21 août 2012
Niamey Envoyé spécial
Ils étaient les seigneurs du Sahel, ils sont en passe d'en devenir des citoyens de seconde zone. Les populations pastorales sont durement éprouvées par la répétition d'aléas climatiques dans la région, mais aussi par son évolution socio-économique. " Le front agricole avance de plus en plus et colonise les terres pastorales ", note Abdrahmane Wane, coordonnateur du pôle pastoral zones sèches au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, basé à Dakar.
" Au Niger, on considère qu'une terre n'est exploitée que si elle est cultivée, explique Harouna Abarchi, de l'Association pour la redynamisation de l'élevage au Niger. La manière qu'ont les éleveurs de marquer l'espace n'est pas reconnue et les aires de passage des troupeaux se font grignoter. " Et M. Wane de citer l'exemple de terres louées à un investisseur italien au Sénégal sous prétexte qu'elles étaient " libres ", alors qu'elles étaient situées sur des parcours de transhumance du bétail.
Ce contexte de concurrence entre pasteurs nomades et cultivateurs est à l'origine de nombreuses tensions, alors que les deux populations ont longtemps vécu en symbiose : les troupeaux venaient nettoyer les champs de leurs déchets végétaux, après les récoltes, tout en amendant ces terres par leurs déjections. " A une époque, les cultivateurs offraient des bottes de mil aux éleveurs, le vendredi, pour sceller leur bonne entente ", raconte Harouna Abarchi, qui déplore la multiplication d'" expéditions punitives " visant des campements d'éleveurs dont le cheptel est soupçonné d'avoir provoqué des dégâts dans les champs.
L'accès à l'eau constitue une autre source de tensions. " Alors que l'élevage est la principale ressource du Niger, on assiste, en plus des obstacles à la libre circulation des troupeaux, à une "privatisation" des puits et des points d'eau, constate Jean-Pierre Olivier de Sardan, du Laboratoire d'études et de recherche sur les dynamiques sociales et le développement local, à Niamey. Il y a même eu des grèves d'éleveurs peuls qui ont boycotté les marchés pour protester contre le racket dont ils estiment être victimes. "
" Marginalisés "
C'est que les populations pastorales ont du mal à faire entendre leur voix. " On trouve très peu d'éleveurs parmi les élites ", constate Harouna Abarchi. " Ce sont des populations marginalisées, qui ne pèsent quasiment pas sur les politiques publiques, confirme Abdrahmane Wane. Les Etats ont toujours du mal à appréhender ces populations mobiles. "
Les réponses apportées à la crise alimentaire actuelle ciblent essentiellement les populations sédentaires, alors que la hausse des prix des céréales touche également les pasteurs, qui voient les termes de l'échange se dégrader pour eux. De plus, l'important déficit fourrager enregistré en 2011 a affaibli des troupeaux déjà décimés par un précédent épisode de sécheresse, en 2010.
La rébellion dans le nord du Mali a aggravé la situation en empêchant l'accès des troupeaux au Gourma, une importante zone de pâturages, et en poussant à l'exil de nombreux éleveurs, accompagnés de leurs bêtes. Des mesures spécifiques de soutien aux populations pastorales ont été prises : des distributions ou des ventes à prix subventionnés d'aliments pour le bétail ont été organisées, ainsi que des campagnes de vaccination des animaux.
G. v. K.
© Le Monde
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