30/12/2011

Le réchauffement, cause croissante de migrations



30 décembre 2011


Familles en provenance du Bhoutan, réfugiées " climatiques " au camp de Timai, dans l'est du Népal, le 13 octobre.

Les migrations liées à une cause environnementale ne sont plus un phénomène à venir, mais déjà une réalité : elles sont devenues plus importantes que les migrations liées aux conflits, indique Shahidul Haque, de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), dans le premier " Etat de la migration environnementale 2010 " (State of Environmental Migration 2010) que vient de publier cette organisation avec l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI).
Si, en 2008, on comptait 4,6 millions de personnes déplacées dans leur pays du fait d'un conflit violent, il y en avait 20 millions qui avaient dû quitter leur lieu de résidence à la suite d'une catastrophe naturelle. Les " migrants environnementaux " ont été 15 millions en 2009, 38 millions en 2010. " L'année 2011 devrait voir un chiffre de même ampleur, explique François Gemenne, chercheur à l'IDDRI et coordonnateur de l'ouvrage. Le tsunami et l'accident de Fukushima, les inondations en Thaïlande, en Chine et aux Philippines ont provoqué des déplacements massifs. "
Le rapport rassemble une série d'études de cas qui montrent la diversité des situations et la complexité du phénomène. Réalisées par des étudiants de Sciences Po-Paris sous la supervision de spécialistes, elles analysent précisément la gestion des crises qui se sont produites en 2010 au Pakistan (inondations), en Russie (feux de forêts), en Haïti ou au Chili (séismes), en France (tempête Xinthia).
Mais l'un des principaux apports de la recherche est de montrer que des événements soudains et brutaux ne sont pas seuls à provoquer ce type de migrations. Une dégradation lente de l'environnement peut aussi conduire à des déplacements involontaires. Par exemple, la fonte des glaciers himalayens au Népal se traduit à la longue par des inondations dues au déversement des excédents des lacs glaciaires.
Des sécheresses durables peuvent aussi induire des migrations sur la longue durée, comme au Darfour (Soudan) ou dans le Nordeste brésilien. Le cas de l'Amazonie brésilienne est un autre exemple : la déforestation entraîne une occupation des terres puis, rapidement, les sols ainsi mis à nu s'épuisant, les populations finissent par migrer.
D'autres caractères des migrations environnementales apparaissent nettement. D'une part, la très grande majorité des cas analysés sont des migrations internes aux pays, sans franchissement de frontières. Les pays sont seuls face au problème qu'ils endurent, alors que, lorsque celui-ci découle du changement climatique, ils n'en sont souvent pas responsables.
D'autre part, les migrants environnementaux subissent leur situation et aspirent fortement à revenir chez eux - à la différence des migrations économiques, où l'on espère trouver ailleurs un meilleur sort que chez soi.
Un troisième élément original de l'étude est de montrer, à travers le cas français de la tempête Xinthia, que les pays du Sud ne sont pas seuls à être confrontés au phénomène de la migration environnementale. Plusieurs milliers de personnes durent aller vivre ailleurs, soit du fait de la tempête elle-même, soit en raison de la décision prise par la suite d'évacuer les habitations situées en zone vulnérable. La tempête " a montré des failles significatives dans le système français de contrôle des inondations et de protection des populations sur les zones côtières ", observe sobrement le rapport.
De fait, le cas français - comme les autres - souligne l'importance des politiques publiques adoptées : un leitmotiv du rapport est d'indiquer que les conséquences des catastrophes naturelles sont tout aussi liées à la préparation et à la gestion des pouvoirs publics qu'à l'ampleur même de l'événement.
Les migrations environnementales commencent à pénétrer l'agenda international. Il est certain qu'elles vont s'amplifier : la base de données EM-DAT, gérée par le Centre de recherche sur l'épidémiologie des désastres (CRED), à l'Université catholique de Louvain, montre une augmentation constante du nombre de désastres depuis 1970. Par ailleurs, les événements météorologiques extrêmes devraient se multiplier, selon le résumé du rapport spécial publié en novembre par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).
Le droit international reste à construire. La convention de Genève sur les réfugiés (1951) n'est pas adaptée à la migration environnementale, notamment parce qu'elle implique rarement un franchissement de frontières.
Le problème consiste à trouver chez les pays responsables du changement climatique les fonds pour aider les pays qui en sont le plus victimes à y faire face. La décision de la conférence des Nations unies sur le climat à Cancun, en décembre 2010, a ouvert la voie : son article 14-F cite les migrations et déplacements liés au changement climatique parmi les mesures qui pourraient être financées par le " Fonds vert ". Ce fonds est pour l'instant une coquille vide. Les pays riches ont promis de le doter de 100 milliards de dollars (77,3 milliards d'euros) par an à partir de 2020.
Mais, selon François Gemenne, il faut voir encore plus loin : " Il faut déjà réfléchir à un scénario de fort réchauffement, qui impliquerait une nouvelle distribution des populations à la surface du globe. Certaines zones ne seront plus vivables, et leurs habitants devront migrer. Il vaudrait mieux y penser aujourd'hui, plutôt qu'avoir à décider dans l'urgence. "
Hervé Kempf
© Le Monde
 
Les sécheresses derrière la crise du Darfour
Le Darfour, au Soudan, illustre bien les processus lents de dégradation environnementale éclatant en crise soudaine. A partir des années 1980, les sécheresses ont déstabilisé l'équilibre entre des populations nomades au Nord et des agriculteurs sédentaires au Sud. Les migrations ont commencé à se produire du Nord vers le Sud alors que celui-ci était lui-même affaibli par la baisse des pluies. Les migrants furent la cible de violences. Dans la guerre civile des années 2000, 300 000 personnes furent tuées.
Cette cause environnementale a été ignorée dans la gestion du conflit.
 

08/12/2011

Sahel : quatre mois pour éviter la crise alimentaire

 
9 décembre 2011
                  
         De la Mauritanie au Tchad, les récoltes et les troupeaux souffrent du déficit 
         pluviométrique de 2011




Les cartes, établies grâce à des relevés satellitaires et présentées, jeudi 8 décembre, par Action contre la faim (ACF), parlent d'elles-mêmes. Octobre 2004 : une bande ocre traverse l'Afrique d'ouest en est. Elle indique le déficit de végétation et annonce la terrible crise alimentaire qui frappera le Sahel, et notamment le Niger, quelques mois plus tard. Octobre 2010 : le vert a remplacé l'ocre. Les pluies, abondantes jusqu'à provoquer des inondations, ont favorisé la végétation et soulagé agriculteurs et éleveurs. Octobre 2011 : l'ocre est de nouveau de rigueur, de façon moins prononcée, toutefois, que sept années plus tôt.
La situation est assez grave, cependant, pour que le gouvernement nigérien et le Programme alimentaire mondial (PAM) aient tiré la sonnette d'alarme, fin octobre, annonçant un déficit céréalier de 500 000 tonnes pour la récolte en cours. Fin novembre, l'organisation non gouvernementale Wetlands International s'inquiétait de la " sécheresse extrême " dans la région du delta intérieur du fleuve Niger, au Mali. Pour ACF, c'est toute la bande sahélienne, de la Mauritanie au Tchad, qui est menacée d'une crise alimentaire en 2012, conséquence du déficit pluviométrique enregistré en 2011.
Selon le PAM, qui signale, de plus, des attaques d'insectes sur les céréales, les récoltes pourraient être inexistantes dans certaines zones du centre et de l'ouest du Niger. " Et le bétail meurt par centaines en Mauritanie, où le nombre de personnes confrontées à l'insécurité alimentaire est déjà passé d'un demi-million à 700 000 ", note Gaëlle Sévenier, porte-parole de l'agence onusienne.
" Les pays où la situation est la plus inquiétante sont la Mauritanie et le Tchad, estime Patricia Hoorelbeke, représentante d'ACF en Afrique de l'Ouest. La première parce qu'elle est particulièrement impactée cette année, alors qu'elle subit généralement moins que d'autres ces problèmes de pluviométrie et de production. Le second car la situation structurelle y est très dégradée : le niveau des soins et des programmes de développement y est extrêmement faible. "
Les effets de la crise alimentaire pourraient se manifester à partir de mars ou d'avril 2012, quand les foyers auront consommé leurs réserves et que se posera la question de la disponibilité et du prix des denrées alimentaires sur les marchés locaux. " En raison de la récurrence croissante des sécheresses dans le Sahel (...), les familles vulnérables n'ont pu reconstituer ni leurs stocks alimentaires ni leur cheptel ", s'inquiète le PAM.
" La fréquence des accidents climatiques et des crises alimentaires dans le Sahel s'est accélérée depuis le milieu des années 1990, analyse François Grünewald, directeur scientifique du groupe Urgence-réhabilitation-développement (URD). Dès lors, la fragilité du système ne cesse de s'accroître. "
S'ils ont baissé en 2011, les taux de malnutrition grave chez les enfants de moins de 5 ans restent élevés : en juin, ce taux était encore de 14,8 % dans la région de Tillabéry, au Niger, alors que le seuil d'urgence se situe à 15 %.
Si l'importance de la crise alimentaire à venir reste difficile à évaluer, notamment parce que la situation peut varier considérablement d'une région à l'autre, son caractère inéluctable rend nécessaire la mise en place rapide de réponses pour en atténuer l'impact. Parmi celles-ci, l'intensification des programmes visant à fournir aux familles vulnérables de l'argent ou des produits alimentaires en échange d'une participation à des travaux communautaires, ou la distribution d'aides financières à des populations ciblées (femmes soutiens de famille, par exemple).
Le PAM estime avoir besoin d'une assistance supplémentaire de 45 millions d'euros pour renforcer ses programmes de nutrition auprès des populations les plus vulnérables au Niger : enfants de moins de 2 ans, femmes enceintes ou allaitantes. " Certains bailleurs de fonds commencent à se mobiliser, mais cela reste très timide, constate Patricia Hoorelbeke, d'ACF. Mais si l'on attend six mois pour réagir, le coût sera de deux à trois plus élevé, tout comme l'impact sur le développement humain dans les pays concernés. "
Le contexte régional accroît la vulnérabilité des populations. Les crises libyenne et ivoirienne ont ainsi provoqué le retour au Niger de 200 000 travailleurs migrants dont les envois d'argent faisaient vivre leurs familles. Par ailleurs, l'aide d'urgence vers le Tchad est censée transiter par la Libye, ce qui ne sera probablement pas possible dans les mois à venir.
Enfin, le poids du Nigeria dans les échanges commerciaux régionaux est souvent un facteur d'aggravation des crises : les commerçants nigérians achètent les céréales dans les pays sahéliens à bas prix, au moment des récoltes, pour les revendre lorsque les cours sont au plus haut, en période de pénurie... quand ils ne les réservent pas au marché national.
Face à ces comportements spéculatifs, les stocks de sécurité constitués par les Etats du Sahel en argent ou en céréales ne pèsent pas bien lourd. " Après avoir cassé les organismes qui géraient les stocks d'urgence, relève François Grünewald, on s'aperçoit aujourd'hui qu'on aurait bien besoin d'instruments de régulation. "
Gilles van Kote
© Le Monde

01/11/2011

Bill Gates : " L'agriculture pour réduire la pauvreté "


2 novembre 2011

Washington Correspondante
Invité spécial du G20, à Cannes, le milliardaire philanthrope plaide pour un renforcement de l'aide au développement

Bill Gates, le milliardaire philanthrope, fondateur de Microsoft, a reçu, avec le financier Warren Buffett, le 24 octobre, le Prix de la branche américaine du Programme alimentaire mondial (PAM), pour son engagement dans la lutte contre la faim. Les deux hommes ont mis en place en 2008 un programme, " Purchase for Progress " (" acheter pour le progrès "), qui permet aux fermiers de vendre directement leur production au PAM, dès lors qu'ils améliorent la qualité de la récolte.
Avant l'ouverture du G20 de Cannes, jeudi 3 novembre, pour lequel Nicolas Sarkozy lui a confié un rapport sur le financement du développement, Bill Gates a répondu aux questions du Monde dans les locaux de sa fondation, à Washington. " Choqué " qu'au XXIe siècle, la planète souffre encore de la faim et de la pauvreté, il livre un plaidoyer en faveur de l'aide aux programmes agricoles, gage de " stabilité " et de " croissance ".

La famine dans la Corne de l'Afrique affecte 13 millions de personnes et a déjà causé la mort de 30 000 enfants de moins de 5 ans. Aurait-elle pu être évitée ?

En partie. Si nous avions fait au préalable certains investissements à long terme, les effets auraient été très atténués. La zone affectée par la famine est moins étendue grâce à plusieurs programmes que nous avons mis en place en Ethiopie. Evidemment, en Somalie - qui n'a pas de gouvernement opérationnel -, il est difficile de faire les investissements nécessaires.
A ce jour, la fondation a donné 8,2 millions de dollars - 5,8 millions d'euros - à six organisations de secours d'urgence qui opèrent en Ethiopie, au Kenya et en Somalie. Et beaucoup plus à long terme, pour acheter les meilleures semences, pour améliorer les sols...
Il est absolument choquant qu'une famine de cette ampleur puisse se produire en 2011. Le monde a les ressources, le savoir et les outils pour aider les plus pauvres à surmonter la faim et l'extrême pauvreté.

Votre fondation s'occupait plutôt de santé. Pourquoi vous êtes-vous intéressé à l'agriculture ?

La Banque mondiale a montré que le meilleur investissement pour réduire la pauvreté est en fait le développement de l'agriculture : 77 % des plus pauvres de la planète sont cultivateurs. Début 2000, nous avons commencé à réfléchir sur le moyen d'aider les pays pauvres à être autosuffisants.
La " révolution verte ", qui a été un succès en Asie, n'a jamais vraiment eu lieu en Afrique. Nous avons réfléchi aux leçons tirées par Gordon Conway - agronome et écologiste anglais, qui a plaidé en 1999 pour une nouvelle révolution agricole, " doublement verte " - et créé Alliance for a Green Revolution in Africa (AGRA), présidée par Kofi Annan. Nous avons travaillé avec les pays africains sur leur planification agricole, recruté beaucoup d'Africains. L'un d'eux vient d'être nommé ministre de l'agriculture au Nigeria, où il a mis en place une planification nettement améliorée, notamment dans le secteur des engrais et semences.
Pour presque toutes les récoltes en Afrique, on peut doubler la productivité. C'est capital ! Mais tout cela prend du temps. Pour les recherches sur les semences, il faut compter une dizaine d'années.
L'une des initiatives les plus prometteuses concerne le maïs résistant à la sécheresse. Nous avons financé les recherches et 2 millions de paysans en bénéficient déjà en Afrique de l'Est. Grâce à ce maïs, les rendements vont augmenter de 30 % d'ici à 2016, pour 40 millions de personnes de 13 pays de l'Afrique subsaharienne.

Dans votre rapport, vous citez aussi le projet de " super-riz vert " mené avec la Chine...

La Chine et le Brésil sont des exemples de pays qui recevaient de l'aide et ont réussi à réduire la pauvreté de manière spectaculaire. Tous deux ont une expertise significative. La Chine, pour le riz. Le Brésil, pour le soja. L'un et l'autre commencent à faire partie des pays donateurs.
L'idée est d'établir des partenariats. Par exemple, les Etats-Unis ou un autre pays riche travaillant avec la Chine ou le Brésil pour se charger d'un objectif en Afrique. Nous avons ainsi un projet en Chine dont le seul but est d'aider l'Afrique. Le Nigeria, en particulier, est un grand importateur de riz, ce qui défie toute logique. Il devrait au moins être autosuffisant. C'est d'ailleurs le but que s'est fixé son gouvernement. Cela va demander beaucoup de formation, de travail sur les semences... Notre rôle, c'est de faciliter cela.

A Cannes, vous allez être la première personne privée qui soit jamais intervenue devant le G20. Pourquoi avez-vous accepté ?

Le président Sarkozy m'y a invité. C'est un véritable honneur. J'ai pu me pencher sur l'ensemble des pays du G20 pour voir comment chacun d'eux travaille, en liaison avec le secteur privé, à améliorer les conditions des plus pauvres. Même en ces temps d'incertitude économique aiguë, cela continue à avoir du sens.

Le G8 de 2009 s'était engagé sur une aide de 22 milliards de dollars pour la sécurité alimentaire. Or seule la moitié de ce montant a été versée...

C'est un message que je vais porter à Cannes. Nous ne pouvons pas nous détourner des plus pauvres, même en ces temps difficiles. La crise budgétaire ne devrait pas affecter des programmes comme ceux qui touchent à l'agriculture. Ils ont un fort retour sur investissements et ils font progresser la stabilité et la croissance.
L'engagement des Européens pour l'aide au développement est de 0,7 % de leur PIB. Les pays d'Europe du Nord sont déjà à 0,7 % ou au-dessus. La Grande-Bretagne, malgré le déficit auquel elle est confrontée, est en passe d'atteindre cet objectif en 2013. Même si certains pays sont en retard d'un an ou deux, la valeur de cet engagement est assez phénoménale. Un vaccin peut sauver des vies pour quelques milliers de dollars. Vous pouvez recruter des aides-soignants pour 400 dollars par patient et par an.
Dans mon rapport, j'appelle les dirigeants à tenir leurs promesses, même dans ces temps difficiles. Et je parle de quelques-unes des taxes qui, pays par pays, peuvent les aider à remplir leurs engagements. Une taxe sur les transports aériens, comme en ont créé cinq ou six pays. Ou une taxe sur les transactions financières, comme il en existe dans un certain nombre de pays. Elle n'est pas utilisée pour financer le développement, mais l'exemple montre que l'on peut mettre en place ce genre d'instrument de façon efficace.

Etes-vous, comme on le dit, favorable à la taxe sur les transactions financières ?

Aucune taxe ne va être adoptée par 100 % des pays. Ce sont des outils, qu'il s'agisse d'une augmentation des taxes sur le tabac, d'une taxe sur le carburant aérien ou sur les transactions financières. Ces outils permettent de générer des revenus pour aider les plus pauvres ou pour réduire le déficit budgétaire, et chaque pays décidera. C'est une décision souveraine. Mon but est de faire avancer quelque chose qui marche, même s'il n'y a pas d'unanimité, ce qui est probable. Je suis prêt à défendre certaines de ces taxes, dont celle sur les transactions financières, parce que j'ai pu voir comment elles marchent.

Vous n'avez pas mentionné les Etats-Unis, où la tendance est plutôt à réduire l'aide au développement...

Ah oui, les Etats-Unis, j'ai oublié d'en parler... - Rires. - D'abord, il faut se souvenir que l'aide américaine, dans l'absolu, est le double de celle de tout autre pays. Pour le paludisme et le sida, les Etats-Unis ont été exemplaires. Mais, en termes de pourcentage de son économie, l'aide publique américaine n'est que de 0,21 %. Je suis venu à Washington pour expliquer pourquoi il faut l'augmenter.
Le Congrès pourrait décider du contraire. Mais s'ils comprenaient à quel point l'aide est plus efficace qu'il y a vingt ou trente ans, les parlementaires ne réduiraient pas les crédits. Je suis vraiment impressionné par l'exemple du Royaume-Uni. Nous avons besoin que davantage de pays, dont les Etats-Unis, suivent son exemple.

Pensez-vous que davantage d'hommes d'affaires devraient diriger le monde, et moins d'hommes politiques ?

Je ne dirige pas le monde ! Et je n'y aspire pas. Mais je pense en effet qu'il est sain qu'une partie des hommes politiques ait l'expérience du monde des affaires. Il y a des leçons à en tirer, même si elles ne s'appliquent pas à 100 %. Dans mon cas, et je ne suis pas politique du tout, le fait que je connaisse la loi du profit et les entreprises à caractère scientifique m'a aidé à la tête de ma fondation. La philanthropie peut bénéficier de ce mélange. Il en va de même pour les gouvernants.
Propos recueillis par Corine Lesnes
© Le Monde

Au G20, des avancées en matière de sécurité alimentaire


2 novembre 2011

MÊME SI LA CRISE de la dette risque d'éclipser les autres sujets à l'ordre du jour du sommet du G20, jeudi 3 et vendredi 4 novembre à Cannes, la sécurité alimentaire en sera l'un des points forts.
La présidence française a voulu faire de la question de l'accès à l'alimentation dans le monde l'une de ses priorités. N'hésitant pas à anticiper les décisions qui devraient être entérinées par les chefs d'Etat des plus grandes puissances économiques mondiales.
Le 15 septembre, l'Initiative internationale de recherche pour l'amélioration du blé (Iriwi), plateforme destinée à favoriser les échanges entre programmes scientifiques sur de nouvelles variétés de blé, a ainsi vu le jour à Paris. Le lendemain, à Rome, le Système d'information sur les marchés agricoles (AMIS) et le Forum de réaction rapide ont été officiellement lancés.
La création de ces trois mécanismes avait été décidée les 22 et 23 juin, à Paris, lors d'une réunion des ministres de l'agriculture du G20 qui avait abouti à l'adoption d'un Plan d'action sur la volatilité des prix alimentaires et sur l'agriculture.
" Devant l'urgence de la situation, il fallait que ce plan soit mis en oeuvre sans tarder ", assure Bruno Le Maire, le ministre français de l'agriculture. AMIS " vise à améliorer la transparence et l'information sur les marchés agricoles de quatre cultures majeures pour la sécurité alimentaire mondiale - blé, riz, maïs, soja - ".
Quant au Forum de réaction rapide, " il a pour but de promouvoir l'échange précoce d'informations-clés entre les décideurs politiques ", afin " d'accélérer la mobilisation internationale (...) en cas de difficultés sur les marchés agricoles ".
Parmi les autres mesures qui devraient être actées à Cannes : la mise en place de réserves alimentaires d'urgence dans les pays susceptibles de connaître une crise alimentaire ; l'exemption de l'aide alimentaire transitant par le Programme alimentaire mondial de toute restriction à l'exportation ou taxe exceptionnelle, règle qui pourrait être transposée dans ses textes par l'Organisation mondiale du commerce ; le renforcement des mécanismes de régulation des marchés des matières premières agricoles.
Volatilité des prix agricoles
Ce dernier point est l'un des plus sensibles, les organisations non gouvernementales (ONG) et représentants de la société civile réclamant la mise en place d'un dispositif de lutte contre la spéculation, accusée d'être l'une des causes de l'augmentation et de la volatilité des prix agricoles.
Le G20 devrait suivre l'avis de l'Organisation internationale des commissions de valeur, qui recommande de renforcer les pouvoirs des autorités de marché chargées d'empêcher les pratiques abusives, les superviseurs.
Si la majorité des ONG travaillant sur la sécurité alimentaire saluent les avancées contenues dans le plan d'action de juin, elles les estiment très insuffisantes sur un certain nombre de sujets. La constitution de réserves stratégiques de céréales, destinées à peser sur les marchés, est ainsi rejetée par la grande majorité des Etats.
Ni la question des biocarburants et de la concurrence que ceux-ci font peser sur les cultures alimentaires, ni celle des achats de terres par des investisseurs internationaux ne devraient être abordées à Cannes. " J'ai préféré avancer, plutôt que d'ouvrir des débats concernant des sujets sensibles sur lesquels il n'y aurait pas eu de consensus ", justifie Bruno Le Maire.
Gilles van Kote
© Le Monde

29/10/2011

Point Afrique renonce à ses vols vers Mopti


30 octobre 2011




Les vols hebdomadaires de la compagnie aérienne Point Afrique pour Mopti (Mali), qui dessert notamment le pays dogon, ont été suspendus. La reprise de la liaison touristique, annoncée récemment, n'a pas connu le succès escompté. Seule une trentaine de passagers, essentiellement des représentants d'organisations humanitaires, avaient acquis un billet sur l'un des vols hebdomadaires prévus à partir du 18 décembre. Cette région du Mali est considérée comme dangereuse par le ministère français des affaires étrangères et les tour-opérateurs ont renoncé, depuis le début de l'année, à y organiser des séjours. La compagnie Point Afrique maintient en revanche un vol aller-retour par semaine pour Kayes, à l'ouest du pays.
© Le Monde

19/10/2011

La France n'est plus notre soleil





Les Africains se tournent de plus en plus vers les pays émergents. L'incapacité de la France à mettre en valeur sa diversité alimente le malaise






AFP



Les " révélations " de Robert Bourgi sur le financement de responsables politiques français par des chefs d'Etat africains remettent en lumière les relations troubles de la France avec ses ex-colonies. Tenez-vous pour un fait cette " corruption mutuelle " et, dans ce cas, comment en expliquez-vous la persistance cinquante ans après les indépendances ?

Les révélations de M. Bourgi n'en sont point, car ces pratiques étaient connues. Le fait que l'un des acteurs importants de ces marchandages prenne la parole en public maintenant montre que cet anachronisme que l'on a appelé la Françafrique est condamné à terme. Aujourd'hui, l'important est de porter nos regards sur ce qui vient, sur les dynamiques neuves. La France n'est plus le soleil de l'Afrique, car elle se trouve en compétition avec des acteurs nouveaux comme la Chine, le Brésil et l'Inde. Elle n'en est même plus le miroir et je crois que cela est bon. En même temps, un tissu de liens humains s'est constitué au fil des siècles entre la France et l'Afrique. Il faut investir dans ces relations humaines pour faire naître des solidarités neuves qui dépassent les rapports entre Etats.
Comment expliquez-vous que beaucoup de gens sur le continent continuent de penser que leur avenir se joue à Paris ?
Beaucoup d'Africains le croient car ils continuent de lire l'action de la France en Afrique à travers le prisme des philosophies autochtones. L'histoire y est considérée comme une modalité de la sorcellerie où le sujet s'identifie comme victime de forces obscures, extérieures, qui lui échappent. A cet héritage local lié à l'imaginaire, s'ajoute une expérience historique forgée à l'époque coloniale et prolongée par les pratiques néocoloniales : des interventions armées, le soutien actif à des dictatures corrompues, et la difficulté qu'ont éprouvée tous les gouvernements français, de droite comme de gauche, à s'allier à des forces d'émancipation.
Pourquoi la gauche a-t-elle échoué à promouvoir la démocratie en Afrique ?
Au fond, la gauche française, hormis le PCF à l'époque coloniale, a toujours partagé avec la droite un regard sur l'Afrique et les Africains fondé sur l'idée que les sociétés africaines sont régies par des règles différentes des nôtres. La gauche a souvent porté sur le continent un regard marqué par le paternalisme et un excès de bonne conscience. Elle a donc peut-être été un peu plus autiste que la droite, alors même que la recherche académique française n'a pas arrêté de montrer les transformations des sociétés africaines.
Vous avez critiqué l'intervention française en Côte d'Ivoire, justifiée officiellement par la nécessité de faire respecter le résultat d'une élection et de stopper les violences. Pensez-vous qu'une guerre civile soit préférable à une intervention étrangère ?
Les deux options constituent des pis-aller. Le défi historique auquel fait face le continent africain consiste à pacifier les formes de la lutte politique, à découpler le politique et la guerre. Tant que cela ne sera pas accompli, le nombre de conflits sanglants ne diminuera point.
L'Afrique doit aussi s'astreindre à inventer par elle-même, à partir de ses ressources historiques et intellectuelles, un modèle de démocratie qui réponde à la complexité anthropologique de ses sociétés, et qui ne soit pas une greffe imposée par les bailleurs de fonds ou des armées étrangères. Ceci exige un travail lent, pénible, méthodique et discipliné que personne n'est prêt à envisager pour le moment. Enfin, l'absence d'une puissance hégémonique africaine capable de s'imposer avec d'autres sur le théâtre africain fait que le continent reste comme le ventre mou du monde qui attise la volonté des puissances étrangères d'y intervenir.
Après le " printemps arabe ", un " printemps africain " est-il possible ?
Non, aucun régime africain ne court ce risque. Les conditions qui ont conduit aux événements du printemps n'existent nulle part. Au sud du Sahara, les classes moyennes existent depuis cinquante ans tout au plus et n'ont ni le recul historique des égyptiennes, ni le niveau de professionnalisation des tunisiennes.
Vous avez écrit qu'avec l'immigration, " la France récolte ce qu'elle a semé avec sa politique africaine ". De quelle façon le passé colonial pèse-t-il sur la politique française d'immigration ? Il faut dédramatiser : la France n'est plus le pôle privilégié de l'immigration africaine en direction de l'Occident. Le nombre d'Africains qui ont pour objectif d'aller en France est très petit et va décroissant. Les discours français sur l'immigration africaine relèvent du fantasme. Ils sont liés à la période particulière que nous vivons, marquée par une rebalkanisation du monde, une redistribution planétaire très inégale des possibilités de mouvement, la construction de murs et la militarisation des frontières. Cela n'est pas typiquement français, mais la France s'exprime en mettant la peur de l'immigré au service d'une politique raciste, en attisant le fantasme d'une France sans étranger, une idée qui est contraire à son histoire.
La droite comme la gauche s'alarment de " l'échec de l'intégration " des descendants d'Africains. Qu'en pensez-vous ?
Il n'est pas vrai de dire que les descendants d'immigrés africains ne se sont pas intégrés. Les conflits, les luttes et les débats en cours montrent que l'intégration est en marche. Mon regard sur la France est optimiste. La réalité, c'est qu'elle est aux prises avec son histoire, elle en train de s'autoproduire sur un mode inédit et cela désempare beaucoup de gens. D'où tout ce bruit autour des questions d'intégration et d'assimilation.
Pourtant, vous avez souvent dénoncé l'incapacité de la France à assumer son passé colonial ! Je l'ai pensé, mais en réalité, le débat est nourri : il n'y a pas de refoulement, mais un énorme défoulement après une période d'aphasie. Il faut passer du défoulement à une critique exigeante du passé, qui ouvre des chemins d'avenir et n'empêche pas la France d'effectuer les nouveaux voyages planétaires de la pensée.
Vous critiquez une France incapable d'assumer la fierté de sa diversité et en voie de provincialisation. N'est-ce pas contradictoire ?
Non : il y a un décalage entre le dynamisme des processus sociaux en cours, les multiples exemples de convivialité dans les quartiers, dans les arts, et le discours public qui est porté sur eux. Cette vie citoyenne conviviale pourrait servir de base pour imaginer une France qui, au lieu d'avoir peur, serait ouverte parce qu'elle saurait d'où elle vient et ce qu'elle est.
Pourquoi ce discours est-il si peu porté politiquement ?
La France est grincheuse, elle aime le persiflage. C'est un pays où pour exister, il faut critiquer. Où un discours optimiste risque d'être pris pour de la naïveté.
Le facteur racial a été déterminant, selon vous, dans notre histoire coloniale et vous militez pour que sa persistance dans la société soit reconnue. Cela ne risque-t-il pas d'entretenir un esprit victimaire peu propice à l'intégration ?
Aujourd'hui, on dit aux immigrés africains et à leurs enfants : " Vous devez être comme nous. Mais, comme vous êtes vraiment différents, nous savons très bien que vous n'y parviendrez pas et que vous ne pourrez donc jamais vous intégrer. " Il faut réintroduire la race si l'on veut sortir de ces impasses qui bloquent toute discussion sur les transformations de l'identité française et la capacité du modèle français à élargir notre compréhension de la démocratie. Cela n'a rien à voir ni avec le " communautarisme " ni avec cette hypocrisie qui consiste à faire comme s'il n'y avait pas une histoire à assumer et à transcender. Une histoire où la race a occupé des fonctions symboliques, politiques et économiques à travers l'esclavage et la colonisation. Il ne s'agit pas de faire repentance, mais de sortir de cette espèce de bonne conscience bête qui fait que l'on ne sait même plus qui l'on est à force de dénégations.
Pourquoi enfermer les gens dans des catégories si l'objectif final est de les dépasser ?
Parce qu'il faut redresser un certain nombre d'inégalités que la race a servi à constituer historiquement. Il faut que la représentation politique soit à l'image de la convivialité qui existe dans la société. Il faut faire en sorte que la non-diversité devienne un anachronisme.
Vous appelez la République à reconnaître les divisions raciales alors que vous affirmez que le cosmopolitisme est l'avenir de l'humanité !
Je me situe dans une tradition d'origine africaine qui a toujours pensé que la différence en soi ne signifie pas grand-chose mais aussi que la reconnaissance de la différence est un moment significatif, stratégique, dans le projet plus large d'un Senghor ou d'un Glissant, d'une " épiphanie des nations ". L'humanité sera riche de l'ensemble de ses singularités. Elle sera appauvrie si ces singularités lui sont amputées. Je ne suis pas un militant de la différence, je suis pour une politique du semblable et de l'en-commun, si tant est que le monde que nous habitons appartienne à tous.
Propos recueillis par Philippe Bernard
Professeur d'histoire
Né au Cameroun en 1957, est docteur en histoire (Paris-I). Il enseigne l'histoire et les sciences politiques à l'université du Witwatersrand (Afrique du Sud) et à l'université Duke (Etats-Unis). Il est l'auteur de " De la postcolonie " (Karthala, 2000) et de " Sortir de la grande nuit " (La Découverte, 2010). Il s'apprête à publier " Critique de la raison nègre " chez Fayard
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12/10/2011

Paris renoue avec le pays dogon

 
13 octobre 2011

TOURISME


La falaise de Bandiagara, site classé au patrimoine mondial de l'Unesco, en pays dogon.
YANN DOELAN/HEMIS. FR
Mopti (Mali) Envoyé spécial
A partir du 18 décembre, un vol hebdomadaire de Point Afrique reliera Paris à Mopti, au Mali




L'avion de Maurice va revenir. " Dans les villages aux toits de chaume du pays dogon, au coeur du Mali, désertés par les randonneurs européens depuis presque un an, la dernière annonce de Maurice Freund, le bouillant patron de la compagnie aérienne Point Afrique, suscite des espoirs. A partir du 18 décembre, un vol hebdomadaire reliera Paris au petit aéroport de Mopti, situé à une cinquantaine de kilomètres à l'ouest du pays dogon, qui concentre traditionnellement 80 % du tourisme au Mali.
Depuis le début de l'année, au pied de la falaise de Bandiagara, " c'est la crise, les guides sont au chômage, les commerçants n'arrivent plus à vendre leurs colliers, les jeunes quittent les villages, privant l'agriculture des bras valides. Un peu comme si une usine était partie ", raconte Moïse Témé, guide dogon et fondateur de l'agence L'Harmattan solidaire, à Mopti.
La liaison aérienne avait été interrompue fin janvier après l'enlèvement au Niger voisin, par l'organisation Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), de deux jeunes Français, retrouvés morts quelques jours plus tard. Le ministère des affaires étrangères avait alors classé le sud du Mali - où se trouve le pays dogon - en " zone déconseillée aux voyageurs, sauf motif impérieux ", le nord désertique demeurant " formellement déconseillé ". En outre, une loi de juillet 2010 tient pour responsables les agences de voyages qui emmèneraient des touristes dans une région considérée comme dangereuse, si l'Etat doit y organiser des actions de rapatriement.
Consignes de sécurité
La réouverture d'une ligne aérienne suffira-t-elle à convaincre les amateurs de randonnées ? Pour les rassurer, M. Freund, qui admet " une perte de 4,2 millions d'euros depuis dix-huit mois ", compte " former des guides à la sécurité et les équiper de balises de géolocalisation, qui pourraient en outre servir en cas d'accident ". La formation, qui n'a pas encore commencé, pourrait se tenir cet automne.
A Mopti, M. Témé apprécie l'annonce de Point Afrique, même si, selon lui, " il n'y a aucun risque d'enlèvement au pays dogon ", une région éloignée du Sahara et habitée par des peuples très différents. " Ici, le terrain est accidenté et tout le monde se connaît. On sait parfaitement où vont et d'où viennent les marcheurs ", raconte le guide.
M. Freund espère amener le Quai d'Orsay à se montrer plus souple, par exemple en tolérant des randonnées pédestres " encadrées par un tour-opérateur agréé par l'Etat, comme cela s'est fait dans le sud de l'Algérie dans les années 2000 ", précise-t-il. Mais, impassible, le ministère maintient les consignes de sécurité, arguant laconiquement que " le tourisme ne fait pas partie des motifs impérieux de voyage ".
Le patron de Point Afrique ne se décourage pas. Il a annoncé début octobre l'ouverture d'une ligne entre Paris et Kayes, une ville de l'ouest du pays dont sont originaires la plupart des Maliens vivant en France. Il vise à la fois les touristes intéressés par le massif du Fouta Djalon, en Guinée voisine, et la clientèle franco-malienne, espérant des rentrées salutaires, qui lui permettront de maintenir la ligne vers Mopti.
Olivier Razemon
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05/10/2011

Plusieurs archipels polynésiens sont à court d'eau potable


6 octobre 2011
Après six mois de sécheresse, les îles Tuvalu et Tokelau viennent de décréter l'état d'urgence

Après Tuvalu, petit archipel polynésien, c'est au tour des îles Tokelau de manquer d'eau. Le ministre néo-zélandais des affaires étrangères, Murray McCully, a déclaré, mardi 4 octobre, que les 1 500 habitants de ce minuscule territoire administré par Wellington disposaient désormais " de moins d'une semaine d'eau potable ". La veille, un Hercules C-130 néo-zélandais avait acheminé à Tuvalu, qui compte 11 000 habitants, des réserves d'eau douce et des dispositifs de désalinisation d'eau de mer. Selon les autorités néo-zélandaises, d'autres archipels du Pacifique Sud sont proches d'une situation semblable et pourraient décréter à leur tour l'état d'urgence.

Dans ces petits chapelets d'îles à fleur d'eau, les réserves souterraines sont très limitées et dépendent de pluies régulières - habitants et autorités stockent les eaux de pluies dans des citernes. Or, il n'a pas plu depuis plus de six mois sur la région et la pluviométrie y est globalement inférieure à la normale depuis environ trois ans. Selon la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, l'eau des puits de Tuvalu devient saumâtre et impropre à la consommation.
Une Niña intense
Cette sécheresse exceptionnelle est attribuée au phénomène climatique La Niña. Caractérisé par un refroidissement des eaux de surface du Pacifique tropical, ce dernier a pour effet de modifier la répartition des précipitations sur la planète. Dans l'aire Pacifique en particulier, La Niña est réputée concentrer les pluies sur l'Australie, au détriment du reste de la zone.
Commencée en juillet 2010, la dernière Niña s'est achevée en mai et a été le phénomène le plus intense du genre enregistré depuis un demi-siècle. Mais, début septembre, la National Oceanic and Atmospheric Administration américaine annonçait le retour probable de La Niña. De fait, des conditions froides persistent sur le Pacifique tropical et aucune pluie d'importance n'est attendue avant le mois de décembre sur les archipels polynésiens.
Ces derniers endurent-ils une situation qui pourrait devenir à l'avenir plus fréquente, voire chronique ? Les modèles climatiques ne permettent pas de déterminer avec certitude si le changement climatique en cours tendra à accroître ou à réduire les précipitations moyennes sur ces régions. En revanche, les climatologues suspectent que les épisodes de type La Niña et El Niño pourraient devenir plus intenses. Et accroître la probabilité que surviennent de tels longs épisodes de sécheresse.
Les îles de Polynésie comptent parmi les territoires les plus menacés par les bouleversements climatiques en cours. L'accent est généralement mis sur leur vulnérabilité, à moyen terme, à la montée des océans, à l'acidification des eaux de surface et donc au blanchissement des coraux, et à l'accroissement possible de l'activité cyclonique dans la région. A court terme, un péril sérieux pourrait être aussi, tout simplement, la sécheresse.
Stéphane Foucart
© Le Monde

Des millions d'instituteurs manquent à l'appel


6 octobre 2011
La planète manque d'instituteurs. Au-delà des affrontements hexagonaux sur la suppression des postes et les fermetures de classes, le constat est général : il faudrait pouvoir recruter 2 millions d'enseignants supplémentaires dans le monde pour parvenir à un enseignement primaire universel d'ici à 2015, dans le cadre des Objectifs pour le développement du millénaire fixés par les Nations unies.
Et c'est là sans compter les enseignants qu'il faudra remplacer pour pallier les départs à la retraite, les démissions... Au total, le besoin en instituteurs s'élève à 8,2 millions entre 2009 et 2015, selon le constat dressé, mercredi 5 octobre, par l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco) à l'occasion de la Journée mondiale des enseignants. Cette future pénurie d'enseignants a été calculée à partir de projections annuelles réalisées par l'Institut de statistiques de l'Unesco.
Le projet de scolariser tous les enfants du monde au moins jusqu'au niveau d'instruction élémentaire, soit 4 à 6 ans d'école, sera difficile à atteindre. Même si d'importants progrès ont été réalisés. Le taux de scolarisation dans le primaire est passé de 83 % en 2000 à 89 % en 2008, selon les derniers chiffres disponibles.
La pression démographique, inégale selon les pays, pèse sur des systèmes éducatifs déjà très surchargés. " Ce sont les pays en développement qui se trouvent aux prises avec les plus grandes difficultés pour satisfaire la demande d'enseignants ", précise l'Unesco. Sur les 112 pays qui ne disposent pas du nombre d'enseignants suffisants, l'Afrique subsaharienne représente plus de la moitié des besoins. Le nombre d'enseignants supplémentaires qu'il faudra recruter est estimé à 1 115 000. Dans nombre de pays, cela relève d'une mission impossible. Au Mozambique, par exemple, il faudrait former 18 % des jeunes de 20 ans au métier d'instituteur alors que le taux de scolarisation en lycée n'atteignait pas 10 % en 2009. Le Niger, le Tchad, l'Ouganda, la République centrafricaine ou le Burkina Faso se trouvent dans une situation comparable.
Le Nord aussi
D'autres régions vont aussi connaître un déficit important d'enseignants : les pays arabes, l'Asie du Sud et de l'Ouest, l'Amérique du Nord et l'Europe occidentale. La pénurie n'est donc pas le propre des pays en grande difficulté économique. La Suède, les Etats-Unis, l'Espagne ou l'Italie font aussi partie de la liste de l'Unesco.
En présentant ces chiffres, l'Unesco attire aussi l'attention sur les questions d'égalité entre filles et garçons dans l'enseignement. Si la composition hommes-femmes du corps enseignant varie selon les pays, leurs traditions et les contextes économiques, elle joue un rôle important sur les possibilités de recrutement futur d'enseignants. La présence massive de femmes chez les enseignants du primaire (62 % au niveau mondial) encouragera la présence de filles sur les bancs de l'école, augmentant ainsi les possibilités de former puis de recruter de nouvelles enseignantes.
Rémi Barroux
© Le Monde

20/09/2011

La désertification touche 1,5 milliard de personnes


21 septembre 2011
Pour Luc Gnacadja, secrétaire de la convention sur la désertification de l'ONU, protéger les sols est un défi mondial

Après le changement climatique en 2009, la biodiversité en 2010, la lutte contre la désertification est au menu des discussions de l'Assemblée générale des Nations unies. Une rencontre de haut niveau en présence des chefs d'Etat et de gouvernement devait se tenir, mardi 20 septembre, à New York.
La lutte contre la désertification, la dégradation des terres et les sécheresses - objet de la troisième convention issue du Sommet de la Terre à Rio en 1992 - reste cependant une cause oubliée par la communauté internationale. Comme si elle ne concernait l'avenir que de quelques pays pauvres du Sahel.
Secrétaire exécutif de la convention depuis 2007, le Béninois Luc Gnacadja rappelle que 1,5 milliard de personnes vivent sur des terres dégradées et que la préservation des sols est un défi majeur pour réduire la faim dans le monde.
Dans la Corne de l'Afrique, plus de douze millions de personnes subissent les conséquences de la sécheresse, n'est-ce pas un signe supplémentaire de l'échec de la convention sur la désertification à convaincre la communauté internationale d'agir ?
Personne n'a tenu ses promesses. Les pays en développement confrontés à la désertification ont adopté des programmes nationaux mais aucun, à l'exception de quelques-uns, ne les a mis en oeuvre. Souvent faute de moyens parce que ce sont des pays pauvres qui ont dû assumer d'autres priorités.
Les Etats occidentaux qui avaient promis transferts de connaissances et soutien financier n'ont pas non plus honoré leurs engagements. Les pays membres de la convention - 193 à ce jour - n'ont toujours pas conscience que la lutte contre la dégradation des terres n'est pas seulement un défi de quelques Etats africains vulnérables.
Pourquoi est-ce un enjeu global ?
Les zones affectées par les phénomènes de sécheresse et d'aridité des sols ont doublé entre 1970 et 2000 et toutes les études indiquent que cette tendance va s'aggraver. Les zones arides abritent un tiers de la population mondiale et recouvrent 40 % des terres émergées. La désertification concerne tout le processus de dégradation, le désert étant le stade ultime. Les zones humides sont aussi touchées par la perte de fertilité des sols. Au total, dans le monde, la désertification touche 1,5 milliard de personnes.
Concrètement, cela signifie que ces populations s'appauvrissent, ont de plus en plus de difficulté à se nourrir quand elles ne sont pas contraintes de quitter leurs terres et de migrer. Plus de 4 individus sur 10 considérés comme très pauvres selon les critères internationaux, vivent en milieu rural sur des terres dégradées. Si nous voulons atteindre les objectifs du développement pour le millénaire, réduire la pauvreté et l'insécurité alimentaire de moitié, il faudra un programme spécifique pour aider ceux qui vivent dans ces régions.
L'Afrique demeure-t-elle la région la plus menacée ?
Oui, c'est la seule région du monde où la moitié des terres sont en péril. Deux tiers des terres arables pourraient disparaître d'ici à 2025, selon une récente évaluation de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).
Quelles sont les causes ?
Elles sont différentes selon les régions. En Afrique, c'est le surpâturage avant des pratiques agricoles inappropriées ou la déforestation. En Asie, la déforestation est la cause première. Le changement climatique est un facteur d'aggravation supplémentaire.
Vous assurez que la conservation des sols même en milieu aride est tout à fait réalisable ?
Oui, nous avons les vaccins contre la désertification. Ils s'appellent gestion durable des terres, agroforesterie... Au Sahel, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont réussi à régénérer six millions d'hectares. L'Australie a mis en oeuvre un très bon programme de gestion des sécheresses. Ce n'est pas le désert qui avance, ce sont les hommes qui créent de nouveaux déserts et nous disposons des remèdes pour l'éviter dans la grande majorité des cas.
Qu'attendez-vous des Etats ?
Pour conduire les politiques publiques, il faut des objectifs. Je propose que la communauté internationale s'engage à ramener la dégradation des terres à zéro d'ici à 2030. J'aimerais que cela soit un des objectifs fixés lors de la conférence de Rio + 20 en juin prochain.  
Avez-vous commencé à sonder les gouvernants ?
Je suis conscient que la gestion durable des terres n'est pas sur les écrans de la géopolitique mondiale. Nous allons devoir convaincre et pour cela je compte beaucoup sur le rapport en cours d'élaboration sur l'économie de la désertification. Cette étude financée par l'Union européenne et l'Allemagne va évaluer - comme pour le climat - l'inaction.
Nous ne disposons pour l'instant que d'études locales qu'il va falloir élargir. Au Niger par exemple, où le surpâturage est la cause première de la désertification, il faudrait investir 200 dollars - 147 euros - par hectare pour introduire de bonnes pratiques d'élevage. Mais si rien n'est fait, l'impact de la destruction des sols sur la production et les autres services écosystémiques, comme la disponibilité en eau, est estimé à 1 100 dollars par hectare.
Vous réclamez aussi la création d'une plate-forme scientifique indépendante comme il en existe pour le climat et la biodiversité, est-ce bien réaliste dans le contexte budgétaire actuel ?

Nous avons besoin d'une structure scientifique dont l'autorité soit incontestable. Il ne s'agit pas d'aligner nos moyens sur ceux des autres conventions, mais reconnaissez que nous avons de la marge ! Nous sommes 50 personnes à Bonn, soit près de dix fois moins que les équipes en charge de la convention sur le climat. Or je le répète, il faut prendre conscience que les sols sont un bien public mondial. Les conséquences de la désertification et des sécheresses ne s'arrêtent pas aux frontières.
Propos recueillispar Laurence Caramel
© Le Monde
 
60 millions de km2 C'est la superficie occupée par des terres arides ou semi-arides. Dix millions sont des déserts, dix autres sont des terres déjà très dégradées.
52 % des terres agricoles offrent des signes plus ou moins sévères de désertification. 50 millions de personnes pourraient être contraintes à migrer à cause de l'appauvrissement de leurs terres au cours des dix années à venir.
80 % des conflits observés en 2007 ont eu lieu dans des zones arides, selon les Nations unies.