05/05/2009

Le président nigérien ouvre la voie du dialogue avec la rébellion touareg


6 mai 2009

Pour la première fois depuis 2007, Mamadou Tandja a rencontré les groupes insurgés





Au dernier moment, le président nigérien, Mamadou Tandja, a modifié sa liste d'invités à la cérémonie marquant, lundi 4 mai, la pose de la première pierre de la mine géante d'uranium d'Imouraren, dans le nord désertique du pays. Dans l'assemblée, aux côtés des officiels nigériens, du ministre français de la coopération, Alain Joyandet, et d'Anne Lauvergeon, la présidente du directoire du groupe nucléaire Areva exploitant la mine, figuraient en effet des chefs de la rébellion touarègue.

La présence de ces invités surprise - qualifiés jusqu'à récemment encore de " bandits " et de " trafiquants de drogue " par le président Tandja - porte l'espoir d'un règlement de paix dans le nord où des groupes touaregs luttent à nouveau contre le régime de Niamey. La veille des festivités d'Imourarem, le président avait rencontré, à Agadez, les représentants du Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ), du Front des forces de redressement (FFR) et du Front patriotique nigérien (FPN), les trois principaux mouvements rebelles touaregs.

Le président Tandja est sorti " satisfait " de " ce contact " avec ceux qu'il appelle dorénavant " les enfants du Niger ". " Nous leur avons réitéré notre position : déposer les armes et rejoindre le bercail pour mener avec nous le combat du développement. Je crois qu'il y a une entente ", a-t-il expliqué.

Jusqu'à ce jour le chef de l'Etat refusait obstinément tout contact avec ces groupes capables de mobiliser plusieurs milliers d'hommes évoluant dans l'immensité hostile de l'espace sahélien. Les insurgés réclament le respect des accords de paix de 1995 prévoyant notamment une meilleure répartition des richesses minières exploitées dans le nord. Plus de 300 rebelles et 80 militaires ont été tués depuis la reprise des combats début 2007. Mais lundi, le colonel Maikido, chef d'état-major adjoint de l'armée de terre et grand artisan de la lutte anti-insurectionnelle, pensait " que la paix est sur les rails ".

" Le changement d'attitude du président est louable mais ce n'est qu'un premier pas ", avertit cependant Mohammed Ewangaye, vétéran de la première génération de rebelles touaregs du Niger post-colonial au début des années 1990. " Aucun problème de fond concernant les conditions d'un désarmement ou le règlement des problèmes politiques n'a encore été abordé ", nous explique-t-il au téléphone depuis Niamey. " Aucun calendrier n'a été établi ", confirme Saïdou Kaocen Maïga, délégué du FFR, cité par Radio France Internationale.

Mohammed Ewangaye se demande notamment si la démarche conciliatrice du président Tandja dépasse le " double coup médiatique ". A savoir, apparaître comme un dirigeant responsable auprès de la France, l'ancienne puissance coloniale, et d'Areva, soucieux d'une sécurité durable dans cette zone minière stratégique ; et un homme de paix auprès de son opinion publique alors qu'il n'exclut plus de briguer un troisième mandat fin 2009.

Lundi, dans une mise en scène simulant la spontanéité d'un soutien populaire, un griot hurlait : " Que le président reste ! " Quelques minutes plus tard, le chef de l'Etat annonçait sa volonté d'organiser un référendum modifiant la Constitution afin de l'autoriser à se représenter. " Parce que le peuple demande que je reste ", a-t-il expliqué, levant ainsi des mois d'incertitude.

Les Touaregs doutent aussi de la sincérité des initiatives lancées depuis des mois par le colonel Khadafi avec lequel les Touaregs entretiennent des relations compliquées. " Faute de médiation internationale, l'implication libyenne n'est qu'un mal nécessaire ", résume Mohammed Ewangaye. Mais il soupçonne le guide libyen de " prendre une posture de médiateur parce qu'il préside actuellement l'Union africaine ". Lundi, les autorités nigériennes ont remis à l'ambassadeur de Libye un chameau pour le colonel Khadafi, en remerciement de ses " efforts de paix ".

Christophe Châtelot et Jean-Michel Bezat (à Imourarem)
© Le Monde

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