27/01/2010

Plus de 2 000 femmes meurent chaque année en couches au Burkina Faso


27 janvier 2010























Une sage-femme ausculte une jeune mère âgée de 17 ans, à Lankou, au Burkina Faso. ANNA KARI

La corruption des personnels de santé est l'une des causes de ce fléau, affirme un rapport publié mercredi par Amnesty International

Au Burkina Faso, chacun déplore, dans son entourage, une femme morte en couche. Ce simple constat donne la mesure d'un fléau qu'Amnesty International analyse et dénonce dans un rapport publié mercredi 27 janvier. L'organisation, connue pour sa défense des prisonniers d'opinion, a décidé d'étendre son action aux atteintes sociales aux droits humains. Son document (" Donner la vie, risquer la mort ") évite la caricature en choisissant le Burkina, pays certes pauvre mais où, loin de la dérive que connaissent d'autres régions du continent, un Etat digne de ce nom tente de mener une politique sanitaire.

Là, au coeur de l'Afrique de l'Ouest, la mortalité maternelle reste une calamité, contrairement à la situation qui prévaut dans les pays développés. Même s'il a beaucoup diminué, au Burkina, le taux de mortalité s'élève encore à 307 décès pour 100 000 naissances contre 9,6 en France. La mort en couches de plus de 2 000 Burkinabées par an " aurait pu être évitée ", assène Amnesty. Derrière la brutalité du chiffre, l'organisation débusque un large éventail de réalités sociales qui sont autant de terrain de lutte contre des décès analysés comme des " violations du droit à la vie ".

" Outils de reproduction "

Le statut des femmes d'abord, mariées " entre 10 et 19 ans " et considérées comme des " outils de reproduction " par des hommes qui les empêchent souvent d'accéder à la contraception. Avec pour conséquence des grossesses non désirées conduisant à des avortements clandestins réalisés " au péril de leur vie ".

Viennent ensuite l'insuffisance, la mauvaise qualité et l'éloignement des structures de santé qui expliquent les retards fatals dans l'administration des soins aux parturientes. Faute d'électricité, une accoucheuse raconte qu'elle travaille " avec une torche électrique coincée entre cou et épaule ".

La rudesse d'un personnel peu nombreux (quatre fois moins que la norme de l'Organisation mondiale de la santé, OMS) et mal formé est également illustrée. " Un infirmier m'a demandé d'acheter un carton vide, témoigne un homme qui a perdu sa femme et un bébé lors d'un accouchement. Je suis retourné à la maternité avec. Quelques minutes plus tard, l'infirmier est revenu avec le carton ; dedans, il y avait le bébé mort-né. "

Mais le point crucial du rapport a trait au coût des soins alourdi par la corruption. Le Burkina a instauré la gratuité des consultations prénatales, mais les intéressées ignorent souvent leurs droits et sont victimes du racket du personnel de santé lui-même. Une partie des stocks de médicaments est détournée. " Presque toutes les familles affirment avoir dû acheter de l'eau de Javel pour nettoyer la salle de travail. " De même, les ambulances sont théoriquement gratuites, mais la plupart des chauffeurs exigent une somme d'argent avant de démarrer, ce qui retarde d'autant les soins vitaux.

Amnesty souligne le " manque de détermination de l'action gouvernementale ". L'organisation appelle les autorités - dont on aurait aimé lire les réponses - à interdire les mariages précoces, à généraliser la remise de reçus lors de tout paiement. Elle prône un élargissement de la gratuité des soins, une mesure considérée comme juste et efficace pour lutter contre la corruption.

Philippe Bernard

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