26/05/2012

Après avoir fui l'insécurité, les réfugiés maliens sont confrontés à la crise alimentaire


27 mai 2012

REPORTAGE
Mangaizé (Niger) Envoyé spécial
Les Nations unies lancent une " opération régionale d'urgence " afin de venir en aide aux dizaines de milliers de déplacés




Depuis plus de trois mois, un campement provisoire s'est installé à l'entrée de Mangaizé, gros bourg situé à 140 kilomètres au nord de Niamey, au Niger. Au milieu de quelques arbustes épineux, plusieurs centaines de familles de réfugiés venus du Mali ont installé des abris de fortune. Sur des nattes jetées au sol, elles attendent que la journée passe et que la chaleur - plus de 40 °C à cette époque de l'année - baisse.
La majorité de ces réfugiés viennent de la région de Menaka, ville malienne située à 150 kilomètres plus au nord, de l'autre côté de la frontière, dans la partie du Mali désormais contrôlée par la rébellion touareg et ses alliés islamistes. " Quand les militaires ont quitté la ville, la sécurité n'était plus assurée, et beaucoup de gens ont préféré fuir, par peur des rebelles ", assure Amarza Assalin. Ce maçon de 25 ans, arrivé avec sa mère, sa tante, sa femme et ses quatre enfants, est touareg lui-même, comme 40 % des réfugiés de Mangaizé.
" Nous sommes venus ici parce que c'est une région que nous connaissons. Il existe des liens commerciaux et familiaux anciens avec Menaka ", précise-t-il. Le jeune homme et sa famille sont arrivés " les mains vides ", à bord de l'un de ces véhicules qui traversent la frontière pour se rendre à Mangaizé le jeudi, jour de marché.
Sur place, ils ont été enregistrés puis ont reçu de l'eau, de la nourriture, un kit d'ustensiles de cuisine, des vêtements et des moustiquaires. Les distributions sont assurées par les agences des Nations unies, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ainsi que des organisations non gouvernementales comme Caritas Développement Niger (Cadev) ou Islamic Relief.
Hainé Mohamed, une vieille femme à la peau claire, et Leila Ahmed, sa fille d'une vingtaine d'années, ont fui Ménaka à pied. " Quand les tirs ont commencé, ç'a été la panique, raconte la jeune femme. J'ai rassemblé les enfants et nous sommes partis vers le sud. Nous avons marché pendant cinq jours, nous dormions sur le sable quand la nuit tombait. " Elle aussi a fini par trouver un véhicule qui l'a conduite, avec ses quatre enfants, jusqu'à Mangaizé, où elle a retrouvé sa mère, partie de son côté.
Plus de 2 700 réfugiés sont arrivés ici depuis le Mali. Huit cents d'entre eux sont considérés comme des " retournés " : des Nigériens rentrés après un exil de plusieurs années, qui sont généralement hébergés au village, dans leur famille.
Selon les chiffres publiés le 21 mai par le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR), plus de 167 000 personnes auraient fui le Mali depuis le déclenchement du conflit, en janvier, pour gagner la Mauritanie (64 000), le Burkina Faso (62 000) et le Niger (41 000). Ces mouvements de population se produisent dans une région frappée par une crise alimentaire provoquée par les récoltes médiocres de 2011 et la hausse des prix des denrées.
Du riz et de l'huile
" Le Sahel représente une combinaison mortelle de la sécheresse et des déplacements liés aux conflits ", a récemment déclaré Antonio Guterres, le patron du HCR. Pour répondre aux besoins en nourriture des réfugiés, ainsi que des 300 000 déplacés intérieurs que compterait le Mali, le Programme alimentaire mondial (PAM) et le HCR ont lancé une " opération régionale d'urgence " dont le coût est estimé à 61 millions d'euros. L'agence américaine USAID vient de débloquer 5 millions de dollars (4 millions d'euros) pour fournir du riz et de l'huile aux réfugiés maliens se trouvant en Mauritanie.
Une partie importante des réfugiés appartient à des familles pratiquant l'élevage, habituées à se déplacer. Au Niger, plusieurs milliers d'entre eux s'étaient rassemblés spontanément, en mars, dans un campement improvisé à Chinegodrar, face à la frontière malienne et à proximité d'une base militaire. Le gouvernement nigérien et le HCR ont eu le plus grand mal à les convaincre de rejoindre le camp de tentes d'Abala, un peu plus au sud, où se trouvent 9 000 personnes.
" Pour une population pastorale ayant une tradition migratoire, les camps de réfugiés ne sont pas forcément la meilleure façon de gérer l'assistance, reconnaît Antonio José Canhandula, chef de l'équipe d'urgence du HCR dépêchée au Niger. On peut très bien les laisser s'installer près d'un village, comme à Mangaizé, et leur y apporter les services essentiels : eau, soins, éducation... "
A Ouallam, au sud de Mangaizé, un autre camp a été démonté sans avoir servi, les réfugiés ayant refusé de s'y rendre. Certains d'entre eux ont laissé leurs animaux dans la zone frontalière, sous la surveillance de quelques gardiens, mais ne veulent pas s'en éloigner trop. D'autres se déplacent en compagnie de leurs troupeaux, ce qui complique à la fois leur décompte et l'organisation de l'aide.
Gilles van Kote
© Le Monde

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