12 septembre 2013
New Delhi Correspondant
Le conflit entre Dacca et Muhammad Yunus s'exacerbe
L'offensive du gouvernement du Bangladesh contre Muhammad Yunus, Prix Nobel de la paix (2006) et pionnier du microcrédit, a franchi un nouveau palier. Lundi 9 septembre, un officiel a annoncé à Dacca, la capitale bangladaise, qu'une action judiciaire allait être intentée contre M. Yunus pour " irrégularités fiscales " à l'époque où celui-ci dirigeait la Grameen Bank, l'institution de microcrédit qui lui a valu la notoriété et dont le modèle de lutte contre la pauvreté a essaimé à travers le monde.
Il lui est reproché de ne pas avoir déclaré aux autorités 506 millions de takas (4,8 millions d'euros) de revenus personnels gagnés à l'étranger - honoraires de conférences, recettes des livres, prix divers - entre 2004 et 2009. Soit un manque à gagner pour l'Etat de 126 millions de takas, a dénoncé le secrétaire général du cabinet, Mohammad Bhuiyan. M. Yunus a récusé l'accusation, arguant que l'exemption fiscale dont il a bénéficié était conforme à la législation existante.
L'initiative du pouvoir n'est que le dernier épisode d'une âpre partie de bras de fer entre le gouvernement de Dacca et le " banquier des pauvres " qui jette le trouble à l'étranger, en particulier dans le monde du microcrédit.
Depuis maintenant deux ans et demi, le pouvoir de Sheikh Hasina, la fille du " père de la nation " Sheikh Mujibur Rahman - héros de l'indépendance de 1971 - ne cesse de chercher noise à M. Yunus sous divers prétextes qui tiennent, selon les analystes, davantage à une rivalité personnelle qu'à de graves irrégularités dans la gestion de Grameen Bank.
Bataille juridique
En mai 2011, le Prix Nobel, alors âgé de 70 ans, avait dû démissionner de la tête de la banque au motif (subitement découvert) qu'il avait dépassé de dix ans l'âge requis (60 ans) pour un directeur exécutif. Evincé, M. Yunus n'en a pas moins continué d'exercer une influence profonde sur la marche de l'institution grâce au conseil d'administration, resté fidèle.
Au printemps, le gouvernement a relancé les hostilités. Une commission appointée par le pouvoir pour réfléchir à l'avenir de Grameen a rendu un rapport préconisant un démembrement de la banque en dix-neuf entités et une montée en puissance de la part de l'Etat dans le capital à 51 % (jusque-là inférieure à 5 %).
Les partisans de M.Yunus soupçonnent le gouvernement de vouloir mettre la main sur l'empire économique que représente Grameen qui, outre son activité historique de prêts aux pauvres, a investi dans des secteurs très lucratifs (télécommunications, énergie...).
La bataille juridique entre M.Yunus et le pouvoir porte sur la nature de Grameen Bank. Le Prix Nobel la tient pour une banque privée, certes créée en 1983 par une ordonnance gouvernementale ad hoc. Sheikh Hasina et son équipe la considèrent comme une banque publique.
Au-delà de cette controverse, qui n'était pas apparue avant 2011, le véritable contentieux est politique. Selon les observateurs, Sheikh Hasina chercherait à saper l'influence de M. Yunus, auquel elle prête des ambitions politiques.
Frédéric Bobin
Il lui est reproché de ne pas avoir déclaré aux autorités 506 millions de takas (4,8 millions d'euros) de revenus personnels gagnés à l'étranger - honoraires de conférences, recettes des livres, prix divers - entre 2004 et 2009. Soit un manque à gagner pour l'Etat de 126 millions de takas, a dénoncé le secrétaire général du cabinet, Mohammad Bhuiyan. M. Yunus a récusé l'accusation, arguant que l'exemption fiscale dont il a bénéficié était conforme à la législation existante.
L'initiative du pouvoir n'est que le dernier épisode d'une âpre partie de bras de fer entre le gouvernement de Dacca et le " banquier des pauvres " qui jette le trouble à l'étranger, en particulier dans le monde du microcrédit.
Depuis maintenant deux ans et demi, le pouvoir de Sheikh Hasina, la fille du " père de la nation " Sheikh Mujibur Rahman - héros de l'indépendance de 1971 - ne cesse de chercher noise à M. Yunus sous divers prétextes qui tiennent, selon les analystes, davantage à une rivalité personnelle qu'à de graves irrégularités dans la gestion de Grameen Bank.
Bataille juridique
En mai 2011, le Prix Nobel, alors âgé de 70 ans, avait dû démissionner de la tête de la banque au motif (subitement découvert) qu'il avait dépassé de dix ans l'âge requis (60 ans) pour un directeur exécutif. Evincé, M. Yunus n'en a pas moins continué d'exercer une influence profonde sur la marche de l'institution grâce au conseil d'administration, resté fidèle.
Au printemps, le gouvernement a relancé les hostilités. Une commission appointée par le pouvoir pour réfléchir à l'avenir de Grameen a rendu un rapport préconisant un démembrement de la banque en dix-neuf entités et une montée en puissance de la part de l'Etat dans le capital à 51 % (jusque-là inférieure à 5 %).
Les partisans de M.Yunus soupçonnent le gouvernement de vouloir mettre la main sur l'empire économique que représente Grameen qui, outre son activité historique de prêts aux pauvres, a investi dans des secteurs très lucratifs (télécommunications, énergie...).
La bataille juridique entre M.Yunus et le pouvoir porte sur la nature de Grameen Bank. Le Prix Nobel la tient pour une banque privée, certes créée en 1983 par une ordonnance gouvernementale ad hoc. Sheikh Hasina et son équipe la considèrent comme une banque publique.
Au-delà de cette controverse, qui n'était pas apparue avant 2011, le véritable contentieux est politique. Selon les observateurs, Sheikh Hasina chercherait à saper l'influence de M. Yunus, auquel elle prête des ambitions politiques.
Frédéric Bobin
© Le Monde
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire