11/04/2009

STOCKAGE • La Suisse, future batterie de l’Europe

Les futurs enjeux de l’énergie ne se limiteront pas au choix des filières de production, ni même aux seuls aspects environnementaux, loin s’en faut. Le stockage prend une importance croissante. Les producteurs d’électricité éolienne et solaire (photovoltaïque) savent que leur succès à long terme dépendra des possibilités de stocker une partie de l’énergie produite pour la réinjecter dans les réseaux en cas d’absence de vent ou d’ensoleillement. Dans ces conditions, les grands barrages suisses deviendront la clé de voûte stratégique des réseaux électriques, au fur et à mesure que la part des énergies vertes augmentera. Ils seront en quelque sorte les batteries des réseaux, le “back up” du système, rôle qu’ils assurent déjà en cas de consommation de pointe ou, plus simplement, pour prendre le relais des centrales nucléaires françaises en cas de panne.

Mais cette forme de réassurance hydroélectrique a des limites physiques : la capacité de transport de l’énergie électrique sur de grandes distances est limitée car les pertes augmentent fortement avec la longueur à parcourir. A tel point que certains experts préconisent un changement radical des paramètres techniques des réseaux. Actuellement, le courant électrique est distribué en mode alternatif afin de minimiser les pertes sur les courtes distances. Ce standard fut décidé à la fin du XIXe siècle, contre la volonté de Thomas Edison, partisan du courant continu… qui l’aurait avantagé comme entrepreneur. Ce fut l’une des plus célèbres bagarres qui op­posa le génial inventeur à un industriel qui deviendra lui aussi célèbre : George Westinghouse. Or, sur de très longues distances, il serait préférable d’utiliser le courant continu prôné par Thomas Edison.

Selon les évaluations réalisées par le professeur Jürgen Schmid, directeur du laboratoire des énergies renouvelable de l’université de Kassel [Allemagne], un réseau à très haute tension en courant continu permettrait de relier sans problème les éoliennes du nord et du sud de l’Europe, tout en connectant le réseau aux barrages nordiques et suisses. Les pertes de connexion sur longue distance deviendraient ainsi supportables, à tel point que le professeur Jürgen Schmid estime que les parcs éoliens pourraient à eux seuls fournir 30 % de l’énergie électrique européenne. Ce changement normatif, qui n’irait évidemment pas sans de colossaux investissements, ouvrirait la voie à des centrales solaires implantées dans le désert du Sahara. Le manque de vent et de soleil au nord de l’Europe pourrait être compensé par les centrales éoliennes ou solaires du sud, et vice versa.

Pierre Veya
Le Temps

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