglitz rend son rapport le 14 septembre en France, l'Union européenne lance une réflexion sur la « mesure de la prospérité et le bien–être des nations ». Avec pour objectif de créer en 2010 des indicateurs environnementaux et sociétaux qui viendront compléter le PIB, sans pour autant le remettre en cause.
Loin de faire table rase du PIB, la Commission européenne réfléchit néanmoins depuis 2007 à la création d’outils permettant de rendre compte de la situation environnementale et sociétale des Etats membres. Parallèlement à la seule mesure de la performance économique et de la croissance, des indicateurs environnementaux, sociaux et humains doivent appuyer les décisions politiques, explique en substance la commission. « Le PIB ne mesure […] pas la durabilité environnementale ou l'intégration sociale, et ces limites doivent être prises en considération lorsqu'il est utilisé dans des analyses et débats politiques », peut-on lire dans sa communication du 20 août 2009. De plus en plus critiqué, le PIB ne mesure ni l’ensemble des richesses à considérer ( telles que la biodiversité ou les ressources naturelles par exemple ), ni leur répartition. En avril 2008, Nicolas Sarkozy avait ainsi saisi l’occasion de ce débat pour créer, en France, la Commission Stiglitz, chargée de revoir les indicateurs de performance économique. « Les Français n’en peuvent plus de l’écart grandissant entre des statistiques qui affichent un progrès continu et les difficultés croissantes qu’ils éprouvent dans leur vie quotidienne », avait-il alors souligné. (voir article lié). Le rapport sera remis le 14 septembre au cours d’une journée de débats qui réunit experts, économistes et décideurs politiques.
Quel rôle dans les décisions politiques?
Le débat et les critiques sur le PIB ne datent pas d’aujourd’hui. Une initiative internationale, intitulée "Mesurer le progrès des sociétés" est née lors du premier Forum mondial "Statistiques, connaissances et politiques" qui s’est déroulé 2004 à Palerme (Italie) en novembre. Réunissant les Nations Unies, l’UE, l’OCDE et la Conférence islamique, ce projet a acté en 2007 la création de nouveaux indicateurs en collaboration avec la société civile. La 3ème édition du forum se tiendra à Busan, en Corée, du 27 au 30 octobre 2009. 1500 participants -décideurs politiques, leader d’opinion, lauréats du prix Nobel, des statisticiens, etc- des académiciens, évoqueront la « notion de progrès et les nouveaux paradigmes pour le mesurer ».
L’UE, qui doit fixer les objectifs de la Stratégie de Lisbonne sur la croissance et l’emploi pour l’après 2010, a prévu d’adopter dans un premier temps un « indice de pression environnementale », qui devrait être prêt en 2010. Il mesurera les efforts entrepris par les Etats membres dans 5 domaines -changement climatique et utilisation énergétique ; nature et biodiversité ; pollution de l’air et impacts sur la santé ; utilisation et pollution de l’eau ; production de déchets et utilisation des ressources- .
D’autres indicateurs devraient parallèlement mesurer la mise en œuvre de la stratégie de développement durable de l’UE depuis 2001 (qui concerne les transports, les bâtiment, la consommation entre autres) ainsi que la situation sociale des Etats ( accès aux biens et services de base, éducation, loisirs, mobilité, santé publique etc), la qualité de vie et le bien-être des individus. Autant de critères qui figureraient à côté du PIB pour mesurer l’ensemble des richesses des Etats, mais dont la prise en compte dans les décisions politiques reste in fine incertaine.
Véronique Smée
Mis en ligne le : 09/09/2009
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30/08/2009
La réconciliation est en bonne voie dans le nord du pays
MALI
04.08.2009
Le Mali vient de faire un pas de plus dans la recherche de la paix et la stabilité", souligne le quotidien burkinabé. Pour la première fois depuis dix ans, une réunion de réconciliation entre les communautés qui peuplent le nord du pays a eu lieu les 1er et 2 août à Tombouctou. Elle a débouché sur la signature d'un accord de paix entre le gouvernement et les ex-rebelles touaregs. Cet accord prévoit une accélération du processus de développement de la région, qui, en retour, doit renoncer à son projet d'autonomisation.
La culture de la banane est menacée
28.08.2009
Deux virus qui ravagent actuellement les bananiers sur le continent pourraient avoir d'importantes répercussions sur les ressources alimentaires de 30 millions d'Africains qui dépendent en grande partie de cette denrée, révèle le quotidien nigerian The Guardian. Les virus auraient déjà infecté 45 000 hectares de bananeraies au Malawi et une enquête réalisée en 2008 a révélé leur présence dans onze autres pays, notamment au Gabon, en RDC ou encore dans le nord de l’Angola, selon The Consultative Group on International Agriculture Research, un groupe de recherche international sur l'agriculture. "Des scientifiques originaires des pays concernés se sont réunis cette semaine à Arusha, dans le nord de la Tanzanie, afin de réfléchir aux moyens de contrer ces maladies", rapporte le journal.
23/08/2009
Alerte à BABYLONE
Maintenant on pourrait presque enseigner aux enfants dans les écoles comment la planète va mourir, non pas comme une probabilité mais comme l’histoire du futur. On leur dirait qu’on a découvert des feux, des brasiers, des fusions, que l’homme avait allumé et qu’il était incapable d’arrêter. Que c’était comme ça, qu’il y avait des sortes d’incendie qu’on ne pouvait plus arrêter du tout. Le capitalisme a fait son choix : plutôt ça que de perdre son règne.
Entretien avec Marguerite DURAS, Le Matin, 4 juin 1986
Babylone était cette cité assiégée de l’extérieur.
Ce qui menace aujourd’hui la société globale d’effondrement résulte de la mystérieuse contrainte qui s’impose à elle de poursuivre son développement sans limite. Et cette contrainte ne peut être satisfaite que par la restriction toujours plus poussée des libertés humaines.
À travers une série de déplacements et rencontres au sein de la Cité moderne, ce film nous propose un constat actualisé de cette inquiétante perspective.
Le développement de la société techno marchande ne se fait pas sans que chaque jour de nouveaux dangers soient identifiés, qui menacent les êtres vivants. Et s’il est devenu courant d’admettre que la prolifération des dispositifs technologiques ne va pas sans risques, il est en revanche toujours difficile de savoir comment prévenir ces risques. Une des plus importantes difficultés réside sans doute dans le fait que ces dispositifs supportent généralement la croissance économique, fondement du fonctionnement des sociétés occidentales. Ainsi toute alerte qui vise à prévenir un risque sanitaire ou écologique engendre simultanément le risque de freiner cette croissance. Nombreux sont ceux qui veulent croire que la vitalité des institutions économiques, à travers le travail qu’elles offrent, sont encore le garant de notre prospérité et de notre bien-être.
Alerte à Babylone en examinant une série de problématiques actuelles entend moins recenser les grands dangers qui nous assaillent que d’actualiser le constat depuis longtemps entrevu de l’artificialisation de la vie ; ce processus ne pouvant que s’accompagner du contrôle toujours plus poussé des organismes vivants et de leur enfermement social.
Avec :
Susan et Arpad Pusztaï, toxicologues congédiés du Rowett Institute (Ecosse)
Vassili Nesterenko, Directeur du laboratoire indépendant Belrad, œuvrant aux soins auprès des populations contaminées par les nouvelles conditions de vie autour de Tchernobyl
Martin Hirsch, Directeur Général de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire et Alimentaire (AFSSA)
Gilles-Eric Séralini, membre de la Commission du Génie Biomoléculaire et Directeur scientifique du Comité de Recherche et d’Information Indépendantes sur le génie génétique (CRII-GEN)
Gilles Heriard-Dubreuil, Président de Mutadis, entreprise privée de gestion sociale du risque
Jean-Michel Truong, romancier, entrepreneur
Charles Pilet, ancien Président de l’Académie de Médecine
Claude Bourguignon, agronome indépendant
André Cicolella, Président de la Fondation Sciences Citoyennes
Jacques Philipponneau, Editions de l’Encyclopédie des Nuisances
Jean-Pierre Berlan, Directeur de Recherche placardisé à l’Institut National de Recherche Agronomique (INRA)
Eric Alt, magistrat, membre du Syndicat de la Magistrature
Pierre Boussange, Maria, Alain et Denis, activistes écologiques et anarchistes
Claude Birraux, Vice-Président de l’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques
Frédérick Lemarchand, Socio-anthropologue du risque, Université de Caen
PMO (Pièces et Main d’Oeuvre), groupe de citoyens en lutte contre le diktat du technopôle grenoblois
FICHE TECHNIQUE
Réalisation : Jean DRUON
Images : Nicolas GUICHETEAU
Son : Eusebio SERRANO
Montage : Audrey MAURION et Alejandra RIERA
Musique : Christophe CHEVALIER et Nicolas DEUTSCH
Mixage : Charles SCHLUMBERGER
Production : CULTURE PRODUCTION
16/08/2009
L'Afrique au secours de l'Occident
Anne-Cécile Robert est journaliste au Monde diplomatique et professeur associé à l'Institut d'études européennes de l'université Paris 8
Et si c'était l'Occident, et non l'Afrique, qui avait besoin d'aide ? Et si c'était au continent africain de venir au secours de l'Occident ? Ce livre, volontairement provocateur, propose de renverser radicalement le regard porté sur notre « monde mondialisé ». Alors que, dans sa version capitaliste globalisée, le modèle occidental est en train de mettre à sac la planète, l'Afrique pourrait, en puisant dans son patrimoine culturel, apporter une vision plus harmonieuse et plus équilibrée du rapport entre les humains et la nature. Sans idéaliser une Afrique mythique ni nier la dramatique situation dans laquelle se trouve souvent le continent noir, le livre suggère que le prétendu « retard » de l'Afrique ne serait que l'expression d'une formidable résistance culturelle à un modèle économique dévastateur. Il propose, en délocalisant le regard en Afrique, une critique radicale de nos modes de vie et des valeurs de la mondialisation libérale.
Lire la suite en cliquant ici.
Interview d’Anne-Cécile Robert au sujet de son livre : Afriques, années zéro : Du bruit à la parole
Cliquer sur le lien : http://www.amis.monde-diplomatique.fr/article2198.html#
Présentation de l’éditeur :
Depuis l’échec, sur fond de désastre social, des plans de rigueur économique initiés par les institutions financières internationales (dont le FMI et la Banque mondiale) et les riches pays du Nord, l’Afrique subsaharienne est le théâtre des mutations les plus spectaculaires de la globalisation du monde. Si ces transformations ont parfois des formes dramatiques (émeutes de la faim, coups d’Etat, guerres, revendications identitaires, etc.) donnant l’impression d’un immense chaos, les événements ne sont pas moins compréhensibles qu’ailleurs. Ce sont du reste les simplifications médiatiques et les préjugés dépréciatifs qui créent ce que certains appellent l’" insoluble complexité " du continent noir.
En douze chapitres qui mêlent le récit et l’analyse, cet ouvrage dresse l’état des lieux de ce nouvel an zéro du sous continent, où ce qui se joue aura des conséquences certaines sur le reste du monde. Et pour cause, l’Afrique subsaharienne est le laboratoire historique des crises qui guettent désormais le versant riche de la planète (explosion des inégalités sociales, appauvrissement des classes moyennes, déni de la puissance publique et du rôle de l’Etat).
Afriques, années zéro : Du bruit à la parole d’Anne-Cécile Robert et Jean-Christophe Servant, éditions ATALANTE, novembre 2008.
13/08/2009
En Inde, le spectre de " guerres de l'eau " se profile
14 août 2009
Manifestation contre la pénurie d'eau, le 30 juillet, à Chandigarh, ville du nord de l'Inde. REUTERS
New Delhi Correspondance
Le sous-continent puise dans ses nappes phréatiques à un rythme qui compromet la pérennité de cette ressource
En Inde, les nappes phréatiques s'épuisent, mettant en péril les ressources en eau du pays. Un article paru jeudi 13 août dans la revue scientifique Nature établit qu'en six ans, de 2002 à 2008, les réserves d'eau souterraine de trois régions du nord de l'Inde, l'Haryana, le Pendjab et le Rajasthan, ont diminué de 109 milliards de mètres cubes, soit le dixième des réserves annuelles du pays.
L'Inde est prise au piège entre une consommation qui ne cesse d'augmenter et des réserves qui baissent. L'eau souterraine est gratuite et abondante, même en temps de sécheresse. Depuis quarante ans, les agriculteurs se sont donc tournés vers l'exploitation des nappes phréatiques, sans se donner la peine de demander des autorisations. En l'absence de législation et de contrôle des autorités, 19 millions de puits ont été forés.
Cette eau souterraine, qui constitue 38,5 % des ressources disponibles, est pourtant précieuse. S'il suffit de seulement quelques minutes pour extraire l'eau des profondeurs, il faut des années pour reconstituer une nappe phréatique. Dans son rapport intitulé " Propriété et gestion des nappes phréatiques ", le commissariat au plan indien met en garde contre leur surexploitation : entre 1995 et 2004, " la proportion de districts surexploités est passée de 4 % à 15 %, faisant de la surexploitation des nappes phréatiques un objet de préoccupation ". Dans les régions arides ou semi-arides comme le Gujarat, le Tamil Nadu ou le Rajasthan, plus de la moitié des districts sont classés comme étant dans une situation critique ou semi-critique ou comme surexploités.
Cette pénurie conduit les agriculteurs à creuser des puits de plus en plus profonds. Mais tous n'ont pas les moyens de s'équiper de pompes à eau suffisamment puissantes. Dans un article paru mardi 11 août dans les Lettres de la recherche environnementale (ERL), Tushaar Shah montre que ces pompes à eau, qui fonctionnent avec des générateurs alimentés au gazole ou au kérosène, sont responsables de 4 % à 6% des gaz à effet de serre émis par l'Inde, le quatrième pollueur de la planète. Or le réchauffement climatique réduit les chances de renouvellement des nappes phréatiques.
En 2001, le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) a montré qu'une augmentation des températures se traduirait par de plus fortes précipitations, sur une moindre durée. Ce changement pourrait ralentir le rythme de réapprovisionnement des réserves d'eau souterraines. Enfin la montée du niveau de l'océan provoque la salinisation des nappes phréatiques côtières, les rendant impropres à la consommation. La contamination chimique des nappes phréatiques, à l'arsenic ou au fluor, est en outre déjà à l'oeuvre dans certains Etats, comme l'Andhra Pradesh ou le Bengale-Occidental.
Les nappes phréatiques servent à irriguer des cultures à haut rendement, où sont aussi utilisés des pesticides et des engrais. Or " les systèmes d'irrigation souterrains sont particulièrement vulnérables à la contamination chimique. Une fois contaminés il est très difficile, voire impossible de les décontaminer ", lit-on dans un des articles publiés dans ERL.
Des tensions
La pénurie d'eau suscite déjà des tensions en périphérie des grandes agglomérations. " La guerre de l'eau a commencé ", va même jusqu'à affirmer Sunita Narain, rédactrice en chef de la revue environnementale Down to Earth. " Aux alentours de New-Delhi, les citadins utilisent les ressources en eau des paysans. Et les paysans ont à leur tour recours aux maigres ressources en électricité des citadins pour pomper l'eau dans des puits profonds ", explique Sunita Narain. En 2005, cinq paysans ont été tués au cours de manifestations, dans le Rajasthan, pour protester contre l'acheminement de l'eau du barrage de Bisalpur vers la ville de Jaipur.
Le gouvernement expérimente la possibilité de recharger artificiellement les nappes phréatiques et commence à peine à contrôler les creusements de puits. Restreindre l'accès à l'eau dans les régions agricoles s'avère difficile à contrôler et risqué politiquement. Le gouvernement central préfère donc étendre le réseau d'irrigation en surface. " Depuis 1990, les gouvernements du centre et des régions ont investi plus de 20 milliards de dollars dans la construction et la réhabilitation de systèmes d'irrigation par canaux, alors que la surface alimentée par cette irrigation a baissé de 3 millions d'hectares ", écrit Tushaar Shah.
Le temps presse pour éviter la surexploitation des nappes phréatiques. Alors que l'agriculture consomme 85 % de l'eau douce du pays, la situation pourrait s'aggraver avec l'industrialisation et l'urbanisation de l'Inde. Le commissariat au plan indien prévoit qu'à ce rythme, l'Inde souffrira en 2050 d'un déficit de 320 milliards de mètres cubes d'eau par an.
Julien Bouissou