06/02/2010

L'objectif de l'éducation pour tous ne sera pas atteint en 2015

7 février 2010

72 millions d'enfants ne sont pas scolarisés dans le monde. Ils seront encore 56 millions dans cinq ans, déplore l'Unesco

Sombre tableau que celui dressé par le rapport mondial de suivi sur l'éducation pour tous de l'Unesco, paru fin janvier. Avec 72 millions d'enfants encore non scolarisés, des budgets nationaux en berne et des aides bilatérales et internationales en baisse, la réalisation de l'enseignement primaire universel pour 2015, un des objectifs du Millénaire fixés par les Nations unies, est quasiment hors de portée.

" La bataille est en voie d'être perdue ", estiment les experts qui exhortent les gouvernements et les donateurs à tout faire pour éviter de " créer dans les pays les plus pauvres du monde une génération d'enfants aux chances irrémédiablement compromises par le défaut de protection de leur droit à l'éducation ".

Car si les tendances actuelles perdurent, il restera, en 2015, 56 millions d'enfants non scolarisés. Plus que tout autre, l'Afrique ainsi que tous les pays en conflit dans le monde risquent l'abandon.

Après une décennie plutôt faste, l'accès universel à l'école primaire a ralenti ces dernières années. " Depuis 1999, les taux de scolarisation en Afrique subsaharienne ont progressé cinq fois plus vite que dans les années 1990, avec des pays comme le Bénin, l'Ethiopie, le Mozambique et la Tanzanie enregistrant des progrès rapides ", note le rapport.

La qualité de l'éducation, voire l'éducation tout court, dans certaines zones rurales est cependant menacée par le manque d'enseignants : il faudrait 10,3 millions d'enseignants supplémentaires dans le monde pour atteindre l'objectif d'ici à 2015.

Différence

Derrière des moyennes parfois avantageuses, les inégalités sont criantes. En Egypte, les enfants des ménages les plus riches ont vingt-huit fois plus de chances de suivre un enseignement préscolaire que les enfants des familles les plus pauvres. Aux Philippines, on observe une différence de quatre années d'enseignement entre les foyers les plus riches et ceux les plus pauvres.

Cette différence atteint sept ans en Inde. " Les pays ne doivent plus se contenter d'améliorer leur taux moyen de scolarisation mais focaliser leurs efforts sur ces enfants les plus vulnérables ", explique Kevin Watkins, directeur général du rapport mondial, piloté par l'Unesco.

Les inégalités entre les sexes demeurent : les filles représentent encore 54 % des enfants non scolarisés. Dans 22 pays, 30 % ou plus des jeunes âgés de 17 à 22 ans ont été scolarisés pendant moins de quatre ans tandis que dans 26 autres, 20 % des jeunes de 17 à 22 ans ont été scolarisés moins de deux ans. La Turquie, par exemple, pourrait ne pas atteindre l'objectif de 100 % d'enfants à l'école primaire en raison d'inégalités subies par la communauté kurde.

Les craintes de ne pas atteindre les objectifs du millénaire fixés à Dakar sont d'autant plus élevées que le contexte de récession risque d'anéantir les fragiles succès obtenus jusque-là. L'aide actuelle - 2,7 milliards de dollars (2 milliards d'euros) - concédée aux 46 pays les plus pauvres, est très loin du compte. Selon le rapport, 11,7 milliards d'euros par an seront nécessaires pour réaliser la scolarisation pour tous. Un montant qui représente " environ 2 % des montants mobilisés pour sauver seulement quatre grandes banques des Etats-Unis et du Royaume-Uni ", note M. Watkins.

Or, en Afrique subsaharienne, " la perte potentielle de fonds " liée à la crise pourrait atteindre 4,6 milliards de dollars (près de 3, 4 milliards d'euros) en 2009 et en 2010, soit une baisse de la dépense par élève du primaire de 10 % en 2010.

Brigitte Perucca

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