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| La crise économique va-t-elle renforcer la demande en matière de microcrédit ? Pour le moment, le phénomène n'est pas quantifiable. Mais sur le terrain, d'un bout à l'autre de la planète, les acteurs de la microfinance, qui permet aux plus démunis d'avoir accès au crédit et de démarrer une activité économique, témoignent de l'arrivée à leurs guichets de nouveaux clients, victimes de la crise. " Depuis quelques semaines, nous avons des demandes de la part de menuisiers, de couturières, de coiffeurs, qui se tournent vers nous parce que leurs banques ne veulent pas ou plus leur prêter ", constate Noureddine Ayouch, président de la fondation Zakoura, l'une des grandes institutions marocaines de microcrédit. Pancho Otero, directeur de l'Institut des politiques pour la microentreprise de Santa Cruz (Bolivie), confirme que, dans certains pays du continent américain, " très dépendants de l'économie américaine, la hausse du chômage va engendrer une augmentation de l'économie informelle mais aussi une progression de la demande en microcrédit ", bouée de sauvetage pour les exclus. Selon de nombreux experts, le microcrédit devrait donc jouer un rôle d'amortisseur pour le chômage. Cette fonction n'est pas négligeable alors que, selon le Bureau international du travail (BIT), la crise devrait faire basculer jusqu'à 176 millions de travailleurs dans la pauvreté en 2009. " Le séisme financier actuel a montré comment les banques se sont échappées dans une bulle virtuelle, tandis que le microcrédit est, lui, relié à l'économie réelle ", estime Maria Nowak, présidente, en France, de l'Association pour le droit à l'initiative économique (ADIE).
DEMANDE VIGOUREUSE AU NORD Pour Mme Nowak, qui fut l'une des premières à importer en Europe cette forme de financement née dans les pays en développement, le recours au microcrédit pourrait concerner le Sud et le Nord. " Beaucoup de salariés se retrouvent à la rue du fait des nombreux plans sociaux, le travail indépendant se développe, nous le constatons en France, dit-elle. Le microcrédit permet aux chômeurs d'obtenir un premier revenu, il constitue, en temps de crise, un puissant levier d'insertion professionnelle et sociale. " La France n'est pas seule à percevoir l'intérêt de la microfinance. Aux Etats-Unis, la secrétaire d'Etat Hillary Clinton compte parmi ses plus fervents soutiens. Et, fait symbolique, le Bangladais Muhammad Yunus, considéré comme le père du microcrédit à travers sa fameuse Grameen Bank, vient d'y implanter ses premières agences. Sébastien Duquet, directeur général de l'association PlaNet Finance, confirme que le marché va être porté par une demande vigoureuse dans les pays du Nord, notamment en Europe, où, " dans quelques mois, face au chômage, les gens reprendront leur bâton d'entrepreneur ". Mais, estime-t-il, " la crise va aussi se traduire par un inévitable resserrement du crédit et une montée des taux de risques pour les institutions de microfinance, confrontées à la hausse des impayés ou au surendettement ". Le séisme actuel porte donc en germe des risques de contraction de l'offre. Les économistes se demandent ainsi dans quelle mesure les besoins supplémentaires pourront être satisfaits. Les grands soutiens financiers du microcrédit - banques, fonds d'investissement, donateurs privés et institutions financières internationales - sont fragilisés par la débâcle financière. En réponse à ces interrogations, la Banque mondiale a annoncé, jeudi 5 février, la création, en coopération avec l'Allemagne, d'un fonds de 500 millions de dollars (390 millions d'euros) qui vise à soutenir les institutions de microfinance. L'Union européenne pourrait, elle aussi, renforcer ses dotations à la microfinance en Europe. L'enjeu économique commence, de fait, à être bien perçu par les bailleurs internationaux et la classe politique. En 2007, plus de 100 millions de familles auraient bénéficié d'un microprêt. Pour Emmanuel de Lutzel, responsable de la microfinance chez BNP Paribas, il ne faut être " ni euphorique, ni catastrophiste : le secteur va continuer son bonhomme de chemin, comme ce fut le cas en 1997 lors de la crise asiatique ". " Il y a 150 millions d'emprunteurs dans le monde, dit-il, mais 3 milliards de personnes vivant avec moins de 2 dollars par jour ". Marie-Béatrice Baudet et Anne Michel, avec Marie Delcas à Bogota © Le Monde
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Bonjour et merci d'avoir reproduit cet article. Pour les lecteurs intéresses, nous avons mener notre propre interview de Maria Nowak, présidente de l'Adie sur notre blog de la plateforme Solidaires du monde :
RépondreSupprimerhttp://regardsurleweb.solidairesdumonde.org/archive/2009/02/25/rencontre-avec-maria-nowak-presidente-de-l-adie.html
Thomas