16 octobre 2010
Un agriculteur transporte sa récolte de mil, près du village de Selbo.
ISSOUF SANOGO/AFP
Bobo-Dioulasso (Burkina Faso) envoyée spécialeLa relance de l'agriculture vivrière est, depuis deux ans, la priorité du gouvernement de ce pays d'Afrique
REPORTAGE
Avec un large sourire, Issoufou Zaida regarde sept de ses jeunes enfants, installés à l'ombre d'un arbre, avaler goulûment une bouillie de sorgho blanc et feuilles d'oseille. " Grâce aux semences améliorées que j'ai pu utiliser cette année, je peux les nourrir ", explique-t-il. Issoufou Zaida fait partie des agriculteurs vulnérables, bénéficiaires de l'opération de distribution de semences certifiées lancée en 2010 par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Avec ces semences, il a pu semer deux bandes de maïs arrivées à maturité dès la mi-août. " Le maïs traditionnel, je ne l'ai toujours pas récolté... ", soupire-t-il.Ayant partagé avec d'autres familles du village le sac de graines qui lui a été donné, le butin n'est pas lourd mais au moins, il permet d'assurer trois repas à ses enfants. Ces dernières années, en période de soudure, ce laps de temps entre l'épuisement des réserves et la nouvelle récolte, il ne pouvait leur en offrir qu'un. Du doigt, Issoufou Zaida montre ses huit greniers : " pas un n'est rempli... ".
Avec 21 bouches à nourrir, l'agriculture n'est qu'un moyen de subsistance pour cet homme, polygame, au visage marqué par le labeur, mais qui se prend à rêver : " Si j'arrivais à produire plus, je pourrais mieux les nourrir et puis vendre un peu de ma récolte, ce qui me permettrait d'en envoyer plus à l'école. "
Distribution à grande échelle
L'opération de la FAO, financée par l'Union européenne à hauteur de 18 millions d'euros, s'inscrit dans la politique menée depuis deux ans par le gouvernement burkinabé. Après une longue période d'ajustements structurels qui l'a privé de moyens, celui-ci a choisi de réinvestir dans l'agriculture. Et dans l'agriculture vivrière en particulier, trop longtemps délaissée au profit du coton, culture d'exportation ramenant des devises.
" La crise alimentaire de 2008 qui s'est traduite par de violentes manifestations a montré que laisser seul le marché agir avait ses limites. Le choix a alors été fait d'augmenter l'offre alimentaire locale en permettant aux paysans d'accroître leur production ", explique le ministre de l'agriculture, Laurent Sédogo. Le gouvernement a ainsi décidé de se lancer dans la distribution à grande échelle de semences certifiées à prix social. Avec l'objectif de porter de 6 % à 50 % d'ici à 2015 le nombre d'agriculteurs en bénéficiant.
Le gouvernement appuie aussi le développement de l'agriculture du pays à travers son stock national de régulation. Constitué des récoltes locales, il permet à la fois de veiller à l'approvisionnement des régions déficitaires en céréales tout en soutenant via une politique d'achat, celles où les récoltes sont excédentaires.
A travers son programme " Purchase for Progress " (P4P) lancé en 2009, le Programme alimentaire mondial (PAM) favorise lui aussi désormais l'achat local de céréales, dont il organise la distribution dans les régions à risques. Cette démarche s'accompagne de formations à la commercialisation de leur production auprès des petits paysans. " Ils apprennent à répondre aux appels d'offres, à respecter des standards de qualité et à se regrouper dans des organisations paysannes ", relève Véronique Sainte-Luce, responsable du P4P.
La première année, les paysans se familiarisent à la négociation de contrats de gré à gré puis ensuite aux contrats à terme. Ce qui leur permet ensuite de négocier des crédits auprès des caisses agricoles pour s'approvisionner en intrants. " Avant l'agriculture n'était pour beaucoup qu'un moyen de subsistance, maintenant nous faisons du commerce, et cela motive les gens à développer leurs productions, à se professionnaliser ", relève Seydou Sanon, animateur de l'Union provinciale des professionnels agricoles du Houet.
La relance de l'investissement dans l'agriculture vivrière va de pair avec le renforcement des organisations paysannes. Les paysans sortant de l'agriculture de subsistance, elles sont appelées à jouer un rôle important dans la commercialisation des excédents. En amont, elles fournissent un appui technique et financier (achat en commun d'intrants, de matériel...).
Il y a trois ans, " découragé ", Yezoum Bonzi était sur le point de tout arrêter. Mais grâce au conseil à l'exploitation familiale développé par l'Union des groupements pour la commercialisation des produits agricoles de la boucle du Mouhoun, il a pu relancer sa production, abandonner progressivement la production de coton, devenu peu rentable, pour celle du maïs, du sorgho et du petit mil. Et aujourd'hui il songe même à cultiver de nouveaux champs.
Il faut dire que la forte amélioration de ses rendements (3 tonnes de maïs à l'hectare contre 1 tonne auparavant) lui ont permis de s'acheter une moto, et de se faire construire une maison en dur " avec l'électricité et la télé grâce à un panneau solaire ", dit-il fièrement. Et pour labourer ses champs, il a ses boeufs et n'a plus besoin d'aller travailler chez d'autres pour s'en faire prêter.
Parmi les paysans de la coopérative de la plaine de Banzon, c'est à qui raconte s'être marié, à qui se dit soulagé de n'avoir plus à emprunter pour pouvoir scolariser ses enfants, à qui se félicite de ne pas voir son petit frère émigrer et rester au village... Sur cette plaine, tous ont fait le choix de se lancer dans la culture de semences. " La semence demande beaucoup de rigueur mais cela rapporte ! ", lâche Dialo Yacouba, son secrétaire général.
Tous savent que les aides dont ils bénéficient auront une fin. Mais ils se montrent confiants. " Nous sommes capables d'acheter nos intrants. Grâce à la qualité de notre production, explique Dialo Yacouba, nous nous sommes constitué un fonds de roulement. Et la plaine a maintenant une réputation ! "
Laetitia Van Eeckhout
© Le Monde
1 commentaire:
Comment peut-on écrire sans sourciller : " Issouffou Zaida regarde sept de ses jeunes enfants avaler goulûment une bouillie", "grâce aux semences améliorées, je peux les nourrir" ou encore "avec 21 bouches à nourrir, l'agriculture n'est qu'un moyen de subsistance pour cet homme polygame" ?
Combien de femmes Issouffou Zaida a-t-il : 3, 4 ?
Combien d'enfants : 17, 18 ?
Il y a un moment où la raison devrait l'emporter, que ce soit chez les intéressés eux-mêmes ou chez ceux qui rapportent, sans les commenter, ces situations tout à fait excessives.
De façon évidente, avec 3 ou 4 fois moins d'enfants ce paysan aurait encore une bien belle famille et bien entendu strictement aucun problème pour la nourrir ...
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