28/01/2009

Nouvelles menaces sur la sécurité alimentaire


29 janvier 2009


En Argentine, un agriculteur mesure le niveau de la nappe phréatique dans un champ de tournesols. MARCOS BRINDICCI/AP

Face aux promesses non tenues des pays riches et au risque de flambée des prix des denrées, la FAO s'inquiète







Si la communauté internationale semble avoir pris conscience, avec les émeutes de la faim, des dangers politiques et sociaux que peut provoquer une flambée des prix alimentaires, les mesures pour augmenter la production dans les pays pauvres tardent à se concrétiser.

Pourtant, la menace n'est pas écartée : les aléas climatiques, l'instabilité des marchés et les incertitudes financières sont autant de facteurs qui risquent de ramener au premier plan la crise alimentaire. Elle " reste d'actualité et risque de s'aggraver ", a averti Jacques Diouf, le directeur général de l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), lors de la réunion internationale sur " la sécurité alimentaire pour tous ", lundi 26 et mardi 27 janvier, à Madrid.

RÉINVESTIR DANS L'AGRICULTURE

Les organisations non gouvernementales (ONG) ont fait de même. Elles craignent, comme la FAO, une nouvelle envolée des prix à moyen terme. Il faut donc agir, et vite. " On ne peut pas faire l'économie d'une remise à plat de la gouvernance mondiale ", estime Ambroise Mazal, représentant du CCFD et des ONG françaises.

Question budget, seul l'Espagne a fait des propositions chiffrées. Les politiques à mettre en oeuvre ont encore été débattues, sans réelle avancée. L'idée d'un " partenariat mondial ", proposé par la France au sommet du G20 en juillet 2008, a été reprise par l'Espagne, qui souhaite promouvoir " une alliance globale pour l'agriculture, la sécurité alimentaire et la nutrition ". Pour les plus optimistes, elle pourrait voir le jour lors d'un sommet de la FAO, en novembre.

Depuis des années pourtant, la FAO appelle à réinvestir dans l'agriculture, notamment dans les pays pauvres, incapables d'assurer leur sécurité alimentaire. C'est là qu'il faut produire plus, car ces pays gros importateurs de denrées sont fragilisés par la forte volatilité qui s'est emparée du marché des matières premières agricoles. Si, en 2008, la récolte mondiale a battu des records et permis une baisse des prix, c'est grâce à une météo clémente et aux pays riches, dont les agriculteurs ont eu les moyens financiers d'augmenter la production. Celle des pays pauvres, elle, a diminué. Le nombre des personnes souffrant de sous-alimentation a augmenté : il approche un milliard.

La sécheresse virulente en Argentine serait-elle un signe d'une nouvelle aggravation de la situation ? Depuis quelques semaines, les marchés des matières premières agricoles ont les yeux rivés sur la catastrophe qui s'y trame, et qui pousse les prix à la hausse.

La production de blé argentin a diminué de moitié, tandis que les prévisions de récolte de maïs et de soja, principale culture du pays, sont revues à la baisse. Lundi, alors que le bétail meurt en masse du fait du manque d'eau dans les pâturages, l'état d'urgence a été déclaré pour le secteur agricole.

Si, concernant la production mondiale, ce repli argentin n'aura qu'un faible effet, l'impact risque d'être plus important sur les exportations. L'Argentine est quatrième exportateur mondial de blé, deuxième de maïs et troisième de soja. Selon la FAO, ses expéditions de blé, de l'ordre de 9 millions de tonnes habituellement, devraient n'atteindre que 4 millions.

En 2007, les sécheresses en Australie et en Ukraine avaient en partie été à l'origine de la flambée des cours. " La tension sur les marchés n'est pas la même, car, contrairement à cette époque-là, il y a du blé disponible ", estime Adrien Bebin, de la société de conseil Offre et Demande agricole. " Pour l'Argentine, la situation est dramatique. Mais d'autres zones, comme le Canada et l'Europe, devraient pouvoir fournir à sa place ", prédit Mario Zappacosta, expert à la FAO.

Et au prochain dérèglement, si la récolte n'a pas été aussi bonne qu'en 2008 ? Le risque demeure élevé pour les populations des pays pauvres tant que des solutions pour assurer leur sécurité alimentaire ne sont pas trouvées.

Jean-Jacques Bozonnet (à Madrid) et Laetitia Clavreul

© Le Monde

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