29/10/2012

Le développement, c'est nos oignons


30 octobre 2012


Au Niger, Salia Mahamane cultive son champ d'oignons et de légumes au moyen d'une paire de boeufs " et d'une motopompe de 3,5 chevaux pour l'irrigation ". Le tracteur est, ici, un luxe inaccessible. C'est sur de tels paysans - la catégorie de la population mondiale la plus touchée par la pauvreté - que repose l'espoir de nourrir la planète. Comme les 30 000 producteurs de la Fédération des coopératives maraîchères qu'il préside, Salia Mahamane se débrouille avec les moyens du bord pour arriver à faire pousser oignons et autres patates douces. Sa fédération groupe les achats de semences, forme les exploitants - un tiers sont des femmes - à l'utilisation d'engrais organiques et de biopesticicides. M. Mahamane apprécie le soutien de la coopération européenne, même s'il dépend de l'appui d'organisations non gouvernementales (ONG) comme Oxfam pour y accéder : les dossiers restent trop compliqués à monter.
Et, pourtant, le Niger est le premier producteur d'oignons de la région : 500 000 tonnes par an, dont 300 000 tonnes sont exportées dans les pays voisins. L'oignon est une ressource indispensable à la survie des habitants d'un pays parmi les plus pauvres du monde. Dans l'idéal, il devrait l'être bien davantage, si les importations européennes dans la région ne posaient pas un problème sérieux en faisant chuter les prix locaux : " Quand on prend le Sénégal, la Guinée et la Côte d'Ivoire, ce sont des pays qui importent 300 000 tonnes par an. Donc tout ce que nous produisons peut être exporté vers ces pays-là. Mais ces pays sont inondés par la production d'oignons européens, plus précisément néerlandais. Donc nous n'avons plus d'accès à ces marchés-là ", dit-il. Chaque année, les producteurs d'oignons perdent de l'argent, explique M. Mahamane, pour qui l'équation est simple : il faut taxer davantage ces importations. " Si les producteurs n'arrivent pas à écouler leurs oignons, on va continuer à être dans la pauvreté et on ne peut pas atteindre notre souveraineté alimentaire. "
Sous les ors du Palais Brongniart - où il était invité par le forum Convergences 2015 pour un débat sur la " cohérence des politiques européennes en faveur du développement des pays du Sud ", mercredi 19 septembre -, M. Mahamane a estimé possible de nourrir toute la population du Niger et de dégager des revenus supplémentaires pour moderniser les exploitations agricoles et inscrire les enfants des producteurs à l'école.
Pour y arriver, les marchés africains doivent être davantage protégés de la concurrence d'une agriculture européenne hautement productive, motomécanisée et bénéficiant de nombreux soutiens : " La France produit de l'oignon, et elle importe de l'oignon néerlandais : ça se comprend, parce que c'est l'Europe. Mais la France va exporter en Australie ou en Nouvelle-Zélande. C'est très loin... ", explique M. Mahamane. L'oignon néerlandais, à la fin, atterrit en Afrique alors qu'il pourrait être consommé en France ou dans d'autres pays développés. Et pour un produit humide qui fait des milliers de kilomètres, le bilan écologique n'est pas aussi bon...
L'objectif de cohérence des politiques européennes vise précisément à faire sortir l'aide au développement d'une seule logique de réparation des effets des autres politiques. Tant l'Union européenne (UE) que ses pays membres doivent ainsi tenir compte de l'objectif à long terme d'éradication de la pauvreté, selon l'article 118 du traité de Lisbonne. Des progrès ont été faits sur les aides à l'exportation : " Ce n'est plus un problème de politique agricole - seulement 0,5 % des exportations européennes sont subventionnées contre plus de 10 % voici quelques années. Il reste un problème de politique commerciale ", dit Françoise Moreau, chef d'unité politique et cohérence à la direction développement et coopération de la Commission européenne.
Les organisations paysannes africaines doivent donc essayer de se faire entendre dans les négociations en cours des accords dits de " partenariats économiques " entre l'UE et les pays africains. Tâche ardue. " Les négociations commerciales manquent énormément de transparence : tout cela se fait derrière des portes closes ", regrette Blandine Bouniol, coordinatrice de Concord, la plate-forme européenne des ONG. Même si elle note des progrès : ces accords doivent désormais, une fois conclus, être ratifiés par le Parlement européen. Mais, en amont, davantage de voix devraient être entendues.
" Le problème de la cohérence des politiques commerciales tient beaucoup au postulat qu'on nous martèle sans cesse, selon lequel le commerce et la libéralisation des échanges produisent une réduction de la pauvreté. Or il n'y a pas de lien logique. C'est beaucoup plus complexe ", explique Mme Bouniol.
Elle appelle à sortir de cette doctrine " dans laquelle on est enfermé et qui empêche le dialogue ", et à regarder les conditions à mettre en place pour faire du commerce un instrument positif : ne pas ouvrir les secteurs vulnérables, faire des réformes adaptées et à la bonne vitesse, prévoir des périodes de transition et de préparation, susciter l'appropriation par les populations de ces évolutions, et les inscrire surtout dans une politique globale de développement. Bref, accepter que le développement passe aussi par la protection des producteurs d'oignons du Niger.
Adrien de Tricornot

service Eco & Entreprise

© Le Monde

22/10/2012

Les Moissons du Futur



Comment nourrir les 9 milliards d'habitants annoncés en 2050 ? Une émission de télévision a convaincu Marie-Monique Robin de poursuivre ses investigations sur l'urgence de produire autrement. Président de l'Association nationale de l'industrie agro-alimentaire, Jean-René Buisson y affirmait qu'aucune alternative aux pesticides n'était possible et qu'une agriculture bio entraînerait une baisse de la production de 40 % pour une hausse des prix de 50 %. Rapporteur spécial pour le droit à l'alimentation des Nations unies, Olivier de Schutter, lui, prétend exactement le contraire. Qui croire ? Enquêtant aux quatre coins du globe, la journaliste a rencontré des paysans qui ont renoncé à ces insecticides et pesticides dont les coûts indirects colossaux - pollution, énergie et santé publique - ne sont jamais pris en compte.
(France, 2012, 52mn)
ARTE F

Date de première diffusion :Mar., 16 oct. 2012, 20h52

Date(s) de rediffusion :Mardi, 30 octobre 2012, 10h35
Jeudi, 8 novembre 2012, 14h10



09/10/2012

Près de 870 millions d'humains souffrent de la faim


10 octobre 2012


















IL S'AGIT d'estimations, à prendre avec précaution. D'autant que l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a modifié la méthode de calcul de son indicateur de la sous-alimentation, rendu public mardi 9 octobre, simultanément à la parution du rapport sur L'Etat de l'insécurité alimentaire dans le monde.
Ce mode de calcul révisé, qui s'appuie notamment sur de " nouvelles données anthropométriques " et des " estimations actualisées des apports alimentaires énergétiques par pays ", conduit à revoir les chiffres de référence. Le nombre de personnes ayant souffert de sous-alimentation chronique dans la période 2007-2009 a ainsi été ramené de 925 à 867 millions, ce qui conduit le rapport à affirmer que " les progrès enregistrés en matière de lutte contre la faim - depuis 1990 - ont été plus prononcés que ce que l'on pensait précédemment ".
On assiste cependant à une stabilisation sur la période 2010-2012, avec 868 millions de personnes souffrant de la faim, dont 852 dans les pays en développement. Le haut niveau des prix agricoles, ainsi que leur volatilité depuis la crise alimentaire de 2007-2008 n'auraient donc pas aggravé la sous-alimentation dans le monde, mais " provoqué un ralentissement considérable des progrès accomplis en matière de réduction de la sous-alimentation ".
Les Nations unies estiment encore possible d'atteindre en 2015 l'Objectif du millénaire pour le développement (OMD) consistant à réduire de moitié, par rapport à 1990, le nombre de personnes souffrant de faim chronique, à condition d'" inverser le ralentissement tendanciel observé depuis 2007-2008 ". La proportion de personnes sous-alimentées dans les pays en développement est de 14,9 %, l'OMD se situant à 11,6 %.
Le rapport note que l'Asie n'enregistre " qu'un léger retard " par rapport à cet objectif, alors que " l'Afrique continue de s'écarter (...) de la voie qu'elle devrait emprunter pour atteindre sa cible ". La majorité des personnes souffrant de la faim se trouvent néanmoins en Asie : 563 millions, contre 239 pour l'Afrique.
Les Nations unies estiment que la réduction de la faim passe " par la croissance économique et l'action des pouvoirs publics ", mais aussi le développement de la petite agriculture, l'amélioration de la nutrition et la mise en place d'une protection sociale pour les populations les plus vulnérables.
G. v. K.
© Le Monde

L'Afrique peut se nourrir et nourrir le monde

10 octobre 2012
Kanayo Nwanze, président du Fonds international de développement agricole, souligne le rôle des petits paysans

Selon un rapport publié, mardi 9 octobre, par les Nations unies, 868 millions de personnes ont souffert de sous-alimentation chronique pendant la période 2010-2012 dans le monde, soit autant que les trois années précédentes. Selon le Nigérian Kanayo F. Nwanze, président du Fonds international de développement agricole (FIDA), une des trois agences onusiennes à l'origine de ce document, les solutions existent et une d'entre elles consiste à soutenir les petits agriculteurs.
Moins connu que l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) ou le Programme alimentaire mondial (PAM), coauteurs du rapport, le FIDA est une institution financière dont la mission est de soutenir des programmes de lutte contre la pauvreté rurale dans les pays en développement. Pour son président, agronome et entomologiste de formation, l'agriculture paysanne et familiale des pays du Sud peut et doit devenir rentable, afin de susciter des vocations et de contribuer à nourrir l'humanité. " Money is sexy ", aime-t-il à répéter avec un brin de provocation.

Le rapport sur l'état de l'insécurité alimentaire dans le monde fait d'une croissance agricole " fondée sur une productivité accrue des petits exploitants " des pays du sud un outil à privilégier dans la lutte contre la faim et la pauvreté. Concrètement, par quoi cela passe-t-il ? 

Par la capacité des populations à s'organiser et à se structurer pour être en mesure de mener des actions collectives. Egalement par l'utilisation d'engrais et de semences améliorées afin de renforcer les rendements. Attention : il ne s'agit pas de reproduire les excès de la " révolution verte " ou du modèle occidental d'agriculture intensive. Le recours aux engrais chimiques doit rester modéré.
Mais cela ne suffit pas : à quoi sert d'augmenter ses rendements si l'on ne peut pas commercialiser sa production ? Il est nécessaire de favoriser l'accès des producteurs au crédit, aux marchés et à un certain nombre de services et d'infrastructures, par exemple des installations de stockage fiables. Le FIDA a fait de la commercialisation de la production des petits agriculteurs une priorité. Mais il faut surtout un véritable engagement politique des Etats concernés.
Cette volonté semble pourtant faire défaut à un certain nombre d'entre eux. 

Le développement, ce n'est pas - comme on l'a longtemps cru - ce que l'on fait pour les autres, mais ce que l'on fait pour soi-même. On l'a vu au Brésil, en Chine ou au Vietnam, où le développement est une priorité nationale. Le Vietnam est devenu exportateur de riz, dont 60 % est produit par l'agriculture paysanne. Dans les pays en développement, les petits cultivateurs produisent 80 % de ce que les gens mangent. On ne peut pas les ignorer. Il faut faire de la transformation de l'agriculture paysanne en agriculture commerciale un défi national. En Afrique, le Ghana, la Tanzanie, le Malawi, le Rwanda ou l'Ethiopie l'ont bien compris.

Mais cela ne risque-t-il pas de se faire au bénéfice de grandes multinationales et aux dépens des agriculteurs eux-mêmes ? 

Le rôle de l'agriculture familiale et paysanne - qui représente quelque 500 millions d'exploitations dans le monde - n'est pas reconnu à sa juste valeur. Les petits producteurs sont assimilés à une population pauvre qui a besoin d'assistance. Mais le secteur privé, ce n'est pas seulement Monsanto ou Unilever, ce sont d'abord les agriculteurs eux-mêmes.
Notre objectif, au FIDA, est de montrer que le petit paysan est un businessman qui veut produire plus pour gagner de l'argent, envoyer ses enfants à l'école, avoir accès aux mêmes services que les citadins... Il faut convaincre les jeunes d'aujourd'hui, ceux à qui incombera la tâche de nourrir le monde d'ici à 2050, que l'agriculture est une activité économique qui peut être rentable.

Mais n'y a-t-il pas de quoi s'alarmer, quand l'on voit certains Etats africains concéder à des entreprises étrangères d'énormes superficies de terres pour une bouchée de pain ? 

Il faut se demander pourquoi ces investisseurs s'intéressent autant à l'Afrique : c'est qu'ils en voient le potentiel. L'Afrique peut se nourrir et nourrir le monde. Aux gouvernements de ne pas brader leurs terres. Il peut y avoir des accords " gagnant-gagnant ". Je l'ai vu sur l'île de Kalangala, en Ouganda, où une plantation industrielle de palmiers à huile a passé un accord avec des petits planteurs villageois, qui fournissent leur production à l'unité principale. C'est ce que l'on appelle l'agriculture contractuelle. Le district de Kalangala est devenu le septième du pays par le niveau de vie, alors qu'il était 71e sur 76 en 2005.

Le message du FIDA arrive-t-il à passer, alors que les principaux bailleurs de fonds traversent une passe économique difficile ? 

Nous avons lancé en 2011 - en pleine crise - notre neuvième reconstitution des ressources, et les engagements s'élèvent à 1,5 milliard de dollars (1,16 milliard d'euros) pour 2013-2015, soit une progression de 25 % par rapport à la période précédente. Notre action s'inscrit dans le développement rural à long terme et n'est peut-être pas très spectaculaire, mais sur le terrain, les gens connaissent le FIDA. Ils savent que nous faisons ce que personne d'autre ne fait.

Propos recueillis par Gilles van Kote
© Le Monde

04/10/2012

Halte à la ruée sur les terres : 1 milliard d'humains touchés

.fr
Jeudi 4 octobre 2012

Les superficies acquises depuis dix ans par des investissements étrangers dans les pays du Sud permettraient de nourrir un milliard d'humains, autant que de personnes souffrant de la faim dans le monde, assure l'organisation Oxfam. Or, "plus des deux tiers des transactions étaient destinées à des cultures pouvant servir à la production d'agrocarburants comme le soja, la canne à sucre, l'huile de palme ou le jatropha", indique-t-elle jeudi dans son rapport "Notre terre, notre vie. Halte à la ruée mondiale sur les terres". Oxfam précise également que les superficies concernées équivalent à plus de trois fois la taille de la France, ou huit fois celle du Royaume-Uni, à 60 % dans des régions "gravement touchées par le problème de la faim". Le phénomène atteint de telles proportions que dans les pays pauvres, "une superficie équivalant à celle de Paris est vendue à des investisseurs étrangers toutes les dix heures". Au Liberia, sorti en 2003 de plus de vingt ans ans de guerre, "30 % du territoire national a fait l'objet de transactions foncières en seulement cinq ans" et au Cambodge, les ONG estiment que "56 % à 63 % des terres arables ont été cédées à des intérêts privés". L'accaparement de terres a été dopé par la flambée des cours des matières premières agricoles, au point que "les transactions foncières ont triplé lors de la crise des prix alimentaires en 2008 et en 2009", note encore Oxfam. Après la nouvelle flambée des cours en août et les perspectives déficitaires en céréales pour l'année, Oxfam réclame des "mesures urgentes pour désamorcer la menace d'une nouvelle vague d'accaparements de terres". La Banque mondiale (BM), notamment, doit consentir "un gel pour six mois de ses investissements dans des terres agricoles" des pays en développement, le temps d'adopter "des mesures d'encadrement plus rigoureuses pour prévenir l'accaparement des terres". Pour Jeremy Hobbs, directeur général d'Oxfam, "la BM est la mieux placée pour éviter que ce phénomène ne devienne l'un des plus grands scandales du XXIe siècle". Il souhaite qu'à l'occasion de son assemblée annuelle, à Tokyo, du 12 au 14 octobre, la BM "envoie aux investisseurs du monde entier un signal fort selon lequel ils doivent mettre fin à l'accaparement des terres" et veille à améliorer la transparence des transactions foncières, en accord avec les communautés concernées.  

03/10/2012

VIDEO. Mali : la ville de Mopti, le dernier verrou face aux islamistes

Publié le 28/09/2012 | 15:41, mis à jour le 28/09/2012 | 16:16  


A Bamako, on attend le déploiement des forces pour lutter contre les jihadistes Publié le 27/09/2012 | 16:57, mis à jour le 27/09/2012 | 17:25