07/11/2009

Au Burkina Faso, les moustiquaires antipaludiques sont trop vite remisées

8 novembre 2009

Au bout de six mois, un habitant sur trois délaisse ce procédé efficace mais inadapté à l'habitat local

Contre le paludisme, responsable chaque année de plus de deux millions de décès, dont 90 % en Afrique, les moustiquaires imprégnées d'insecticide demeurent le meilleur moyen de lutte. Encore faut-il qu'elles soient utilisées à bon escient par les populations. D'où l'intérêt des campagnes de sensibilisation et de distributions gratuites, dont l'effet immédiat est avéré. Mais l'impact de ces campagnes, à plus long terme, n'avait jamais été évalué.

Au Burkina Faso, c'est désormais chose faite. Et le résultat est inquiétant : selon les chercheurs de l'Institut français de recherche pour le développement (IRD) et du centre Muraz/Institut de recherche en sciences de la santé (IRSS) du Burkina Faso, une personne sur trois arrête d'utiliser les moustiquaires au bout de six mois.

Pour aboutir à ce constat, les membres de l'équipe dirigée par l'anthropologue Marc-Eric Gruénais (IRD) ont passé trois ans dans le village de Soumousso, au sud-ouest du pays, où le paludisme est endémique. Ils y ont observé l'organisation de l'espace domestique dans 200 maisons, et interviewé, chaque mois, une centaine d'hommes et de femmes âgés de 15 à 60 ans. Au sortir de cette enquête, ils ont mieux compris pourquoi une telle proportion de la population, pourtant consciente du danger que représente le paludisme, abandonne l'usage des moustiquaires.

Risques d'incendie

Outre une certaine confusion sur les modes de transmission de la maladie (selon l'acception locale, elle peut certes être contractée par la piqûre d'un moustique, mais aussi s'il fait froid ou si l'on mange certains aliments), la réticence à utiliser cette protection de tissu provient pour l'essentiel des inconvénients que pose son utilisation quotidienne dans des maisons de petite taille, composées d'une ou deux pièces tout au plus.

" Durant la journée, expliquent les chercheurs, les nattes sont rangées le long d'un mur, tandis que les ustensiles de cuisine, les condiments et la nourriture sont répartis dans la pièce. La nuit, les objets sont placés dans les coins et les nattes sont étalées au centre. " Laisser la moustiquaire suspendue pendant la journée est donc fort incommode. Et non sans danger, compte tenu des risques d'incendie provenant du feu de cuisine.

Loin d'être anecdotique, cette étude montre la nécessité, si l'on veut accroître leur efficacité, de rendre les moustiquaires plus pratiques à utiliser dans le contexte familial. Elle suggère également que soient menées, auprès des populations, des campagnes d'information plus approfondies sur les risques et les modes de transmission du paludisme.

Cet impératif est d'autant plus grand au Burkina Faso que ce pays voit actuellement les moustiques devenir de plus en plus résistants aux insecticides, du fait de leur utilisation massive pour la production de coton. Le gouvernement a dû s'adapter à cette nouvelle donne : en 2010, il prévoit de distribuer gratuitement 6,6 millions de moustiquaires imprégnées d'insecticides différents de ceux utilisés actuellement, et dont " l'efficacité sur les moustiques des zones de production du coton est avérée ". Coût estimé : plus de 18 milliards de francs CFA (27,4 millions d'euros).

Dans ce pays de 15 millions d'habitants, classé parmi les plus pauvres du monde, le paludisme tue 15 000 personnes par an. Essentiellement des enfants de moins de 5 ans.

Catherine Vincent

© Le Monde

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