03/11/2010

L'aide française au développement sans pilote


 3 novembre 2010
Ecofrictions
La France n'a pas à s'enorgueillir de sa politique d'aide aux pays en développement qui semble dépourvue de pilote et de stratégie.
La partie concernant l'aide publique au développement (APD) du projet de loi de finances 2011, qui devait être discutée mardi 2 novembre à l'Assemblée nationale, n'a pas été accompagnée des documents qui auraient permis d'apprécier la pertinence des 8,6 milliards d'euros de dépenses annoncées.
Aussi, les organisations non gouvernementales (ONG) regroupées dans l'association Coordination Sud dénoncent-elles par la voix de leur président, Jean-Louis Vielajus, " l'opacité inédite " du budget en préparation.
D'autant, dit celui-ci, que " 30 % de l'APD n'est pas de l'aide, mais de l'allégement de dette, des frais d'écolage pour les étudiants étrangers, notamment chinois, et des crédits pour les départements d'outre-mer, par exemple 400 millions d'euros pour Mayotte ". Pire, la France ne tient pas ses promesses. Elle aurait dû consacrer 0,51 % de son revenu national brut à l'APD ; son effort sera limité à 0,47 % en 2011. Elle pointera en la matière à la dernière place des pays riches de l'Union européenne.
Bonne nouvelle, les dons augmenteront significativement, soit 220 millions d'euros à répartir entre 14 pays très pauvres, contre 175 millions en 2010. " Mais ils étaient de 350 millions d'euros en 2006 et la Grande-Bretagne y consacre un milliard, déplore M. Vielajus. L'idée force qui prévaut est que la croissance réduit automatiquement la pauvreté. Or, nous constatons qu'elle accroît les inégalités ".
En fait, la France est tiraillée entre plusieurs objectifs. Le Quai d'Orsay et le ministère de l'intérieur aimeraient que l'APD serve à la sécurité, donc à créer des emplois pour contenir l'immigration et à éviter que le désespoir ne se mue en terrorisme.
Le ministère de l'économie et des finances cherche comme à son habitude à minorer les dépenses, ce qui le conduit, par exemple, à intégrer dans le budget les 159 millions d'euros de la taxe " Chirac " sur les billets d'avion qui devaient être additionnels, donc hors budget.
Plus de secrétaire d'Etat à la coopération depuis la démission d'Alain Joyandet en juillet, un ministre des affaires étrangères, Bernard Kouchner, donné partant lors du prochain remaniement ministériel : les méchantes langues disent qu'à partir du moment où la politique d'aide au développement risque de se limiter à préserver les marchés de la France et son accès à l'uranium et au pétrole, il n'est pas besoin de grands stratèges. L'Elysée suffira.
D'autant qu'on retrouve le même flottement à l'étage de l'exécution, à l'Agence française de développement (AFD) qui a assuré en 2009 pour le compte de l'Etat l'engagement de 6,2 milliards de dollars de dons et prêts en faveur du développement.
Echaudé par la bronca médiatique qui a accompagné sa nomination en mai en raison de sa proximité supposée avec Nicolas Sarkozy, Dov Zerah, son directeur, refuse de répondre aux questions sur l'inquiétude de son personnel, palpable dans les tracts syndicaux. D'ailleurs, le monde syndical et celui des ONG ne sont pas plus bavards, ce qui trahit le désarroi de ces acteurs du développement face à l'avenir de l'institution qui gère l'aide publique.
Ce n'est pas le rajout du bleu-blanc-rouge dans le logo de l'Agence - pour complaire aux parlementaires désireux de visibilité pour les bonnes oeuvres de la France - qui les rassurera, car le gouvernement n'a toujours pas publié la lettre de mission de Dov Zerah et les objectifs qui lui ont été fixés. En revanche, tout le monde sait que Bercy veut 10 % d'économies sur la masse salariale de l'AFD. Qui fera les frais de cette rigueur ? Quelles missions, quels pays seront abandonnés ?
Pendant ce temps, l'administration Obama a choisi de privilégier le soutien à l'agriculture des pays pauvres plutôt que l'aide alimentaire. Pour ce faire, il a associé l'USDA, le ministère de l'agriculture, et l'USAID, l'équivalent de l'AFD. Les Britanniques, eux, ont opté sans ambiguïté pour la voie de l'aide multilatérale plutôt que pour l'aide bilatérale. Volonté au-delà de nos frontières, pagaille en deçà.
Alain Faujas
© Le Monde

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